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Anthony attrapa la gabardine d’Adam qui pendait au porte-manteau, traversa la pièce sur la pointe des pieds 321

pour s'emparer du parapluie oublié près de la fenêtre et sortit.

*

Julia avait d'abord désigné la caisse au milieu du salon et tenter ensuite d'expliquer l'incroyable. À son tour, elle s'affala sur le canapé pendant qu'Adam faisait les cent pas.

– Qu’aurais-tu fait à ma place ?

– Je n'en sais rien, je ne sais même plus où est la mienne de place. Tu m'as menti pendant une semaine, tu veux maintenant que je croie à cette fable.

– Adam, si ton père sonnait à la porte de chez toi le lendemain de sa mort, si la vie t’offrait de passer encore quelques moments avec lui, six jours pour pouvoir se dire toutes les choses inavouées, revisiter tous les secrets de ton enfance, tu ne saisirais pas cette chance, tu n'accepte-rai pas ce voyage même s’il relevait de l'absurde ?

– Je croyais que tu haïssais ton père.

– Je le pensais aussi, et pourtant tu vois, maintenant j'aimerais avoir quelques instants de plus avec lui. Je n'ai fait que lui parlers de moi alors qu'il a tant d'autres choses que je voudrais comprendre de lui, de sa vie. Pour la première fois, j'ai pu le regarder avec des yeux d'adultes, libérés de presque tous les égoïsmes. J'ai admis que mon père avait des défauts, moi aussi, cela ne veut pas dire pour autant que je ne l'aime pas en rentrant, je me disais que si j'étais certaine que mes enfants montrent un jour la même tolérance envers moi, alors j'aurais peut-être moins peur que de devenir à mon tour parent, j'en serais peut-être plus digne.

– Tu es délicieusement naïve. Ton père à orchestré ta vie depuis le jour de ta naissance ; n'est-ce pas ce que tu me disais les rares fois où tu me parlais de lui ? En admettant que cette histoire absurde soit vraie, il aura réussi l'improbable pari de poursuivre son œuvre même après sa mort. Tu n'as rien partagé avec lui, Julia, c'est une machine ! Tout ce qu'il a pu te dire était préenregistré. Comment t’es-tu laissé prendre à ce piège ?

Ce n'était pas une conversation entre vous deux, c'était un monologue. Toi qui conçois des personnages de fiction, permets-tu aux enfants de s'entretenir avec eux ? Bien sûr que non, tu anticipes simplement leurs envies, inventes les phrases qui les divertiront, les rassureront. À sa façon, ton père a usé du même stratagème. Il t'a manipulée, une fois de plus. Votre petite semaine à deux ne fut qu'une parodie de retrouvailles, sa présence un mirage, ce qui a toujours été s'est poursuivi quelque jour de plus. Et toi, en manque de cet amour qu’il ne t’a pas donné, tu es tombée dans le panneau. Jusqu'à le laisser mettre à mal nos projets de mariage, et ce n'était pas son premier essai réussi.

– Ne soit pas ridicule, Adam, mon père n'a pas décidé de mourir juste pour nous séparer.

– Où étiez-vous tous les deux cette semaine, Julia ?

– Qu'est-ce que cela peut faire ?

– Si tu ne peux pas me l'avouer, ne t'inquiète pas, Stanley l'a fait à ta place. Ne lui reproche rien, il était ivre mort ; c'est toi qui m'avais dit qu'il ne résistait pas à la tentation d’un bon vin, et j'ai choisi l'un des meilleurs. Je l'aurais fait venir de France pour te retrouver, pour comprendre pourquoi tu t'éloignais de moi, pour savoir s'il fallait que je t'aime encore.

J'aurais attendu cent ans, Julia, pour pouvoir t'épouser. Aujourd'hui je ne ressens plus qu'un immense vide.

– Je peux t’expliquer, Adam.

– Maintenant tu le pourrais ? Et lorsque tu es passée à mon bureau m'as annoncé que tu partais en voyage, le jour suivant où nous nous sommes croisés à Montréal, celui d'après et tous les autres ou je t'appelais sans que jamais tu ne me prennes au téléphone ou répondes à mes messages ? Tu as choisi d'aller à Berlin retrouver cet homme qui hantait ton passé et tu ne m’as rien dit. Qu'est-ce que j'ai été pour toi, une passerelle entre deux étapes de ta vie ?

