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J’ai repris le boulot le coeur léger, je n’avais plus ce souci en tête de savoir si j’étais enceinte ou pas. Les clients payaient toujours bien. Le patron me laissait un pourcentage un peu plus important maintenant, il était très content de moi, il disait que j’étais sa meilleure ouvrière. Au déstockage suivant j’ai eu droit à une cérémonie avec médaille devant toutes les autres vendeuses de la chaîne et devant les plus hauts dignitaires, à un poudrier de chez Loup-Y-Es-Tu, et à un ensemble de crèmes Gilda à l’ADN suractivé pour renouvellement cellulaire et recombinaisons de macromolécules. C’étaient des produits neufs. J’ai pleuré de joie à cette cérémonie. On a pris des photos. J’étais très fière, ça se voyait sur les photos. Ça se voyait aussi que j’avais grossi, mais pas tant que ça, parce que depuis mon avortement j’avais eu des nausées de plus en plus nombreuses et j’avais maigri. On ne pouvait plus mettre ça sur le compte d’une grossesse. Il y avait quelque chose qui ne passait pas. Je devais faire de plus en plus attention à mon alimentation, je ne mangeais presque plus que des légumes, des patates surtout, c’était ce que je digérais le mieux. Je m’étais prise de folie pour les patates crues; non épluchées, il faut bien le dire. Honoré voyait ça d’un oeil assez dégoûté. Pour le coup il se demandait vraiment si j’étais enceinte. Mais malgré son air un peu écoeuré, il ne fallait pas lui en promettre, à Honoré. C’était tous les soirs que j’y passais maintenant, je n’avais pas le temps de me débarbouiller que déjà il fallait lui en donner. C’était comme pour les clients. Moi qui avais cru que mes bourrelets le dégoûteraient, et bien pas du tout. Contre toute attente, tous, et même les nouveaux (grâce au directeur ils disposaient de passe-droits sur mon emploi de temps déjà surchargé, mais ils payaient bien), tous semblaient m’apprécier un peu grasse. Il leur venait un appétit pour ainsi dire bestial. A peine avais-je commencé la séance, qu’ils voulaient tout, tout de suite, le combiné spécial et le forfait Haute Technicité avec les huiles et le vibro et tout, au prix où c’est; mais les huiles je voyais bien qu,ils s’en fichaient, et le vibro, ils me l’arrachaient des mains et ils en faisaient de drôles d’usages, je vous jure. Je sortais de là moulue. Les femmes, au moins, sont plus raffinées. Toutes mes anciennes clientes se pâmaient à la séance Haute Technicité, il n’y en avait que pour elles. Je commençais à regretter de n’avoir plus qu’une clientèle d’hommes. Je vendais de moins en moins de parfums et de crèmes, mais le directeur de la chaîne avait l’air de s’en moquer. Les stocks s’accumulaient dans mon arrière-boutique et je repérais déjà ceux que j’avais gardés pour moi au déstockage suivant. Ce n’était pas un mauvais métier. Il y avait quand même des satisfactions. Les clients, une fois qu’ils avaient eu leur comptant, avaient toujours un petit mot gentil pour moi, ils me trouvaient ravissante, parfois ils employaient d’autres mots que je n’oserais pas écrire mais qui finalement me faisaient autant plaisir. Je le voyais bien que j’étais comme ils disaient, il suffisait que je me regarde dans la glace, je n’étais pas dupe tout de même. C’était maintenant mon derrière le plus beau. Il était moulé à craquer dans ma blouse, j’étais même parfois obligée de la raccomoder mais le directeur de la chaîne refusait de m’ouvrir un crédit pour que je m’en achète une plus grande. Il disait que la chaîne était au bord du gouffre, qu’il n’y avait pas d’argent. Toutes, on faisait de gros sacrifices financiers, on avait peur que la chaîne fasse faillite et qu’on se retrouve au chomage. Mes quelques copines vendeuses, je les voyais très rarement, me disaient toujours que j’avais bien de la chance d’avoir un homme honnête comme Honoré pour m’entretenir au besoin. Elles étaient jalouses, surtout de mon derrière. Ce qu’elles ne me disaient pas, c’est que pour la plupart elles recevaient de l’argent des clients, de l’argent pour elles. Moi j’ai toujours refusé, on a sa fierté tout de même. Je n’avais pas tellement