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Ensuite on s'est fait livrer régulièrement, chaque soir de pleine Lune. Moi je mangeais la pizza, et Yvan le livreur. Pour éviter les odeurs Yvan était obligé de ne laisser aucun reste, et il devenait grassouillet, mignon comme tout. On a écume toutes les pizzerias de Paris afin de brouiller les pistes, Speedo Pizza, Mobylette Pizza, Flash Pizza, Vroum vroum pizza, Solex Pizza, etc. On se faisait livrer à des adresses fictives. Yvan prenait des faux noms et louait des studios pour l'occasion. Un autre problème était de se débarrasser des véhicules, mais la Seine est faite pour ça. On attendait les nuits sans Lune, et plouf! dans l'eau. On a vécu une vraie vie d'aventure, on était les nouveaux

Bannie and Clyde. D'un côté le quotidien était très agréable, nous avions un superbe appartement, l'amour, et puis une fois par mois c'était une nouvelle ruse à mettre en place, des situations à chaque fois différentes, de nouveaux chocs sensoriels, des odeurs inédites, des livraisons exoti-quement goûteuses. La catastrophe de Los Angeles avait fait affluer vers Paris une nouvelle variété d'immigrés qui s'étaient tous spécialisés dans la fast-pizza, et ils étaient délicieux d'après Yvan, bien gras avec comme un petit arrière-goût de Coca-Cola; Yvan, par snobisme de classe peut-être, a toujours apprécié la junk food. Moi, pourtant, un léger ennui me gagnait, et c'est comme ça que je me suis mise à regarder de plus en plus la télévision. J'ai été considérablement perturbée par