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Ton papa.

Julia replia la lettre. Elle avança jusqu'à la caisse au milieu du salon. Elle caressa le bois de la main et murmura à son père qu'elle l’aimait. Le cœur lourd, elle obéit à sa dernière volonté, veillant en descendant l'escalier a confié sa clé à son voisin. Elle prévient M. Zimoure qu'un camion viendrait chercher chez elle un colis ce matin et lui demande de bien vouloir leur ouvrir. Elle ne lui laissa pas le loisir d'en discuter, déjà, elle remontait la rue à pied, en direction d'un magasin d'antiquités.

23.

Un quart d'heure s'était écoulé, le silence régnait à nouveau dans l'appartement de Julia. Un léger déclic suivi d'un grincement et la porte de la caisse s'ouvrit.

Anthony en sortit, épousseta ses épaules et avança jusqu'au miroir pour ajuster le nœud de sa cravate. Il remit en bonne place sur l'étagère le cadre qui contenait sa photo, et balayait le lieu du regard.

Il quitta l'appartement et descendit vers la rue garée devant l'immeuble, une voiture l’attendait.

– Bonjour, Wallace, dit-il en s'installant à l'arrière.

– Heureux de vous revoir, monsieur, répondit son secrétaire particulier.

– Les transporteurs sont prévenus ?

– Le camion est juste derrière nous.

– Parfait, rétorqua Anthony.

– Je vous raccompagne à l'hôpital, monsieur ?

– Non, j'ai assez perdu de temps comme cela. Nous allons à l'aéroport en passant d'abord par la maison, je dois changer de valise. Vous préparerez aussi un bagage pour vous, je vous emmène avec moi, j'ai perdu le goût de voyager seul.

– Puis-je vous demander où nous partons, monsieur ?

– Je vous expliquerai en route. Il faudra que vous pensiez à prendre votre passeport.

La voiture bifurqua Greenwich Street. Au carrefour suivant, la vitre s'ouvrit et une télécommande blanche atterrit dans le caniveau.

24.  

De mémoire de new-yorkais, jamais octobres n'avait donné de températures aussi douces.

L’été indien était un des plus beaux que la ville ait jamais connus. Comme tous les week-ends depuis trois mois, Stanley avait rejoint Julia pour Bruncher en sa compagnie.

Aujourd'hui la table qui leur était réservée chez Pastis attendrait. Ce dimanche était particulier, M. Zimoure inaugurait ses soldes et pour la première fois où Julia frappait à sa porte sans avoir à lui annoncer une catastrophe, il avait accepté de lui ouvrir sa boutique deux heures avant l'horaire officiel.

– Alors, comment me trouves-tu ?

– Tourne-toi et laisse-moi regarder.

– Stanley, cela fait une demi-heure que tu examines mes pieds, je n'en peux plus de rester debout sur ce podium.

– Tu veux mon avis, ma chérie, oui ou non ?

Tourne-toi encore que je te voie de face. C'est bien ce que je pensais, ce n'est pas du tout la hauteur de talons qu’il te faut.

– Stanley !

– Cette manie d'acheter en solde m’horripile.

– Tu as vu les prix ici ! Pardon si je n'ai pas d'autre choix avec mon salaire d'infographiste, chuchota-t-elle.

– Ah, tu ne vas pas recommencer !

– Bon, vous les prenez ? demanda M. Zimoure épuisé. Je crois que je vous les ai toutes sorties, à vous deux vous avez réussi à mettre magasin en pièces.

– Non, reprit Stanley, nous n'avons pas encore essayé les ravissants escarpins que je vois sur cette étagère, oui, la dernière tout en haut.

– Dans la pointure de mademoiselle, je n'en ai plus.

– Et dans la réserve ? Supplia Stanley.

– Il faut que je descende voir, soupira M. Zimoure en s'éclipsant.

– Il a de la chance d'être le cours incarnée celui-là, parce qu'avec un tel caractère...

– Tu trouves qu'il est l'élégance incarnée ? rit Julia.

