Elle est terrible, la colère de Zeus, protecteur des suppliants.
Strophe I.
Fils de Palaikhthôn, entends-moi avec bienveillance, ô roi des Pélasges. Regarde-moi, suppliante, exilée, errante, comme une génisse aux taches blanches sur un haut rocher. Elle mugit sans secours et raconte son péril au bouvier.
Autour des autels des dieux qui président les Jeux, je vois cette foule de jeunes filles suppliantes, ombragée de rameaux récemment coupés. Puissent-elles, ces étrangères, ne pas être une cause de ruine pour nous, et puisse une guerre inattendue ne pas sortir de ceci. Certes, notre ville n'en a pas besoin.
Antistrophe I.
Que Thémis, déesse des suppliants, fille de Zeus qui dispense les biens, regarde ma fuite innocente! Et toi, vieillard, apprends ceci de plus jeunes que toi: Si tu respectes un suppliant, tu ne manqueras de rien, car la volonté des dieux accepte les offrandes sacrées d'un homme pieux.
Vous ne vous êtes point assises en suppliantes au foyer de mes demeures. S'il y a manque d'hospitalité, toute la ville en est responsable, et c'est au peuple tout entier à s'en inquiéter, afin d'échapper à l'expiation. Pour moi, je ne vous ferai aucune promesse, mais je délibérerai sur ceci avec tous les citoyens.
Strophe II.
Tu es la ville, tu es le peuple, tu es le prytane souverain qui commandes à l'autel et au foyer. Tu es seul dans ta volonté, tu es assis seul sur le trône où tu régis toutes choses. Crains seul tout le mal.
Qu'il retombe sur mes ennemis! Je ne puis vous venir en aide sans danger, et il est inhumain de mépriser vos prières. Mon esprit est plein de doutes et de craintes et je ne sais ce qu'il faut faire ou ne pas faire.
Antistrophe II.
Celui qui d'en haut veille sur nous, regarde-le, ce gardien des malheureux réfugiés en suppliants auprès de leurs proches qui leur refusent la justice qui leur est due. La colère de Zeus, protecteur des suppliants, suit les plaintes vaines des malheureux.
Mais si les fils d'Aigyptos affirment que, d'après la loi de cette ville, étant du même sang, vous êtes sous leur main, qui les réfutera? Il est donc nécessaire de leur opposer vos propres lois, si vous désirez prouver qu'ils n'ont aucun droit sur vous.
Strophe III.
Que je ne sois jamais soumise à ces hommes! Plutôt fuir sous les astres, à travers les mers, ces noces odieuses! Mais tu prendras la justice pour compagne, et tu jugeras ainsi que le veut la majesté des dieux.
La cause n'est pas facile à juger. Ne me prends pas pour juge. Je te l'ai dit déjà, même si j'en avais le pouvoir, je ne déciderais rien sans le peuple, de peur qu'il me dise un jour, si quelque malheur arrivait: – Pour avoir honoré des étrangères, tu as perdu ta ville.’
Antistrophe III.
Zeus pèse ma cause et décide selon l'équité entre mes proches et moi. Il dispense le châtiment aux mauvais et la justice aux bons. Puisque tout est encore en suspens, pourquoi ne fais-tu pas ce qui est juste?
Semblable au plongeur dont l'œil lucide ne doit pas être troublé par le vin, il me faut descendre dans une profonde réflexion, afin que tout se concilie heureusement, sans danger pour la ville et pour moi-même, et sans attirer la guerre et la vengeance; il me faut ne point vous livrer, vous qui êtes assises aux autels des dieux, et ne point offenser le dieu vengeur, terrible à tous, qui, même dans le Hadès, ne lâche point les morts. Ne dois-je pas, selon vous, m'inquiéter de ce souci sauveur?
Strophe I.
Aie ce souci et sois pour nous, comme il est juste, un protecteur bon et miséricordieux. Ne me perds pas, fugitive, chassée de la terre natale par une violence impie.
Antistrophe I.
Ne souffre pas que je sois arrachée, à tes yeux, des autels de tant de dieux, telle qu'une proie. Ô toi qui possèdes toute la puissance sur cette terre, songe à l'insolence de ces hommes et préserve-moi de leur colère.
Strophe II.
Ne souffre pas que, suppliante, je sois arrachée des images des dieux contre tout droit et toute justice, telle qu'une jument entraînée, saisie par mes bandelettes aux couleurs variées et par mes vêtements.
Antistrophe II.
Sache que, selon ce que tu décideras, il en arrivera autant à tes enfants et à ta demeure. Songe dans ton esprit que telle est la juste loi de Zeus.
Je le pense aussi. Tout se réduit à cela. Avec les dieux ou avec les persécuteurs de ces femmes, c'est une guerre terrible de toute nécessité. Les clous sont tous fixés dans la nef, et celle-ci glisse sur les rouleaux. Nulle fin à tout ceci sans tourment. Richesses enlevées, demeures dévastées, les plus grandes calamités sont suivies d'une plus grande abondance, si Zeus, qui dispense les biens, le veut ainsi. Si la langue a parlé d'une façon inopportune, des paroles peuvent adoucir ceux que des paroles ont douloureusement offensés. Afin que le sang de mes proches ne soit pas versé, il me faut offrir à tous les dieux de nombreux sacrifices et de nombreuses victimes, remèdes de toute calamité. Certes, je voudrais être délivré de cette guerre. J'aime mieux ignorer les maux que les éprouver. Puisse, contre mon espérance, ceci avoir une heureuse fin!
Écoute mes dernières paroles.
J'écoute, parle, rien ne m'échappera.
J'ai des ceintures qui retiennent mes vêtements.
Certes. Cela convient aux femmes.
Sache donc qu'il y a là pour nous une aide excellente.
Explique-toi. Que signifient ces paroles?
Si tu ne nous promets rien de certain…
De quelle aide te seront ces ceintures?
Elles serviront à parer ces images d'ornements nouveaux.
Tu parles en énigmes. Dis-moi comment.