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APOLLÔN.

Je vous parlerai, juges vénérables institués par Athèna! Je suis le divinateur, et je ne dirai point de mensonges. Jamais, sûr mon trône fatidique, je n'ai rien dit d'un homme, ou d'une femme, ou d'une ville, que Zeus, père des Olympiens, ne m'ait ordonné de dire. Souvenez-vous de prendre mes paroles pour ce qu'elles valent et d'obéir à la volonté de mon père. Aucun serment n'est au-dessus de Zeus.

LE CHŒUR DES EUMÉNIDES.

Zeus, d'après ce que tu dis, t'avait dicté l'oracle par lequel tu as ordonné à cet Orestès de venger le meurtre de son père, sans respect pour sa mère?

APOLLÔN.

Ce n'est point la même chose que de voir une femme égorger un vaillant homme honoré du sceptre, don de Zeus, et qui n'a point été percé de flèches guerrières lancées de loin, comme celles des Amazones. Écoute, Pallas! Écoutez aussi, vous qui siégez pour juger cette cause. A son retour de la guerre d'où il rapportait de nombreuses dépouilles, elle l'a reçu par de flatteuses paroles; et, au moment où, s'étant lavé il allait sortir du bain, elle l'a enveloppé d'un grand voile, et elle l'a frappé tandis qu'il était inextricablement embarrassé. Telle a été la destinée fatale de cet homme très vénérable, du chef des nefs. Je dis que telle elle a été afin que l'esprit de ceux qui jugent cette cause en soit mordu.

LE CHŒUR DES EUMÉNIDES.

Zeus, d'après tes paroles, est plus irrité du meurtre d'un père que de celui d'une mère. Mais, lui-même, il a chargé de chaînes son vieux père Kronos. Pourquoi n'as-tu point opposé ceci à ce que tu as dit? Pour vous, vous l'avez entendu; je vous prends à témoin.

APOLLÔN.

Ô les plus abominables des bêtes détestées des dieux! On peut rompre des chaînes; il y a un remède à cela, et d'innombrables moyens de s'en délivrer; mais quand la poussière a bu le sang d'un homme mort, il ne peut plus se relever. Mon père n'a point enseigné d'incantations pour ceci, lui qui, au-dessus et au-dessous de la terre, ordonne et fait rouler toutes choses, et dont les forces sont toujours les mêmes.

LE CHŒUR DES EUMÉNIDES.

Comment donc défendras-tu l'innocence de cet homme? Vois! après avoir répandu le sang de sa mère, son propre sang, pourra-t-il habiter dans Argos la demeure de son père? A quels autels publics sacrifiera-t-il? quelle phratrie lui donnera place à ses libations?

APOLLÔN.

Je dirai ceci; vois si je parle bien. Ce n'est pas la mère qui engendre celui qu'on nomme son fils; elle n'est que la nourrice du germe récent. C'est celui qui agit qui engendre. La mère reçoit ce germe, et elle le conserve, s'il plaît aux dieux. Voici la preuve de mes paroles: on peut être père sans qu'il y ait de mère. La fille de Zeus Olympien m'en est ici témoin. Elle n'a point été nourrie dans les ténèbres de la matrice, car aucune déesse n'aurait pu produire un tel enfant. Pour moi, Pallas, et entre autres choses, je grandirai ta ville et ton peuple. J'ai envoyé ce suppliant dans ta demeure, afin qu'il te soit dévoué en tout temps. Accepte-le pour allié, ô déesse, lui et ses descendants, et que ceux-ci te gardent éternellement leur foi!

ATHÈNA.

Maintenant c'est à vous de prononcer la sentence par un juste suffrage, car il en a été dit assez.

LE CHŒUR DES EUMÉNIDES.

J'ai lancé ma dernière flèche, et j'attends l'arrêt qui décidera.

ATHÈNA.

Comment faire pour que vous ne me reprochiez rien?

LE CHŒUR DES EUMÉNIDES.

Étrangers, vous avez tout entendu! Respectez votre serment, et prononcez.

ATHÈNA.

Écoutez encore la loi que je fonde, peuple de l'Attique, vous qui êtes les premiers juges du sang versé. Ce tribunal, désormais et pour toujours, jugera le peuple Aigéen. Sur cette colline d'Arès, les Amazones plantèrent autrefois leurs tentes, quand, irritées contre Thèseus, elles assiégèrent la ville récemment fondée et opposèrent des tours à ses hautes tours. Ici, elles firent des sacrifices à Arès, d'où ce nom d'Arèopagos, le rocher, la colline d'Arès. Donc, ici, le respect et la crainte seront toujours présents, le jour et la nuit, à tous les citoyens, tant qu'ils se garderont eux-mêmes d'instituer de nouvelles lois. Si vous souillez une eau limpide par des courants boueux, comment pourrez-vous la boire? Je voudrais persuader aux citoyens chargés du soin de la république d'éviter l'anarchie et la tyrannie, mais non de renoncer à toute répression. Quel homme restera juste, s'il ne craint rien? Respectez donc la majesté de ce tribunal, rempart sauveur de ce pays et de cette ville, tel qu'on n'en possède point parmi les hommes, ni les Skythes, ni ceux de la terre de Pélops. J'institue ce tribunal incorruptible, vénérable et sévère, gardien vigilant de cette terre, même pendant le sommeil de tous, et je le dis aux citoyens pour que cela soit désormais dans l'avenir. Maintenant, levez-vous, et, fidèles à votre serment, prononcez l'arrêt. J'ai dit.

