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— OK, commissaire… Mais pour ce genre de boulot, mieux vaudrait le listing informatique plutôt que le listing papier. J'ai un logiciel de comparaison de fichiers ; comme les bibliothèques sont équipées informatiquement, ce serait quasiment instantané pour la comparaison et pour savoir qui emprunte quoi…

— Très bien, je vais donner un coup de fil à l'école pour qu'ils t'envoient le fichier par mail…

— Dites, je peux quand même rentrer chez moi me changer ? Je sens le merlan pas frais.

— Fais d'abord ce que je te dis et après, tu auras tout le loisir de rentrer chez toi… »

Le gérant de l'agence de location s'emplissait la panse de chips au moment où j'arrivai. Il dissimula maladroitement le paquet sous son bureau, comme un gosse. Je posai ma carte devant moi, entre ses mains grasses.

« J'ai de petites questions à vous poser. Quelqu'un a loué chez vous une voiture immatriculée 2186 AYG 92. J'aimerais que vous me disiez de qui il s'agit.

— Une minute… » Clic de souris, battement du disque dur, résultat. « Un certain Jean Moulin.

— Ben voyons… Vous demandez une pièce d'identité lorsque vous louez une voiture ?

— Bien entendu ! Le permis de conduire ! C'est la moindre des choses pour conduire une voiture, non ? Je fais toujours une photocopie…

— Montrez-la-moi. »

Il fouilla dans une bannette. « Le client a souhaité reprendre sa photocopie une fois qu'il m'a restitué le véhicule. J'ai l'habitude de ce genre de demande, alors, par prudence, je fais toujours deux photocopies. J'aime garder une trace de mes clients. Ça trouve toujours son utilité… »

Il me tendit la photocopie couleur, puis picora du bout des doigts les miettes de chips semées sur son pull.

« Quand vous a-t-il rapporté la voiture ?

— Ce matin…

— Attendez… Je passe un coup de fil… »

Après avoir raccroché, je balançai la photocopie sur la table. « Il vous a montré un faux permis de conduire !

— Comment ça ?

— Le numéro sur douze chiffres, indiqué au bas du permis, n'existe pas dans le fichier.

— Merde !

— Comme vous dites…

— Le permis est peut-être faux, mais la photo, c'est bien la sienne, et récente en plus. C'est la seule chose que je regarde quand on me présente un permis et j'ai l'œil.

— Oui. Vous avez un sacré œil… Il vous a réglé de quelle façon ?

— En liquide.

— Évidemment… Je peux voir la voiture ?

— Ça va être difficile, un client vient de la louer il y a tout juste une heure… Retour du véhicule à la fin de la semaine. »

Les forces de la malchance s'étaient liguées contre moi. Un jour sans, comme on dit… Pas tout à fait… Je possédais la photo, mon arme dans son holster et je savais à qui aller rendre une petite visite…

Des élans rageurs me faisaient avancer à l'intuition, reléguant la réflexion au second plan. Si Suzanne s'accrochait encore à la vie, son temps était compté et je devais donc agir vite, même au prix du sang.

Lorsque la trappe du Pleasure & Pain grinça, je fourrai le bras dans l'encadrement, attrapai la nuque de Face-de-Cuir d'une main, lui collant, de l'autre, le canon de mon Glock dans la narine droite. Sans son masque, j'avais, devant moi, le regard chargé de surprise d'un monsieur Tout-le-Monde.

« Fais le malin, face de pet, et je t'explose la cervelle ! Tu ouvres maintenant et ne bouge pas la tête ! »

Il s'exécuta et, dès que le verrou fut ôté, j'envoyai un coup de pied monumental dans la porte, dont le battant lui percuta d'abord le nez, puis le front.

La Chatte, qui rangeait des bouteilles derrière son bar, leva les mains. Elle miaula : « Qu'est-ce que tu nous veux, coco ? On n'est pas ouvert, tu sais ?

— Tu fermes ta gueule ! »

J'attrapai Face-de-Cuir par l'encolure de son pull-over et lui plaquai la joue contre le bar. « Qui a envoyé ces types ?

