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— OK, je mets des gars là-dessus dès que possible. En parlant d'Internet, Julie Violaine possède-t-elle une ligne ?

— Non, pas même un ordinateur personnel.

— Sort-elle souvent ? Bars, discothèques ?

— Pas d'après ce qu'elle m'a dit. Elle vivait encore chez sa mère il n'y a pas si longtemps que cela. Elle m'a tout l'air d'une vieille fille. »

Nous traversâmes le flux incandescent des bouchons sur la nationale, prîmes la direction de Villeneuve-Saint-Georges et parvînmes au pavillon de Julie Violaine.

Deux gendarmes de faction, un chef et un brigadier, devant la façade, mangeaient des sandwiches, la radio branchée sur un sketch de Jean-Marie Bigard. L'un d'entre eux, Thon-Mayonnaise, le chef, nous barra le passage. Une tache de sauce illuminait son col de chemise, provoquant le fou rire d'Élisabeth sans qu'il en comprît la raison. Je lui présentai ma carte tricolore qui généra un rictus de kapo sur ses lèvres.

« On n'entre pas là, commissaire. Et je crois que vous en êtes parfaitement conscient. Qu'est-ce que vous faites ici ? »

Élisabeth explosa à nouveau et dut se retirer au bout de l'allée pour apaiser son entrain.

Je me mordis les joues pour éviter de succomber à mon tour. Le chef lâcha son sandwich dans une poubelle. Je tentai : « Vous pouvez au moins répondre à quelques-unes de mes questions ?

— Pour quelle raison je le ferais ?

— Le lâcher de salopes… »

Le rire d'Élisabeth s'arrêta net.

« Qu'est-ce que vous dites ?! » hallucina Thon Mayonnaise.

« “Le lâcher de salopes” ! C'est mon sketch de Bigard préféré. J'adore quand il parle des méthodes de chasse. Criant de vérité ! » Je lui glissai un clin d'œil.

Il troqua son sale rictus pour un sourire et répliqua : « C'est vrai qu'il me poile bien, celui-là… Posez donc vos questions…

— Quels indices a-t-on relevés ?

— Un seul type d'empreintes dans la chambre de la fille. Plusieurs dans la cuisine. On a retrouvé un chiffon imprégné d'éther sur le sol. Le type a voulu essuyer ses pas dans le hall d'entrée avec une serviette de table, retrouvée dans une poubelle, couverte de boue. Mais on n'a pas eu de mal à identifier sa pointure, notamment avec les empreintes de ses chaussures laissées sur les marches extérieures. Du quarante et un ou quarante-deux.

— Des traces de pneus à l'extérieur ?

— Non, aucune récente. Avec les fortes pluies de la veille, nous aurions dû découvrir à proximité des marques fraîches, mais rien. Apparemment, le type n'est pas venu en voiture, ou alors il s'est garé extrêmement loin.

— Oui, probable. Il a déjà dû regarder quelques séries policières à la télévision. »

Thon-Mayonnaise tendit un sourire étoilé de miettes de pain. L'envie d'exploser de rire me chauffait de plus en plus et il dut le déchiffrer dans mes yeux. « L'enseignante attaquée dispense la chimie à l'École supérieure de microélectronique de Paris. Nous allons orienter nos recherches au sein de l'établissement. Cette femme sortait peu, si ce n'est pour faire son footing, aller à la piscine ou rendre visite à sa mère.

— Vous avez interrogé les voisins ? Les gens du patelin proche ?

— On commence seulement. Mais l'enquête n'est pas facilitée par l'isolement de la maison…

— Rien d'autre ?

— Non…

— Qui dirige les opérations ?

— Le capitaine Foulquier, de la gendarmerie de Valenton, à dix minutes d'ici.

— Combien d'hommes sur le coup ?

— Une dizaine… »

Élisabeth me glissa un coup de coude, alors que nous retournions vers mon véhicule. Elle moralisa : « Pas très subtil, le coup du lâcher de salopes ! Je vous croyais plus fin que cela.

— Je le suis. Mais il faut savoir s'adapter à l'interlocuteur… Dites, je vais vous déposer, je dois passer à l'école où enseigne Violaine.

— Que comptez-vous faire ?

— Récupérer la liste des étudiants et faire relever par mes inspecteurs ceux qui possèdent une liaison Internet ou une ligne haut débit… »

Chapitre dix

Thomas Serpetti me passa un coup de fil au moment où je m'apprêtais à me rendre chez Sibersky. Il m'annonça fièrement qu'il avait retrouvé la trace de BDSM4Y sur Internet et que mon coup d'éclat au Pleasure & Pain embrasait leurs conversations. Il ne me cacha pas que les esprits agités de cette bande de tarés étaient désormais braqués vers moi et que des actions allaient être entreprises sous peu. Involontairement, j'avais peut-être trouvé le meilleur moyen — certes risqué — de les approcher…

Je portais sous le bras une petite peluche que j'avais commandée sur le site Web d'Oursement Vôtre. Une espèce d'ours-buisson aux poils torsadés couleur épinard et à la mine franchement craquante. Sur l'écran de mon ordinateur, sa frimousse m'avait tout de suite plu, mais j'ignorais si le cadeau conviendrait à un enfant tout juste né. Au pire, il l'aurait pour plus tard…

Sibersky vivait à Créteil, pas très loin de chez moi en définitive. Je longeai le grand parc de la Rose, pris le centre-ville avant de gagner une impasse où je garai sans mal mon véhicule. Une vieille dame qui sortait son chien, un bâtard de chez Bâtard, me tint la porte un instant et je me faufilai dans l'ouverture en direction du deuxième étage. Sibersky m'ouvrit avant même que je ne frappe.

« Je vous ai aperçu par la fenêtre, commissaire.

— Tu as un bébé magnifique. Un David Sibersky en miniature… Les félicitations sont de mise… »

Je lui tendis la peluche-buisson. « Tu mettras ça dans le berceau du petit, de ma part.

— Il ne fallait pas… Installez-vous, commissaire.

— Je te préviens, on parle de tout sauf de l'affaire. Un seul mot sur ça et je te tords le cou ! Tu te mettras au courant toi-même après-demain. Ce soir, je voudrais juste oublier un peu… Oublier, ne serait-ce qu'une heure. Tu m'offres une bière ?

— Une Zywiec ?

— Je veux mon neveu ! Les bières polonaises ressemblent à de la pisse de bison, mais moi j'adore !

— Vous savez que la pisse de bison, c'est ce qui donne le goût à la vodka ? Sans la pisse, une vodka devient de l'alcool à patates imbuvable ! »

Je lui décochai un sourire franc. Je désignai son ordinateur, calé dans l'angle du salon. Des fenêtres s'ouvraient et se fermaient sur l'écran.

« Que télécharges-tu ?

— Des chansons en format MP3. Je grave mes propres albums, c'est beaucoup plus économique !

— Tu fais ça nuit et jour ?

— Le soir surtout. Il faut bien que je passe le temps… ça fait presque deux mois qu'ils retiennent Laurence à l'hôpital…

— Dès qu'elle rentrera à la maison, tu n'auras plus le temps de t'ennuyer !

— J'espère bien… »

De retour de la cuisine, il coupa une metka et disposa les rondelles dans une petite coupelle de bois.