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Strophe V.

Mais dès qu'il eut appris, le malheureux! que ses noces étaient incestueuses, saisi de désespoir et de fureur, il commit un double malheur. De cette main qui avait tué son père, il s'arracha les yeux qui nous sont plus chers que nos enfants.

Antistrophe V.

Plein de colère, il lança des imprécations terribles contre ses enfants, et il souhaita qu'ils partageassent ses biens à main armée. Certes, je tremble que la rapide Érinnys n'accomplisse ses vœux.

LE MESSAGER.

Reprenez courage, enfants nourries par vos mères. Cette ville est sauvée du joug de la servitude. Les menaces orgueilleuses de ces hommes farouches sont tombées; la ville est tranquille, et la nef a résisté aux coups multipliés des flots. Nos murailles nous protègent et nous avons fortifié nos portes de guerriers irréprochables. A six d'entre elles nous l'avons emporté, mais, à la septième, le roi Apollôn, le vénérable, a puni, sur la race d'Oidipous, l'antique faute de Laios.

LE CHŒUR DES VIERGES.

Quel nouveau malheur est tombé sur la ville?

LE MESSAGER.

La ville est sauvée, mais les rois nés du même inceste…

LE CHŒUR DES VIERGES.

Quoi! que dis-tu? Je suis saisie de terreur à tes paroles.

LE MESSAGER.

Écoute avec calme. Les fils d'Oidipous…

LE CHŒUR DES VIERGES.

Ô malheureuse! je prévois le malheur que tu vas m'annoncer!

LE MESSAGER.

Ils sont tombés tous deux morts.

LE CHŒUR DES VIERGES.

Ils en sont venus là! Chose horrible! Achève.

LE MESSAGER.

La terre a bu leur sang versé par un meurtre mutuel.

LE CHŒUR DES VIERGES.

Ainsi, ils se sont égorgés de leurs mains fraternelles!

LE MESSAGER.

Certes, tous deux sont morts.

LE CHŒUR DES VIERGES.

Le même daimôn les a frappés à la fois!

LE MESSAGER.

Un même destin a détruit la malheureuse race d'Oidipous. Il faut en gémir et s'en réjouir, car la ville est sauvée; mais les chefs, les deux princes, avec le fer skythique forgé par le marteau, ont fait le partage des biens paternels. Ils en posséderont tout ce qui suffira pour leur sépulture, poussés à leur ruine par les terribles exécrations de leur père. La ville est sauvée; mais, par un meurtre mutuel, la terre a bu le sang des rois qu'un même père a engendrés.

LE CHŒUR DES VIERGES.

Strophe I.

Ô grand Zeus! Et vous, dieux protecteurs de la ville, qui gardez la citadelle de Kadmos, dois-je me réjouir et glorifier le sauveur de la ville?

Antistrophe I.

Ou pleurerai-je les lamentables chefs de guerre morts sans enfants, et qui, selon le sens véridique de leur nom, ont péri par leur impiété?

Strophe II.

Ô noire et infaillible imprécation sur la race d'Oidipous! Un froid terrible envahit ma poitrine, Préparons pour la tombe le chant des Thyades, puisque j'ai vu les morts sanglants misérablement tués! Certes, leurs armes se sont rencontrées sous un présage funèbre!

Antistrophe II.

L'exécration de leur père les a poursuivis inexorablement jusqu'à la fin. La faute de Laios qui n'obéit point à l'oracle, a eu son effet, et au delà. Mon inquiétude pour la ville était juste; les oracles ne m'ont point menti. Ô vous, très déplorables, vous avez commis ce crime incroyable! Cette horrible calamité n'existe plus seulement en paroles!

Épôde.

Tout cela est vrai! Voici sous nos yeux ce qu'avait raconté le messager. Double angoisse, double meurtre de deux hommes qui se sont tués l'un l'autre, calamité accomplie d'une double destinée mauvaise! Que dirai-je? si ce n'est que le malheur a suivi le malheur dans cette famille. Ô amies, avec le vent des lamentations, agitez vos mains autour de vos têtes et faites le bruit des rames qui, sur l' Akhérôn, poussent la Théôris à voile noire ignorée d'Apollôn et de Hèlios vers la terre sombre qui contient tous les mortels. En effet, voici Antigonè et Ismènè qui viennent pour ce devoir lugubre. Je pense que, du fond de leur cœur aimant, elles vont exhaler, dans leur juste douleur, un chant funèbre pour leurs frères morts. Mais il convient que nous chantions lugubrement avant elles l'hymne terrible d'Érinnys, et que le paian odieux soit entendu de Aidès.

PREMIER DEMI-CHŒUR.

Hélas! ô très malheureuses sœurs entre toutes celles qui ceignent leurs robes! Je verse des larmes, je gémis, et je n'ai nul besoin de feindre des plaintes.

SECOND DEMI-CHŒUR.

Strophe I.

Hélas! insensés! sourds à la voix de vos amis, insatiables de maux, qui avez voulu par la violence et le combat, ô malheureux, vous saisir de la demeure paternelle!

PREMIER DEMI-CHŒUR.

Malheureuse, sans doute, eux qui, par leur double meurtre, ont achevé la ruine de leur maison.

SECOND DEMI-CHŒUR.

Antistrophe I.

Hélas! hélas, vous qui avez renversé la demeure paternelle, qui n'avez songé, chacun, qu'à votre propre monarchie, c'est le fer qui vous a conciliés!

PREMIER DEMI-CHŒUR.

Certes, la puissante Érinnys vient d'accomplir l'imprécation d'Oidipous.

SECOND DEMI-CHŒUR.

Strophe II.

Percés à travers le cœur et les flancs fraternels! hélas! frappés par un daimôn ennemi! Hélas! Ô malédictions d'un égorgement mutuel!

PREMIER DEMI-CHŒUR.

La blessure a traversé la poitrine; ils ont été frappés dans leur race et dans leurs corps. Ineffable fureur! Destinée terrible suscitée par les exécrations d'un père!

SECOND DEMI-CHŒUR.

Antistrophe II.

Les gémissements ont pénétré dans la ville. Les murailles gémissent, et toute cette terre amie des hommes! Elles resteront à d'autres, ces richesses pour lesquelles ils ont souffert et qui ont amené leur querelle et leur mort.

PREMIER DEMI-CHŒUR.

Les biens ont été partagés entre ces furieux, et chacun en a eu sa part égale; mais leurs amis blâment le dispensateur; Arès ne me plaît pas.

SECOND DEMI-CHŒUR.

Strophe II.

Tous deux sont couchés, frappés par le fer. Frappés par le fer, ils ont chacun leur part. Laquelle? diras-tu. Une place au tombeau de leur ancêtre!

PREMIER DEMI-CHŒUR.