Mais on dit que les loups sont plus forts que les chiens, et que le fruit du papyros n'en vaut pas l'épi.
Semblables à des bêtes fauves, impies et farouches, ils ont l'âme furieuse, et il faut redouter leur violence.
La navigation d'une armée navale n'est pas aussi prompte. Il faut trouver un mouillage où l'on puisse fixer les câbles qui attachent les nefs à la terre. Les pilotes ne jettent pas sitôt les ancres, surtout quand ils abordent une côte sans port. A l'heure où Hèlios tombe vers l'ombre, la nuit a coutume d'inspirer des inquiétudes à un sage pilote. Ainsi cette armée ne débarquera pas en sûreté avant d'avoir trouvé pour ces nefs un mouillage auquel on puisse se fier. Pour toi, prends garde, saisie de terreur, de négliger les dieux, et implore leur secours. La ville ne se plaindra pas de votre messager, car, bien que je sois vieux, la parole ni la prudence ne me manquent.
Strophe I.
Ô terre montueuse, justement vénérable, qu'allons nous souffrir? Où fuir sur la terre d'Apis, où trouver quelque part une caverne? Que ne puis-je, noire fumée, m'approcher des nuages de Zeus et disparaître! Je m'anéantirais comme une poussière qui s'envole sans ailes!
Antistrophe I.
Je n'ai plus de courage, si je ne prends la fuite. Mon cœur sombre est saisi d'épouvante. Cette retraite choisie par mon père me perdra. Je meurs de crainte. J'aimerais mieux subir la destinée fatale, suspendue à ce lacet, que de sentir un de ces hommes odieux me saisir avec violence. Que je sois morte plutôt, et qu'Aidès me commande!
Strophe II.
Qui me donnera une demeure aérienne où les nuées pluvieuses deviennent de la neige, un rocher âpre, escarpé, inaccessible aux chèvres, solitaire, fréquenté des vautours, et d'où je puisse me précipiter avant de subir ces noces détestées?
Antistrophe II.
Ensuite je ne refuserai pas de servir de pâture aux chiens et aux oiseaux carnassiers de ce pays. La mort me délivrera de mes maux lamentables; que la mort m'arrive avant le lit nuptial! Quel autre libérateur de ces noces pourrais-je trouver?
Strophe III.
Élevez vos voix lugubres vers l'Ouranos, poussez des chants suppliants vers les dieux, qui m'obtiennent leur aide et me délivrent. Père, vois les desseins de nos ennemis, toi qui n'aimes pas à contempler de tes yeux sévères les actions violentes. Sois favorable à tes suppliantes, Maître de la terre, très puissant Zeus.
Antistrophe III.
L'orgueilleuse race d'Aigyptos, cette race farouche qui me poursuit et me presse dans ma fuite, veut me saisir avec violence. Mais toi, Zeus, tu tiens le fléau de la balance, et les mortels ne font rien sans toi!
Oh! oh! oh! ah! ah! ah! Voici un ravisseur, sorti des nefs, qui me poursuit à terre! Auparavant, ô ravisseur, meurs! ah! ah! ô dieux! de nouveau je pousse des cris lamentables. Voici le commencement des misères et des violences que je vais subir. Hélas! hélas! secours promptement des jeunes filles fugitives.
Hâtez-vous! marchez promptement vers la nef.
Eh bien! arrachez nos cheveux, frappez-nous, coupez notre tête toute sanglante!
Promptement, misérables! à la nef! et ensuite à travers les flots salés! Obéis à mes ordres sans réplique et au fer de ma lance. Je te pousserai sanglante dans la nef, où tu resteras gisante. Cède à la violence. Point de résistance insensée.
Hélas, hélas!
Marche vers la nef, laisse ces autels; ils ne sont point honorés par les hommes pieux.
Qu'elle ne me revoie jamais, l'onde nourricière du Néilos qui rajeunit le sang des mortels! Sur cette terre sacrée, vieillard, je suis sortie d'une très antique race.
A la nef! à la nef! marche promptement, que tu le veuilles ou non. Entraînées de force, allons! marchez vers la nef, avant que je vous frappe de mes poings, misérables!
Strophe I.
Hélas! hélas! que n'as-tu péri misérablement dans le gouffre de la mer, jeté, au milieu des vastes tempêtes, contre le cap Sarpèdonien?
Crie, lamente-toi, invoque les dieux! Tu n'éviteras pas la nef aigypienne. Lamente-toi, pousse des gémissements plus amers que toutes les douleurs, nomme-toi Lamentation!
Antistrophe I.
Hélas! hélas! L'outrage aboie sur le rivage! Tu vomis l'eau amère, toi qui me parles! Que le grand Néilos t'engloutisse, orgueilleux, toi et ton arrogance!
Je vous ordonne de gagner la nef qui appuie sa proue au rivage. Allons, promptement et sans retard! sans quoi je vais vous y traîner violemment par les cheveux!
Strophe II.
Hélas! hélas! père! Le secours divin ne m'a pas sauvée du malheur. Comme une araignée qui m'enveloppe, voilà le songe noir! ô dieux, ô dieux! Terre, ma mère! Terre, ma mère! détourne ces clameurs terribles. Ô roi! fils de Gaia, ô Zeus!
Je ne crains pas les dieux de cette terre. Ils n'ont point nourri mon enfance et ils ne me conduiront pas à la vieillesse.
Antistrophe II.
Voici que ce serpent à deux pieds est plein de rage près de moi, et veut me mordre comme une vipère. Ô dieux! ô dieux! Terre, ma mère! Terre, ma mère! détourne ces clameurs terribles. Ô roi! fils de Gaia, ô Zeus!
Celle qui, n'obéissant pas à mes paroles, ne marchera point vers la nef, ne tardera pas à voir ses vêtements en pièces.
Strophe III.
Hélas! ô chefs et princes de la ville, je succombe!
Vous verrez bientôt plusieurs princes, les fils d'Aigyptos. Croyez-moi, vous ne manquerez point de maîtres.
Antistrophe III.
Nous périssons, ô roi! nous succombons!
Vous allez être traînées d'ici par les cheveux, puisque vous n'obéissez pas à mes paroles.