— Va te faire foutre ! »

Je lui levai la tête par les cheveux et la fracassai contre le zinc deux fois de suite. L'arcade sourcilière s'ouvrit comme un fruit trop mûr. « Je dois répéter ? » La Chatte tenta de me casser une bouteille sur le crâne, mais avant qu'elle n'abattît son bras, j'explosai le litre de gin d'une balle. Elle tressaillit lorsque je pointai le canon contre son front. Je jetai la photocopie du permis de conduire sur le comptoir devant les yeux hagards et désormais franchement moins malins de Face-de-Cuir. « J'te laisse dix secondes pour me dire de qui il s'agit. Après, j'flingue la pute !

— Tu le f ras pas ! Tu le f ras pas ! »

Mon coup de crosse lui cassa deux dents. « Putain, t'es un taré ! » hurla la fille.

« Cinq secondes !

— Fous-lui la paix ! Laisse mon mec, enculé !

— Trois secondes…

— C'est bon ! » céda-t-elle d'une voix sertie de colère.

« Ferme ta gueule ! Il le f ra pas, j'te dis ! » beugla le gros tas en postillonnant des gouttes de sang. Elle gloussa : « Je ne connais pas le nom de ce type, mais je sais qu'il vient ici presque tous les soirs. Alors maintenant, tu te casses, OK ?

— À quelle heure ?

— J'sais pas moi, bordel ! Il se pointe vers 23 h 00 ! »

Je renforçai mon étreinte sur le cou de Face-de-Cuir. Il respirait comme un taureau. Tout en maintenant ma clé d'immobilisation, je dis : « Parle-moi de BDSM4Y… »

Son teint de lait caillé devint blanc-cadavre. Je lui passai les menottes et flanquai sa charpente graisseuse dans un coin. Dans son mouvement de chute, il se cogna la tête contre un mur. « Fils de pute ! » crachat-il.

« Parle ! » lançai-je à Miss Latex.

« Connais pas… »

Je me dirigeai vers Face-de-Cuir.

« On recommence le jeu ?

— C'est la vérité ! Personne ne les connaît ! Ils n'existent pas !

— Les types qui ont agressé mon collègue étaient pourtant bien réels !

— On n'est pas mêlés à ça ! » bava-t-il. « On veut pas d'emmerdes. Ces tarés-là, moins on en parle, mieux on se porte…

— Il ne te ment pas », ajouta la Chatte. « Il ne faut pas jouer avec eux. Ils sont puissants, nulle part et partout à la fois… On ne sait absolument rien… On a un commerce nous, ici. Alors, nous fous pas dans la merde !

— Mets-toi à poil et toi aussi ! » ordonnai-je en assistant mes propos de rapides mouvements de Glock.

« Je fais comment avec les menottes, tête de nœud ? »

Je lui ôtai ses entraves. Ils obtempérèrent, trouvant encore le moyen de prendre du plaisir dans l'acte. La Chatte éprouva toutes les difficultés pour se débarrasser de sa seconde peau. Pire qu'un serpent qui mue. Les deux corps dénudés présentaient des tatouages sur le corps, mais pas de traces de BDSM4Y.

« C'est bon, rhabillez-vous ! »

Je m'adressai à Face-de-Cuir. « Dis-moi, c'est bien toi qui nous as poursuivis Fripette et moi, l'autre nuit ?

— Exact. Mais il fallait pas paniquer comme ça ! C'était juste pour te faire peur. On n'aime pas les intrus ici, encore moins ceux qui fouinent.

— Rends-moi mes papiers.

— Quels papiers ? »

Je brandis ma crosse. Il hurla, les deux mains devant le visage : « J'te promets ! J'ai pas tes papiers ! »

Il se replia en boule sur le sol. « J'ai pas tes papiers, bordel !

— Lève-toi… C'est bon… »

Il me parut sincère. Après tout, ces deux-là n'étaient que des commerçants du sexe. Par pure curiosité, je leur posai la question : « Pourquoi vous faites ça ? Ce bar ? Ces backrooms sordides ? »

La fille vint poser une serviette humide sur l'arcade de celui qui semblait être son compagnon. « Mais pour le fric, mon gars ! Tu peux pas imaginer le blé qu'on se fait avec tous ces tarés ! Nous, on joue le jeu, c'est tout, mais ça reste uniquement une question de blé. Eux, ils prennent un pied fou quand ils viennent ici, tous autant qu'ils sont, maîtres et esclaves. Où est le problème ?