envie de voir mes copines vendeuses, elles avaient mauvais genre pour ne pas dire autre chose. Mes clients à moi savaient qu’il n’était pas question d’argent entre nous, que tout passait directement à la chaîne et que je touchais mon pourcentage, un point c’est tout. J’étais fière d’avoir la gestion la plus saine de toute l’entreprise. Mes copines vendeuses me dénigraient. Elles jouaient gros jeu, aussi, avec le directeur. Heureusement pour elles que je ne les dénonçais pas parce que le directeur avait ses méthodes à lui pour les filles malhonnêtes. D’ailleurs il se trouvait toujours au bout du compte un client mécontent pour vendre la mèche et participer à la séance de dééducation. Moi je faisais bien mon travail. Ma parfumerie à moi était de bonne tenue. J’acceptais les compliments et les bouquets de fleurs. C’est tout. Mais ce que j’ai du mal à avouer ici, et pourtant il faut bien que je le fasse parce que je sais maintenant que cela fait partie des symptômes, ce que j’ai du mal à avouer c’est que les fleurs, je les mangeais. J’allais dans mon arrière-boutique, je les mettais dans un vase, je les contemplais très longtemps. Et puis je les mangeais. C’était leur parfum, sans doute. Ça me montait à la tête, toute cette verdure, et la vue de toutes ces couleurs. C’était la nature du dehors qui entrait dans la parfumerie, ça m’émouvait pour ainsi dire. J’avais honte, d’autant que les fleurs ça coûte très cher, je savais bien que les clients faisaient de gros sacrifices pour me les offrir. Alors je m’efforçais toujours d’en garder une ou deux pour me les mettre à la boutonnière. Cela me demandait un grand sang-froid, c’était en quelque sorte une petite victoire sur moi-même. Les clients appréciaient de voir leurs fleurs tout contre mes seins. Et ce qui me rassurait c’est qu’ils les mangeaient aussi. Ils se penchaient sur moi et hop, d’un coup de dents ils venaient les cueillir dans mon décolleté, et ensuite ils les mâchaient d’un air gourmand en me regardant par en dessous. Je les trouvais charmants en général, mes clents, mignons comme tout. Ils s’intéressaient de plus en plus à mon derrière, c’était le seul problème. Je veux dire, et j’invite toutes les âmes sensibles à sauter cette page par respect pour elles-mêmes, je veux dire que mes clients avaient de drôles d’envies, des idées tout à fait contre nature, si vous voyez ce que je veux dire. Les premières fois, je m’étais dit qu’après tout, si grâce à moi la chaîne pouvait avoir de l’argent supplémentaire, je pouvais être fière et tout faire pour que cela marche encore mieux. Mais je ne savais pas bien où les clients commençaient à dépasser les bornes, en quelque sorte j’ignorais où mon contrat devait s’arrêter pour préserver les bonnes moeurs. Il m’a fallu du temps et du courage pour oser m’en ouvrir au directeur de la chaîne. Curieusement le directeur de la chaîne a beaucoup ri et m’a traité de

petite fille, j’ai trouvé qu’il y avait une certaine tendresse dans cette appelation et cela m’a émue aux larmes. Le directeur de la chaîne m’a même offert une crème spéciale de chez Yerling pour attendrir les parties sensibles et assouplir le tout, pour le coup je me suis mise à sangloter. Le directeur de la chaîne devait être vraiment fier de moi pour faire preuve de tant de bonté à mon égard. Ensuite il a eu assez de patience pour prendre sur son temps et parfaire ma formation. Il a séché mes larmes. Il m’a assise sur lui et a poussé quelque chose dans mon derrière. Cela m’a fait encore plus mal qu’avec les clients, mais il m’a dit que c’était pour mon bien, ensuite tout passerait très bien, que je n’aurais plus de problèmes. J’ai beaucoup saigné, mais on ne pouvait pas appeler ça des règles. Mes règles n’étaient pas revenues depuis mon avortement. Le directeur m’a dit de toujours être très courtoise avec les clients. Et puis il s’est passé quelque chose de bizarre et de tout à fait incongru, et encore une fois je supplie les lecteurs sensibles de ne pas lire ces pages. Je me suis mise à avoir très envie, pour appeler les choses par leur nom, d'avoir des rapports sexuels. Rien en apparence n’avait