Strophe III.
La ville retentit de confuses clameurs; la multitude ennemie l'enveloppe d'une muraille hérissée. L'homme est tué par l'homme avec la lance. Les vagissements des enfants à la mamelle et tout sanglants retentissent. Voici les rapines, compagnes des tumultes. Celui qui va piller se heurte à celui qui a pillé; ceux qui n'ont rien encore s'appellent les uns les autres; aucun ne veut la moindre part, mais tous veulent la plus grande portion de la proie. Qui pourrait tout raconter?
Antistrophe III.
Toutes sortes de fruits épars sur la terre pénètrent de douleur qui les rencontre. Spectacle amer pour les intendantes! Les innombrables présents de la terre sont emportés par les eaux fangeuses. Les jeunes filles, brusquement assaillies par un malheur nouveau pour elles, seront les misérables esclaves d'un guerrier heureux, d'un ennemi! Et la seule espérance qui leur reste est de s'engloutir dans la ténébreuse mort qui met fin aux lamentables misères.
Amies! cet éclaireur, je pense, nous apporte quelque nouvelle de l'armée ennemie. Il accourt en grande hâte.
Le roi lui-même, le fils d'Oidipous approche, afin d'apprendre la nouvelle du messager. Comme ce dernier, il hâte sa marche.
Bien instruit, je dirai clairement ce que l'ennemi prépare, et chacun de ceux que le sort a marqués pour attaquer les portes. Déjà Tydeus frémit de colère à la porte Proitide, car le divinateur défend de passer le fleuve Ismènos, les signes sacrés n'étant pas propices. Et Tydeus, furieux et avide du combat, tel qu'un dragon sous les ardeurs de midi, pousse des cris et outrage le prudent divinateur Oikléidès, lui reprochant de fuir lâchement la mort et le combat. En criant ainsi il secoue les épaisses aigrettes, crinière de son casque; et les clochettes d'airain qui pendent de son bouclier sonnent la terreur. Il porte sur ce bouclier un emblème orgueilleux, l'Ouranos resplendissant d'astres; et, au centre, Sélènè, éclatante et pleine, reine des étoiles, œil de la nuit, rayonne. Furieux, et fier de ses armes magnifiques, il pousse des clameurs sur les rives du fleuve, avide du combat, comme l'étalon, haletant contre le frein, qui s'emporte, désirant le son de la trompette. Qui lui opposeras-tu? Qui défendra la porte de Proitos, les barrières une fois rompues, et aura la force de le contenir?
Je ne redoute point des ornements guerriers. Les emblèmes ne font pas de blessures, les aigrettes et les clochettes ne mordent point sans la lance. Cette nuit que tu dis être ciselée sur le bouclier et qui resplendit des astres de l'Ouranos, est peut-être un signe fatal pour cet homme. Si la nuit tombe sur ses yeux mourants, cet emblème orgueilleux aura été pour qui le porte un présage véritable et certain, et il aura prédit lui-même le terme de son insolence. Moi, j'opposerai à Tydeus, comme défenseur de la porte, le brave fils d'Astakos, issu d'une race illustre, trône du devoir, qui hait les paroles impudentes, qui méprise la honte et n'a point coutume d'être un lâche. Mélanippos, enfant de cette terre, est issu des guerriers nés des dents semées, de ceux qu'Arès épargna. Arès décidera du combat par ses dés; mais il est juste que Mélanippos détourne la lance ennemie du sein de la mère qui l'a conçu.
Strophe I.
Que les dieux donnent la victoire à notre défenseur, à celui qui combat pour la ville et pour le droit! Mais je crains de voir l'égorgement sanglant de nos amis.
L’ÉCLAIREUR.
