Maintenant, selon ta parole, le meilleur est de mourir.
Certes, car les choses ont eu une heureuse fin. Ce qui arrive dans un long espace de temps amène tantôt des biens, tantôt des revers. Qui, si ce n'est les dieux, peut passer tout le temps de la vie sans malheur? En effet, si je voulais rappeler nos misères, les accidents des nefs, les relâches rares et dangereuses, quel jour n'aurions-nous pas souffert et gémi? Sur terre, des maux encore plus grands nous ont assaillis. Nos lits étaient sous les murailles ennemies; les rosées de l'Ouranos et de la terre nous mouillaient, calamité de nos vêtements, et faisaient nos cheveux se hérisser. Et si quelqu'un vous parlait de l'hiver, tueur des oiseaux, et que la neige ldaienne nous rendait intolérable, ou de la chaleur, quand la mer, à midi, quittée par le vent, s'endormait immobile dans son lit! Mais pourquoi se lamenter sur tout cela? La peine est passée; elle est passée aussi pour ceux qui sont morts et qui, jamais, ne se soucieront plus de se relever. A quoi sert de compter les morts? A quoi sert aux survivants de se plaindre? Il faut plutôt se réjouir d'avoir échappé à ces malheurs. Pour nous, qui sommes saufs, dans l'armée Akhaienne, le bien l'emporte et le mal ne peut lutter contre. Glorifions-nous, à la lumière de Hèlios; certes, cela est juste, après avoir tant souffert sur terre et sur mer. Troia est prise, et la flotte des Argiens a consacré ces dépouilles aux dieux qui sont honorés dans Hellas, et les a suspendues dans leurs demeures, comme un trophée antique. Ceci entendu, il faut glorifier la ville et les chefs, et honorer Zeus qui a fait cela. Tu sais tout.
Tes paroles m'ont vaincu, je ne le nie pas. Le désir de tout apprendre est toujours éveillé chez les vieillards. C'est à cette demeure royale et à Klytaimnestra qu'il convient, à la vérité, de se réjouir; mais je veux aussi prendre ma part de leur joie.
Depuis longtemps j'ai fait éclater ma joie, dès que le nocturne messager de flamme nous eut annoncé la prise et la ruine de Troia. Alors, on m'a dit, en me blâmant: – Penses-tu, sur la foi de ces torches enflammées, que Troia soit maintenant saccagée? Être ainsi soudainement transportée de joie est bien d'une femme!’ – Selon de telles paroles, certes, j'étais insensée. Cependant, je fis des sacrifices, et, de toutes parts, dans la ville, des voix joyeuses, à la façon des femmes, élevaient des actions de grâces dans les temples des dieux, et chantaient à l'instant où s'assoupit la flamme odorante de l'encens consumé. Maintenant, est-il nécessaire que tu me racontes le reste? J'apprendrai tout du roi lui-même. Je vais me hâter de recevoir pour le mieux l'époux vénérable qui revient dans sa patrie. En effet, quel jour plus doux pour une femme que celui où, un dieu ramenant son mari sain et sauf de la guerre, elle lui ouvre les portes? Va dire à mon époux qu'il vienne promptement, selon le désir des citoyens, et qu'il retrouvera dans ses demeures sa femme fidèle, telle qu'il l'a laissée, chienne de la maison, docile pour lui, mauvaise pour ses ennemis, semblable à elle-même en tout le reste et n'ayant violé aucun sceau, pendant un si long temps. Je ne connais pas plus les plaisirs et les entretiens coupables avec un autre homme, que je ne connais la trempe de l'airain.
Une telle louange de soi-même, quand elle est pleine de vérité, peut être honorablement prononcée par une noble femme.
Ainsi, elle vient de t'apprendre toute sa pensée, en paroles claires, afin que tu la connaisses. Mais, parle, héraut, dis-moi si Ménélaos revient avec vous, sain et sauf de la guerre, lui, ce roi cher aux Argiens.
Je ne vous donnerai point de nouvelles heureuses, mais fausses; amis, vous n'en jouiriez pas longtemps.
Puisses-tu nous donner des nouvelles heureuses, mais vraies! les faussetés se découvrent aisément.
Ce héros a disparu de l'armée Akhaienne; lui et sa nef ont disparu. Je ne dis point de mensonges.
