Certes, cela regarde les dieux.
Mais on dit que les dieux abandonnent une ville prise d'assaut.
Strophe II.
Puisse, moi vivante, l'assemblée des dieux ne jamais l'abandonner! Que je ne voie jamais notre ville envahie par l'ennemi et en proie à l'ardent incendie!
N'amenez pas notre ruine en invoquant les dieux. Femmes! l'obéissance est la mère du salut. J'ai parlé.
Antistrophe II.
Mais la puissance des dieux est au-dessus de tout. Souvent elle console dans le malheur et chasse de nos yeux les nuages suspendus des calamités amères.
Il appartient aux hommes d'égorger les victimes et de faire les sacrifices aux dieux quand l'ennemi approche. Vous ne devez que vous taire et rester enfermées dans vos demeures.
Strophe III.
Nous habitons une ville encore invaincue par la protections des dieux, et nos murailles nous défendent de la multitude des ennemis. Pourquoi nous blâmer de notre piété?
Je ne vous blâme point d'honorer la race des dieux; mais n'empêchez point les citoyens de courir aux armes. Restez calmes, et ne vous épouvantez pas hors mesure.
Antistrophe III.
Quand j'ai entendu ce fracas soudain, saisie de terreur je me suis réfugiée dans cette citadelle, retraite vénérable.
Maintenant, si vous entendez parler de morts et de blessés, ne vous répandez pas en lamentation sur eux, car Arès se repaît du carnage des vivants.
Ah! j'entends le hennissement des chevaux!
Entendez-le, mais gardez vous de l'entendre trop!
La citadelle gémit dans ses fondements, enveloppée d'ennemis.
C'est à moi de m'en occuper.
Je meurs d'épouvante; le bruit s'accroît aux portes.
Ne vous tairez-vous point? N'en dites rien dans la ville.
Ô vous tous, ô dieux, ne livrez pas nos murailles!
Misérables! ne vous tairez-vous pas?
Ô dieux de la ville, gardez-nous d'être réduites en servitude!
C'est vous qui nous réduisez en servitude, moi et toute la ville.
Ô Zeus tout-puissant, lance ton trait contre nos ennemis!
Ô Zeus, pourquoi as tu créé cette race de femmes!
Nous serons aussi misérables que les hommes, si la ville est prise.
Encore des cris de mauvais augure en embrassant ces images des dieux!
L'épouvante et la terreur égarent ma langue.
Ce que je te prie de m'accorder est peu de chose.
Dis promptement, afin que je le grave aussitôt dans mon esprit.
Tais-toi, ô malheureuse, et n'effraye point les nôtres.
Je me tais, et je subirai la destinée commune.
Je préfère tes dernières paroles aux premières. C'est pourquoi laisse ces images, et, par de meilleurs prières, supplie les dieux d'être nos compagnons dans le combat. Puis, quand tu auras entendu mes vœux, chante le chant sacré, l'heureux paian, qui s'élève au milieu des solennités sacrées des Hellènes, qui donne la confiance aux amis et dissipe ma crainte que donne l'ennemi:
– Aux dieux de la ville et de la terre, aux dieux des champs et de l'agora, aux sources de Dirkè, à l'Ismènos, je jure, si la victoire est à nous et si la ville est sauvée, d'égorger des brebis sur les autels des dieux, de leur sacrifier des taureaux, et de consacrer en trophées, dans leurs demeures divines, les armures et les dépouilles prises à l'ennemi.
– Tels sont les vœux qu'il faut adresser aux dieux, sans gémissement, sans lamentation vaines et sauvages. En effet, vous n'échapperez pas d'avantage à la fatale destinée. Pour moi, je vais placer aux sept issues des murailles les six guerriers et moi, le septième, les meilleurs adversaires des ennemis, avant que les rapides nouvelles, que les rumeurs qui volent et se multiplient ne mettent tout en feu dans cette nécessité.
Strophe I.
Je ferai ainsi; mais la crainte n'est point apaisée dans mon cœur, et les inquiétudes l'oppressent et l'épouvante, à cause de l'ennemi qui enveloppe nos murailles, de même que la colombe, qui nourrit ses petits, redoute pour eux les serpents qui se glissent dans le nid. Et voici qu'ils approchent des tours, en foule et par masses serrées! Qu'arrivera-t-il de moi? Ils lancent de tous côtés contre les citoyens les rudes pierres qu'ils ont saisies. Par tous les moyens, ô dieux nés de Zeus, défendez la ville et le peuple de Kadmos!
Antistrophe I.
Quelle terre meilleure irez-vous chercher, après que vous aurez abandonné aux ennemis ce pays fertile et la source de Dirkè, la plus salutaire de toutes les eaux qu'envoient Poseidôn qui entoure la terre et les enfants de Tèthys? C'est pourquoi, ô dieux protecteurs de la ville, envoyez à ceux qui sont hors nos murailles l'épouvante qui trouble les guerriers et fais jeter les armes, donnez la victoire aux nôtres, et, protecteurs de la ville, toujours présents dans vos demeures, soyez touchés des prières que nous vous adressons à haute voix.
Strophe II.
Il serait lamentable que la ville Ogygienne fût engloutie dans le Hadès, en proie à la lance, réduite en servitude souillée de cendre, dévastée honteusement par l'homme Akhaien et la volonté des dieux, et que les femmes, hélas! jeunes et vieilles, les vêtements déchirés, fussent traînées par les cheveux comme des juments! Et toute la ville retentirait des mille clameurs des captives mourantes! Je crains cette destinée terrible.
Antistrophe II.
Il serait lamentable que des vierges, avant la solennité des noces, fussent entraînées loin de la demeure. En effet, la mort serait une destinée plus heureuse; car une ville saccagée souffre d'innombrables maux. On entraîne, on tue, on allume l'incendie; toute la ville est infectée de fumée; Arès, le dompteur de peuples, furieux, étouffe la pitié.