Quelqu'un de sécurisant auquel tu t'accrochais en espérant un jour le retour de celui que tu n'as cessé d’aimer ?

– Tu ne peux pas penser qu'une chose pareille, supplia Julia.

– Et s'il frappait à ta porte, à l'instant même, que ferais-tu ?

Julia resta silencieuse.

– Alors comment le saurais-je puisque tu ne lesais pas toi-même ?

Adam s'avança vers le palier.

– Tu diras à ton père, ou à son robot, que je lui offre mon imperméable.

Adam s'en alla. Julia compta ses pas dans l'escalier et elle entendit le bruit de la porte au rez-de-chaussée se refermer derrière lui.

*

Anthony frappa délicatement avant d'entrer dans le salon. Julia était appuyée à la fenêtre, le regard perdu vers la rue.

– Pourquoi as-tu fait ça, murmura-t-elle ?

– Je n'ai rien fait, c'était un accident, répondit Anthony.

– Accidentellement, Adam arrive chez moi une heure plus tôt ; accidentellement, il ouvre la porte ; accidentellement, il s'assied sur la télécommande et, tu te retrouves allongé par terre au milieu du salon.

– J'avoue que cela fait une succession de signes assez conséquente ... Il faudrait peut-être que nous tentions tous deux d'en comprendre la portée...

– Cesse d'être ironique, je n'ai plus du tout envie de rire, je te repose une dernière fois ma question, pourquoi as-tu fait cela ?

– Pour t'aider à lui avouer la vérité, pour te confrontés à la tienne. Ose me dire que tu ne te sens pas plus légère. En apparence probablement plus seule que jamais, mais, au moins, en paix avec toi même.

– Je ne te parle pas seulement de ton numéro de ce soir...

Anthony soupira profondément.

– Sa maladie a fait que ta maman ne savait plus qui j'étais avant de mourir, mais je suis certain de profond de son cœur qu'elle n'avait pas oublié la façon dont nous nous sommes aimés. Moi je ne l'oublierai pas. Nous n'avons pas été un couple parfait ni des parents modèles, loin s'en faut. Nous avons connu nos moments d'incertitude, de disputes, mais jamais, tu m'entends, jamais nous n'avons douté du choix que nous avions fait d'être ensemble, de cet amour que nous te portons. La conquérir, l’aimer, avoir un enfant d'elle, auront été les choix le plus importants de ma vie, les plus beaux, même s'il m'aura fallu un temps fou à trouver le mot juste pour te le dire.

– Et c'est au nom de ce merveilleux amour que tu as fait autant de dégâts dans ma vie ?

– Tu te souviens de ce fameux petit bout de papier dont je te parlais au cours de notre voyage ? Tu sais, celui que l'on garde toujours quelque part près de soi, dans son portefeuille, dans une poche, dans sa tête ; pour moi il s'agissait de ce mot griffonné que ta mère m'avait laissé le soir où je ne pouvais pas payer l'addition dans une brasserie des Champs-Élysées -tu comprends mieux maintenant pourquoi je rêvais de finir ma vie à Paris - mais pour toi, était-ce ce vieux deutsche Mark qui n'a jamais quitté ton sac ou les lettres de Tomas que tu avais rangées dans ta chambre ?

– Tu les as lues ?

– Je ne me serais jamais autorisé une chose pareille.

Mais je les ai aperçues en allant ranger son dernier courrier. Lorsque j'ai reçu ton faire-part de mariage, je suis monté dans ta chambre. Au milieu de cet univers qui me ramenait à toi, à tout ce que je n'ai pas oublié et n'oublierai jamais, je n'ai cessé de me demander ce que tu ferais le jour où tu apprendrais l'existence de cette lettre de Tomas, s'il fallait que je la détruise ou que je te la donne, qui peut la remettre le jour de tes noces était ce qu'il y avait de mieux à faire ? Je n'avais plus beaucoup de temps pour en décider. Mais tu vois, comme tu le dis si bien, lorsqu'on lui prête un peu attention, la vie vous offre des signes épatants. À Montréal, j'ai trouvé une partie de la réponse à la question que je me posais, une partie seulement ; la suite appartenait.