changé, les clients étaient toujours les mêmes, Honoré aussi, et ça n’avait rien à voir non plus avec le complément de formation que m’avait octroyé le directeur de la chaîne. D’ailleurs, alors que les clients n’en avaient plus que pour mon derrière, moi j’aurais préféré qu’on s’intéresse à moi autrement. Je faisais des mouvements de gymnastique en cachette pour diminuer mes fessiers, je suivais même un cours d’aérobic, mais je n’arrivais pas à réduire la taille de mon derrière. Au contraire j’avais encore pris du poids. On ne voyait plus que ça. Alors, pour que les clients s’intéressent à autre chose, j’ai volontairement laissé craquer mon décolleté, et j’ai pris l’initiative. La première fois que je me suis mise à califourchon sur un client, ça s’est très mal passé. Il m’a traitée de noms que je n’ose pas répéter ici. J’ai compris que ce serait difficile de ne pas laisser l’initiative aux clients, et donc difficile d’obtenir ce que moi je voulais. Alors j’ai fait comme au cinéma. Je me suis mise à lutiner et à faire la coquette. Les clients, ça les a rendus fous. Avant, je m’en tenais à une attitude très stricte, il n’était pas question que je me permette la moindre faute de goût, on était dans une parfumerie chic. Mais quand j’ai commencé à y mettre du mien, je suis navré de le dire, les clients sont devenus comme des chiens. Toutefois j’en ai perdu quelques-uns qui semblaient regretter l’ancien style de l’établissement et mal supporter la métamorphose. Mais j’avais trop envie, vous comprenez. Au début j’ai eu peur de perdre trop de clients, que cela se voie dans la caisse. Mais à ma grande surprise, il m’est venu un nouveau genre de clientèle, par le bouche à oreille sans doute. Ces nouveaux clients avaient l’air de rechercher une vendeuse comme moi, qui ait vraiment envie, qui se trémousse et tout ça, je vous épargne les détails. J’ai compris ensuite que j’avais empiété sur la clientèle de certaines autres parfumeries de la chaîne, que ça avait fait désordre, le directeur m’a demandé en termes pas très galants de me calmer. Il m’a même mis une claque quand je lui ai demandé s’il voulait profiter de mes services. Pourtant il n’avait pas fait le difficile, avant. Les clients que je préférais maintenant, c’était ceux qui me demandaient de les attacher pour leur massage. Ça me changeait. Je pouvais en profiter comme je voulais. Dans les miroirs je me trouvais belle, un peu rouge certes, un peu boudinée, mais sauvage, je ne sais pas comment dire. Il y avait comme de la fierté dans mes yeux et dans mon corps. Quand je me relevais, le client avait lui aussi les yeux tout dénoués. On se serait cru dans la jungle. Il y avait des clients tellement affolants que j’aurais pu les manger. Et ceux qui persévéraient dans leurs anciennes habitudes, ceux qui n’avaient pas encore compris que le style de la maison avait changé, ceux qui voulaient encore du guindé et de l’effarouché et du derrière, je les remettais à leur place, il fallait voir comment. J’ai pris des coups, surtout de ceux qui avaient déjà l’habitude de me frapper avant d’avoir leur massage spécial. Mais ça m’était égal. Il se passait en moi quelque chose de si extraordinaire que même la séance de remise en selle que m’a fait subir le directeur de la chaîne m’a à peine arraché quelques cris. Il me trouvait trop délurée maintenant, j’avais pris un mauvais genre, les chattes en chaleur ce n’était pas pour la maison. Des clients s’étaient plaint. En m’emmenant trois jours en week-end avec son trésorier et ses dobermans, le directeur de la chaîne a cru me faire passer à jamais le goût de la gaudriole. Il a cru que les anciens clients pourraient à nouveau faire faire son métier à une petite fille sage et docile et qui garde les yeux baissés sans un murmure. Et bien il s’est trompé. Ce qui se passait d’extraordinaire, c’est que maintenant j’aimais ça, je veux dire, pas seulement les massages qu’on peut afficher en vitrine, et la démonstration des produits, non, tout le reste, du moins ce dont je prenais moi-même l’initiative. Il restait bien sûr des clients qui tenaient à leurs anciennes habitudes. Je ne pouvais