– depuis le temps, nous pourrions peut-être l'inviter au moins une fois à dîner chez toi.

– Tu plaisantes ?

– ce n'est pas moi qui ne cesse de répéter qu'ils vont des plus belles chaussures de tout New York, que je sache.

– Et c'est pour cela que tu voudrais...

– Je ne vais pas rester veuf, tu as quelque chose contre ?

– Absolument rien, mais enfin M. Zimoure... ?

– Oublie Zimoure ! Dit Stanley en jetant un oeil vers la vitrine.

– Déjà ?

– Ne te retourne surtout pas, mais cet homme qui nous regarde derrière la vitrine est absolument irrésistible !

– Quel type ? demanda Julia sans oser faire le moindre mouvement.

– Celui qui a le visage collé à la vitre depuis dix minutes et qui te regarde comme s'il avait vu la vierge... À ce que je sache elle n'aurait pas porté des escarpins à trois cents dollars, et encore moins en solde ! Ne te retourne pas je t'ai dit, c'est moi qui l'ai vu en premier !

Julia releva la tête et ses lèvres se mirent à trembler.

– Oh non, dit-elle la voix fragile, celui-là, je l'avais vu bien avant toi...

Elle abandonna ses chaussures sur l'estrade, tourna le loquet de la porte du magasin, et se précipita dans la rue.

*

Quand M. Zimoure regagna son magasin, il trouva Stanley, assis seul sur l'estrade, une paire d'escarpins à la main.

– Mlle Walsh est partie ? demanda-t-il effaré.

– Oui, répondit Stanley, mais ne vous inquiétez pas, elle reviendra, probablement pas aujourd'hui, mais elle reviendra.

M. Zimoure en laissa tomber la boîte qu'il tenait dans les mains. Stanley la ramassa et la lui rendit.

– Vous avez l'air tellement désespéré, allez, je vous aide à tout ranger et ensuite, je vous emmène prendre un café, ou un thé si vous préférez.

*

Tomas effleura les lèvres de Julia du bout des doigts et posa un baiser sur ses paupières.

– J'ai essayé de me convaincre que je pouvais vivre sans toi, mais tu vois, je ne peux pas.

– Et l'Afrique, tes reportages, que dira Knapp ?

– A quoi me sert de parcourir la terre pour rapporter la vérité des autres si je me mens à moi-même, à quoi me sert d'aller de pays en pays quand celle que j'aime ne s'y trouve pas ?

– Alors ne te pose plus d'autre question, c’était la plus belle façon de me dire bonjour, dit Julia en se hissant sous la pointe des pieds.

Ils s'embrassèrent et leur baiser dura, semblable à celui de deux amants qui se s’aiment au point d'en oublier le reste du monde.

– Comment m'as-tu retrouvé ? demanda Julia blottie dans les bras de Tomas.

– Je t'ai cherchée pendant vingt ans, en bas de chez toi, ce n'était pas ce qu'il y avait de plus difficile, répondit-il.

– Dix-huit, et crois-moi, c'est bien assez long comme ça !

Et Julia l’embrassa à nouveau.

– Mais toi Julia, qu'est-ce qui t’a décidé à venir à Berlin ?

– Je te l'ai dit, un signe du destin... C'est en voyant un portrait de-toi oublier sur la table d’une dessinatrice de rue.

– Je n'ai jamais fait faire mon portrait.

– Bien Sur que si, c'était ton visage, tes yeux, ta bouche, ils avaient même ta fossette au menton.

– Et où se trouvait ce dessin si ressemblant ?

– Sur le Vieux-Port de Montréal.

– Je ne me suis jamais allé à Montréal…

Julia leva les yeux, un nuage filait dans le ciel de New York, elle sourit en regardant la forme qu'il prenait.

– Il va drôlement me manquer.

– Qui ça ?

– Mon père. Viens maintenant, allons nous promener, il faut que je te présente à ma ville.

– Tu es pieds nus !

– Ça n'a vraiment plus aucune importance, répondit Julia.