Certes, que les dieux lui accordent de vaincre heureusement! Kapaneus a été marqué par le sort pour la porte d'Élektra. C'est un autre géant, plus grand que le premier, et son insolence n'est pas d'un homme. Il lance contre nos murailles des menaces horribles. Puisse la destinée ne pas les accomplir! Il dit qu'il renversera Thèba, que les dieux y consentent ou non. La foudre de Zeus, tombant sur la terre, ne l'arrêterait pas. Il compare les éclairs et les coups de foudre aux chaleurs de midi. Il porte pour emblème un homme nu, un pyrophore, qui tient à la main une torche flamboyante, et qui crie en lettres d'or: Je brûlerai la ville! Envoie contre ce guerrier… Mais qui marchera contre lui? Qui aura l'intrépidité d'affronter cet homme orgueilleux?
En face de cette insolence, l'avantage est pour nous. La langue est la vraie révélatrice des pensées impudentes des hommes. Kapaneus menace et se prépare à exécuter ses menaces, il méprise les dieux, et, bien que mortel, dans son orgueil insensé, il crie ses outrages à Zeus, dans l'Ouranos. Je suis certain que la foudre va se ruer sur lui, et, certes, elle n'est point semblable aux chaleurs de Hèlios, à midi. Un guerrier lui sera opposé, le vigoureux Polyphontès, trop avare de paroles, mais irréprochable rempart, et à qui sont propices la bienveillante Artémis et tous les autres dieux. Dis-moi celui que le sort a marqué pour une autre porte.
Antistrophe I.
Qu'il meure, celui qui menace la ville de ces maux terribles! Que le trait de la foudre le perce avant qu'il se rue dans nos demeures et que sa lance orgueilleuse nous ait chassées de nos chambres virginales!
Je dirai celui que le sort a marqué pour les portes. Le troisième sort est tombé sur Étéoklos, du casque d'airain renversé, afin qu'il mène sa troupe à la porte Nèitide.
Il contient ses chevaux écumants sous les freins et qui veulent se ruer sur les portes. Les muselières sifflent avec un bruit sauvage, emplies des souffles furieux qui sortent de leurs naseaux. Son bouclier n'est pas orné d'un emblème vulgaire: un hoplite monte les degrés d'une échelle pour renverser une tour ennemie, et il crie ces paroles gravées: Arès lui-même ne me repousserait pas de ces murailles! Envoie contre ce guerrier quelqu'un qui réponde à notre confiance et qui sauve notre ville du joug de la servitude.
J'enverrai celui-ci, mais non sans confiance en sa fortune: Mégareus, fils de Kréôn, de la race des dents semées, et qui ne se fera pas précéder de paroles imprudentes. Il ne reculera pas, épouvanté par le souffle furieux de chevaux. Il mourra en payant ce qu'il doit à la terre qui l'a nourri, ou il suspendra dans la demeure de son père les dépouilles enlevées à Étéoklos, l'image et la ville du bouclier. A un autre! ne craint pas de tout me dire.
Strophe II.
Je supplie les dieux que ce défenseur de notre foyer triomphe aussi, et qu'il arrive malheur à nos ennemis. Dans un esprit furieux ils se ruent contre la ville avec des cris insensés, mais Zeus vengeur les regarde dans sa colère!
L’ÉCLAIREUR.
Le quatrième, qui tient la porte voisine, celle d'Ogka Athènè, est Hippomédôn, doué d'une haute stature, et il marche en criant. J'ai été effrayé de le voir, faisant tournoyer, comme une aire immense, l'orbe de son bouclier, et je parle avec vérité. Ce n'est point un ciseleur inhabile qui a gravé cette œuvre sur le bouclier: Typhôn soufflant de sa bouche qui vomit le feu avec une noire fumée, sœur au mille couleurs de flamme. La cavité du bouclier creux est entourée de nœuds de serpents entrelacés. Et le guerrier crie, plein de la fureur d'Arès, et il est ivre de combat comme une Thyias, et l'épouvante le précède. Je crois que le choc de ce guerrier est à redouter, et déjà la terreur en tumulte est aux portes.