tout de même pas tout leur refuser, et puis il fallait que je me tienne à carreau si je ne voulais pas que le directeur de la chaîne m’envoie dans le centre de rééducation spéciale. Le directeur de la chaîne disait que c’était bien malheureux, que même les meilleures ouvrières prenaient le mauvais chemin, qu’on ne pouvait plus compter sur rien. Il disait que j’étais devenue, excusez-moi, une vraie chienne, ce sont ses propres termes. Honoré jubilait. Ses théories se voyaient confirmées. Le travail m’avait corrompue. Désormais, je gémissais sous lui. Très rapidement il n’a plus rien voulu savoir de moi; il disait que je le dégoûtais. C’était ennuyeux pour moi, maintenant c’était toujours moi qui avais envie et j’étais obligée de chercher à me satisfair à la parfumerie. Honoré me poussait dans les bras du stupre. Je me demande aussi aujourd’hui dans quelle mesure Honoré ne s’était pas obscurément aperçu des transformations de mon corps. Peut-être que c’étaient mes bourrelets et mon teint de plus en plus rose et comme tacheté de gris qui le dégoûtait. Ce n’était pas pratique pour moi de concentrer mon activité sexuelle uniquement sur la parfumerie, parce qu’en plus de ne pas toujours trouver des clients sensibles à mes nouvelles façons, je devais me souvenir de simuler comme avant avec les anciens clients. Je vais essayer de m’exprimer le plus clairement possible, parce que je sais que ce n’est pas facile à comprendre, surtout pour les hommes. Avec les nouveaux, surtout avec ceux qui se laissaient commodément attacher, je pouvais désormais travailler à mon rhythme, me laisser aller, pousser les cris que je voulais. Mais avec mes vieux habitués, tout en ayant à réfreiner mes ardeurs et à accepter leurs lubies comme contre nature, vous savez de quoi je parle, il m’arrivait d’y trouver quand même mon compte. Et il s’est trouvé des vieux habitués pour me faire remarquer, sur un air de reproche, que ma façon de crier avait bien changé. Forcément, puisqu’avant je faisais semblant. Si vous me suivez. Donc il fallait que je me souvienne de pousser exactement les mêmes cris qu’avant. Il fallait aussi que je me souvienne des clients qui aimaient que je crie et des clients qui n’aimaient pas que je crie. Or il est difficile de simuler quand des sensations vraies vous viennent dans le corps. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre. Je conçois à quel point cela doit être choquant et désagréable de lire une jeune fille qui s’exprime de cette façon, mais je dois dire aussi que maintenant je ne suis plus exactement la même qu’avant, et que ce genre de considération commence à m’échapper. En tout cas, la vie devenait compliquée. En plus de devoir déguster des sensations je craignais de plus en plus mes anciens clients, les coups de fils choqués qu’ils pouvaient passer au directeur. Je n’avais plus du tout la confiance du directeur et j’avais peur de me faire licencier. Heureusement il est venu un marabout africain très riche qui a loué mes services à prix d’or pour une semaine. Le directeur était très content de la venue du riche marabout mais il voulait que ça se passe ailleurs que dans la parfumerie, un nègre, c’était délicat. La parfumerie est restée fermée tout ce temps et les esprits les plus échauffés se sont calmés. Beaucoup d’anciens habitués se sont d’ailleurs tournés vers une soi-disant petite perle que le directeur avait dégottée aux Antilles et installée en plein sur les Champs-Elysées, on se demande où la chaîne avait trouvé les moyens. Le marabout a été charmant avec moi.Il m’a emmenée dans son loft des quartiers africains et il m’a dit que ça faisait longtemps qu’il cerchait quelqu’un comme moi. D’abord on s’est un peu amusé, il appréciait beaucoup mon caractère. Moi, j’aime autant vous le dire, j’en profitais. On ne découvre pas de nouvelles sensations tous les jours, d’autant que le marabout savait des spécialités de son pays. Et puis après s’être bien amusé le marabout s’est mis à faire des trucs bizarres. Il m’a passé des onguents sur le corps, il m’a pour ainsi dire auscultée, on aurait dit qu’il cherchait quelque chose. Ma peau réagissait