LE CHŒUR DES EUMÉNIDES.

Je vous conseille de ne point outrager notre troupe terrible à cette terre!

APOLLÔN.

Et moi, je vous ordonne de respecter mes oracles qui sont ceux de Zeus, et de ne point les rendre impuissants!

LE CHŒUR DES EUMÉNIDES.

Tu t'inquiètes d'une cause sanglante qui ne te concerne pas. Tu ne rendras plus d'oracles véridiques si tu persistes.

APOLLÔN.

Mon père a-t-il aussi manqué de sagesse quand Ixiôn le supplia, après avoir commis le premier meurtre?

LE CHŒUR DES EUMÉNIDES.

Tu peux parler; mais moi, si on ne me rend pas justice, je serai terrible à cette terre.

APOLLÔN.

Tu es méprisée parmi les nouveaux et les anciens dieux. Je triompherai.

LE CHŒUR DES EUMÉNIDES.

C'est ainsi que tu as fait dans les demeures de Phérès. Tu as persuadé aux Moires de rendre les hommes immortels.

APOLLÔN.

N'est-il pas juste de secourir celui qui nous honore, et surtout quand il demande notre aide?

LE CHŒUR DES EUMÉNIDES.

Tu as offensé les daimones antiques, tu as abusé par le vin les vieilles déesses!

APOLLÔN.

Bientôt tu vas être vaincue, et tu ne vomiras plus contre tes ennemis qu'un poison sans danger.

LE CHŒUR DES EUMÉNIDES.

Jeune dieu, tu outrages de vieilles déesses! Mais j'attends la fin de ceci, ne sachant encore si je dois m'irriter ou non contre cette ville.

ATHÈNA.

C'est à moi de prononcer la dernière. Je donnerai mon suffrage à Orestès. Je n'ai pas de mère qui m'ait enfantée. En tout et partout, je favorise entièrement les mâles, mais non jusqu'aux noces. Certes, je suis pour le père. Ainsi, peu m'importe la femme qui a tué son mari, le chef de la demeure. Orestès est vainqueur, même si les suffrages sont égaux des deux côtés. Donc, vous à qui ce soin est remis, retirez promptement les cailloux des urnes.

ORESTÈS.

Ô Phoibos Apollôn, comment cette cause sera-t-elle jugée?

LE CHŒUR DES EUMÉNIDES.

Ô nuit noire, ma mère! vois-tu ces choses?

ORESTÈS.

Maintenant, je finirai par la corde, ou je verrai encore la lumière!

LE CHŒUR DES EUMÉNIDES.

Nous serons avilies, ou nous garderons nos honneur.

APOLLÔN.

Comptez bien les cailloux, étrangers! Respectez la justice et ne vous trompez point. Si une seule voix est oubliée, ce sera un grand malheur. Un seul suffrage peut relever une maison!

ATHÈNA.

Cet homme est absous de l'accusation de meurtre; les suffrages sont en nombre égal des deux côtés.

ORESTÈS.

Ô Pallas, tu as sauvé ma maison, tu m'as rendu la terre de la patrie d’où j'étais exilé! Chacun dira parmi les Hellènes: Cet homme Argien est enfin rétabli dans les biens paternels par la faveur de Pallas et de Loxias, et aussi de celui qui accomplit toutes choses et qui m'a sauvé, plein de pitié pour la destinée fatale de mon père, quand il a vu ces vengeresses de ma mère. Pour moi, en retournant dans ma demeure, je me lie à cette terre et à ton peuple par ce serment, que, jamais, dans la longue suite des temps, aucun roi d'Argos n'entrera la lance en main dans la terre Attique. Certes, moi-même, alors enfermé dans le tombeau, je frapperai d'un inévitable châtiment ceux qui violeront le serment que je fais. Je rendrai leur chemin morne et malheureux, et je les ferai se repentir de leur action. Mais si les Argiens gardent la foi que j'ai jurée à la ville de Pallas, s'ils combattent toujours pour elle, je leur serai toujours bienveillant. Salut, ô toi, Pallas! et toi, peuple de la ville! Puissiez-vous toujours accabler inévitablement vos ennemis! Puissent vos armes vous sauver toujours, et toujours être victorieuses!