S'est-il séparé de vous ouvertement en partant d'Ilios, ou bien une tempête, dont tous ont souffert, l'a-t-elle entraîné loin de l'armée?
Tu as touché le but, comme un habile archer. Tu as raconté brièvement une grande calamité.
Que dit-on de lui parmi les autres marins? Qu'il est vivant ou qu'il est mort?
Nul ne le sait, nul ne peut en donner de nouvelles certaines, si ce n'est Hèlios d'où vient la force génératrice de la terre.
Dis-nous comment est venue et comment a cessé cette tempête excitée contre les nefs par la colère des daimones.
Il ne convient pas de profaner un jour heureux par des récits de malheurs; mais c'est le prix des dieux. Quand un messager annonce, avec un visage morne, la terrible défaite d'une armée détruite, la blessure de tout un peuple, d'innombrables citoyens chassés de mille demeures par le double fouet que brandit Arès, par la double lance sanglante, certes, celui qui annonce de tels maux peut chanter le paian des Érinnyes; mais moi qui viens, joyeux messager de victoire, vers un peuple plein de joie, comment mêlerai-je le bien au mal, en racontant cette tempête que la colère des dieux a précipitée sur les Argiens? Le feu et la mer, qui se haïssaient auparavant, se sont conjurés, et ont prouvé leur alliance en détruisant la malheureuse armée des Argiens. Les fureurs de la mer soulevée se déchaînèrent dans la nuit. Les vents Thrèkiens brisèrent les nefs entre elles; et d'autres, heurtant violemment leurs éperons, au milieu des tourbillons et des torrents de pluie, disparurent et périrent, entraînées dans le gouffre par un terrible pilote. Au retour de l'éclatante lumière de Hèlios, nous vîmes la mer Aigaienne toute fleurie de cadavres des héros Akhaiens et de débris de nefs. Un dieu, non un homme, tenant la barre, laissa notre seule nef sauve et l'arracha au naufrage, ou intercéda pour notre salut. La fortune protectrice vint s'asseoir, favorable, dans notre nef qui n'a été ni engloutie dans le tourbillon des flots, ni brisée contre les rivages rocheux. Enfin, ayant échappé à la mort dans la mer, rendus à la clarté du jour et croyant à peine à notre salut, nous songions avec douleur au récent désastre de l'armée dispersée ou engloutie. Et maintenant, si quelques-uns d'entre eux sont encore vivants, ils pensent à nous comme à des morts. Pourquoi non? nous pensons bien qu'ils ont subi eux-mêmes cette destinée. Mais que tout soit arrivé pour le mieux! Alors, tu peux espérer que Ménélaos, certes, reparaîtra le premier. Donc, si quelque rayon de Hèlios l'éclaire encore, vivant et les yeux ouverts, par la volonté de Zeus qui n'a pas voulu anéantir cette race, il y a quelque espérance qu'il revienne dans sa demeure. Sache que ce que tu as entendu de moi est la vérité.
Strophe I.
Qui l'a ainsi nommée avec tant de vérité, sinon quelqu'un que nous ne voyons pas, et qui, prévoyant la destinée, mène notre langue jusque dans les choses fortuites? Qui l'a nommée, cette Hèléna, l'épouse cause de la guerre et qu'on recherche avec la lance? Certes, perdition des nefs, des guerriers et des villes, elle s'est enfuie, au souffle du grand Zéphyros, loin des molles et riches tentures de la chambre nuptiale; et d'innombrables guerriers porteurs de boucliers, comme des chasseurs sur sa piste, ont poursuivi la nef qui s'effaçait devant eux jusqu'aux rives ombragées du Simoïs, là où ils devaient engager la querelle sanglante.
Antistrophe I.
Cette union a été lamentable pour Ilios. La vengeance a été accomplie, infligeant aux coupables le châtiment de la table hospitalière souillée et de Zeus hospitalier outragé, et punissant les Priamides d'avoir chanté l'hymne hyménaien pour honorer les nouveaux époux. Certes, l'antique ville de Priamos a chanté depuis un hymne plus lamentable, gémissant sur Pâris, le funeste époux, car, dès lors, elle a sans cesse gémi à cause du carnage misérable de ses citoyens.