violemment aux onguents, ça brûlait, ça changeait de couleur, j’avais envie de lui dire d’arrêter. Le marabout m’a fait boire de la liqueur d’oeil de pélican. Il a aussi essayé de me mettre sous hypnose. Il m’a demandé si je me sentais malade. Alors pour qu’il arrête un peu je me suis mise à lui raconter tout ce qui s’était passé les mois précédents. Le marabout m’a donné sa carte, il m’a dit de revenir le voir si ça continuait. Nous avons sympathisé. Le marabout riait beaucoup parce que la différence de nos couleurs, lui si noir et moi si rose maintenant, le mettait de bel appétit. Il fallait toujours qu’on se mette à quatre pattes devant la glace, et qu’on pousse des cris d’animaux. Les hommes sont tout de même étranges. Il est encore trop tôt pour que je vous raconte ce que j’ai vu dans la glace, vous ne me croiriez pas. D’ailleurs cela m’a tellement glacé le sang que j’ai longtemps évité d’y penser. Le marabout m’a renvoyé chez moi à la fin de la semaine. Il a insisté, sur le pas de sa porte, pour que je revienne le voir si cela s’aggravait. Et il m’a une dernière fois pinçoté sous mon pull. J’ai cru qu’il faisait ça par gentillesse, comme pour ces vingt euros supplémentaires qu’il m’a donnés et qui m’ont permi de rentrer chez Honoré en taxi. Mais je me suis aperçu dans l’escalier qu’il m’avait fait un bleu. Le bleu s’est comme qui dirait accentué. Il prenait des teintes violettes, brunes. Honoré était furieux de cett semaine passée en stage, il se doutait de quelque chose. Je cachais le bleu de mon mieux. Honoré ne voulait plus me toucher, mais il n’avait pas perdu l’habitude de me reluquer tous les soirs sous la douche, et je devais aussi céder à quelques-uns de ses caprices; mais seulement avec la bouche. Toute nue, à m’occuper comme ça d’Honoré, ce n’était pas évident pour moi de cacher le bleu qui était juste au-dessus de mon sein droit. Honoré pourtant n’a rien paru remarquer, et il n’a pas parlé non plus de ma prise de poids pourtant si évidente. Le bleu devenait un cercle bien rond brun rosé. J’avais un peu moins envie d’avoir des rapports, ça passait. Les clients attachés m’ennuyaient, les clients violents me fatiguaient de plus en plus. Il y avait des sortes d’intégristes qui venaient en groupe pour me corriger, disaient-ils, et ils n’avaient que le mot malheureuse à la bouche. Le directeur aiguillait une clientèle de plus en plus spéciale sur la boutique. J’ai même vu arriver le type qui s’était enchaîné à ma table d’avortement, il m’en a fait voir de toutes les couleurs. J’étais entièrement couverte de bleus maintenant, mais seul celui sur la poitrine ne disparaissait pas. Ça finissait par me dégouter moi-même. Le bleu se transformait petit à petit en téton. Petit à petit il se couvrait de ces sortes de granulés de la peau des mamelons, et une bosse assez marquée se formait à la surface, ça commençait même à pointer. A force de voir tous ces azimutés je me suis demandée si je n’étais pas en train de subir un châtiment de Dieu, je vous demande un peu. En tout cas, mes règles sont revenues, c’était déjà ça. Je n’avais plus envie de rien, et mon travail me devenait très pénible. Je me suis même prise à rêver d’une petite parfumerie bien calme, dans une lointaine banlieue, où je n’aurais fait que des démonstrations. J’étais tombée bien bas. Je n’avais plus du tout le moral. C’est ce téton en plus qui me faisait faire du souci, et puis mes règles aussi, paradoxalement. J’étais bien contente de les voir revenues. Mais comme toujours elles me fichaient par terre, j’étais très fatiguée et je n’avais plus coeur à rien. C’est hormonal, il paraît. Peut-être aussi que je trouvais ça inquiétant, à force, de n’avoir pas été fécondée, vu qu’il m’avait bien prévenu à la clinique. Mes règles étaient d’une ampleur exceptionnelle, un vrai raz de marée, de quoi faire croire de nouveau à une fausse couche. Mais j’étais décidée à ne plus consulter aucun gynécologue. De toute façon je n’avais pas d’argent. Je comprends maintenant que même si j’avais été enceinte, déjà à ce moment-là ça n’aurait pu donner que des fausses-couches. Et ça valait mieux comme ça.