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Quand Honoré est rentré, il m'a dit que je sentais bon. Je m'étais inondée de Yerling. Honoré m'a embrassée sur le front et m'a dit que puisque j'étais si en beauté ce soir, il m'invitait à l'Aqualand en souvenir de notre rencontre. J'en aurais pleuré de joie. Il y avait une cabine réservée au nom d'Honoré quand nous sommes arrivés. Cela m'a fait un plaisir immense et m'a paru de bon augure que de son côté il ait tout organisé. Dans la cabine Honoré a fait un effort sur lui-même et il m'a sodomisée. Je crois qu'il ne pouvait même plus penser à mon vagin. Moi, penchée en avant, j'avais pour ainsi dire une vue imprenable sur ma vulve, et je trouvais qu'elle dépassait étrangement; je ne voudrais pas vous infliger trop de détails mais en quelque sorte les grandes lèvres pendaient un peu plus que la normale et c'est pour ça que je pouvais si bien les voir. Dans Femme femme ou Ma beauté ma santé, je ne sais plus, j'avais lu que le plat préféré des Romains, et le plus raffiné, c'était la vulve de truie farcie. Le magazine s'insurgeait contre cette pratique culinaire aussi cruelle que machiste envers les animaux. Je n'avais pas d'avis sur la question, je n'ai jamais eu d'opinions bien précises en politique. Honoré a terminé. Nous sommes sortis de la cabine. J'avais insisté pour remettre ma robe pour le dîner. Une si jolie robe, c'aurait été dommage de ne pas en profiter encore un peu, une robe à ma taille, dans laquelle je pouvais respirer. Nous avons fait un dîner très agréable. Il y avait le choix en salades exotiques. Honoré m'a laissé manger tout ce que je voulais, et pourtant ça coûtait rudement cher. La seule chose qui m'embêtait un peu c'est que j'avais laissé le cochon d'Inde à la maison, il me manquait déjà. Heureusement Honoré était tellement charmant qu'il me le faisait oublier. C'était une petite bête vraiment gentille. J'ai failli me trouver mal quand Honoré a absolument voulu me faire goûter son pécari à l'ananas, mais j'ai réussi à prendre sur moi. Je sentais mon maquillage qui coulait, j'avais très chaud. Heureusement je n'éprouvais encore aucune de ces démangeaisons annonciatrices d'allergies. Sous les palmes, dans les ventilateurs qui imitaient les alizés, on se serait presque cru dans une île bienheureuse, tout se passait à merveille. Honoré, tout ça, ça le mettait en forme. Ça ne tombait pas si mal parce que je sentais revenir mes chaleurs. Honoré s'est levé avant le dessert et il m'a dit de le rejoindre dans la cabine. J'étais un peu gênée vis-à-vis de tous ces nègres en pagne qui nous éventaient, mais visiblement ils en avaient vu d'autres. Honoré, dans la cabine, m'a tendu un paquet-cadeau avec les célèbres armoiries de chez Loup-Y-Es-Tu et le gros nœud en peluche argentée et tout. Je me suis mise à pleurer. Honoré m'a grondée d'être si sentimentale. Dans le paquet il y avait un maillot de bain luxueux, très échancré. Honoré m'a enlevé lui-même ma robe et l'a jetée en boule dans un coin, ça m'a fait un peu mal qu'il en prenne si peu de soin. Ensuite il m'a fait mettre le maillot. Moi, je ne voulais pas; mais comment refuser? Le maillot a tout de suite craqué. Honoré était tellement furieux qu'il m'a forcée à sortir de la cabine dans cette tenue. Heureusement les nègres n'ont même pas sourcillé. Honoré m'a poussée dans l'eau. C'était le moment des grosses vagues. Le contact de l'eau ça a fait tout à coup comme une onde de terreur en moi. Je me suis aperçue que je flottais à peine, et que je ne savais presque plus nager. J'étais obligée de battre des mains et des pieds sous moi, c'était à nouveau comme si mes articulations se bloquaient à angle droit. Moi qui aimais tant l'eau autrefois, moi qui y trouvais toujours un délicieux réconfort, ici, à l'Aqualand, dans tout ce bleu liquide et chaud, voilà que j'étouffais, mon cœur battait à toute allure dans l'eau, je paniquais, je n'arrivais pas à en sortir. Honoré était consterné de voir ça. Il lui a bien fallu se rendre à l'évidence. Je n'étais plus du tout celle qu'il avait connue. Un jeune garçon m'a tendu la main, je l'ai attrapée, mais le galopin m'a lâchée en s'esclaffant, il m'a traitée de grosse vache. Je me suis mise à pleurer. Honoré est parti sans se retourner, il devait être mort de honte. Quand il est revenu il était au bras d'une de ces négresses en string qui font l'accueil. Les négresses de l'Aqualand, on les connaît. Honoré empestait le vin de palme. Moi j'étais contente tout de même de le revoir, parce que c'est lui qui avait la clé de la cabine, et toutes mes affaires étaient dedans. Je m'étais cachée comme je pouvais sous un palétuvier en vinyle rose, mais il y avait toute une bande de jeunes garçons à m'embêter, entraînés par celui qui m'avait insultée. Ils tiraient sur la dernière bretelle de mon maillot et voulaient me forcer à lâcher les bribes loqueteuses qui couvraient encore mon derrière. Cela faisait un joyeux bazar autour de moi, je vous jure. Honoré n'a pas eu l'air d'apprécier. Il a renvoyé la négresse, il ne voulait pas de témoin en quelque sorte, et il m'a dit que j'étais vraiment au-dessous de tout, que je l'avais bien trompé, que j'étais une sale traînée. Ce sont ses mots. Honoré pleurait. J'aurais tout donné pour pouvoir le consoler, ça me chamboulait le cœur de le voir comme ça. Mais je ne pouvais pas sortir de mon palétuvier, par décence. La pétasse de négresse est revenue chercher Honoré et je ne suis pas dupe, elle a dû bien le consoler. Le dernier mot qu'a eu Honoré en partant c'est de dire aux gamins qu'il fallait m'apprendre à vivre. Les gamins m'ont jetée à l'eau. J'ai failli me noyer. Ils étaient une bonne demi-douzaine, le maillot n'y a plus du tout résisté. Quand ils en ont eu assez de moi je les ai suppliés de me rapporter ma robe, ou une serviette au moins, mais pensez-vous, il n'y a plus d'enfants. Ils m'ont laissée, là, dans l'eau. Je n'en pouvais plus. L'Aqualand fermait ses portes, et moi je restais là, toute nue comme une idiote. Un des grands nègres qui faisaient le maître nageur est venu, il m'a dit que si je continuais à mettre le désordre il allait appeler la police. Je savais bien qu'avec tout ce qui se passe à l'Aqualand il n'allait pas le faire. Je l'ai supplié de me donner quelque chose à me mettre. Il s'est mis à rire comme la baleine empaillée qui décore le fond de la salle. Au bout d'un moment, tout de même, il m'a lancé une sorte de peignoir, mais qui était beaucoup trop petit. Je suis sortie de l'eau comme j'ai pu. A ce moment-là j'ai vu arriver des gendarmes et je me suis dit que c'était la fin, que pour la première fois de ma vie, moi qui avais toujours mené une existence honnête, on allait m'emmener au poste. Je me suis mise à pleurer. Mais les gendarmes ne venaient pas pour moi. Ils accompagnaient plein de messieurs très bien qui débarquaient au bord de la piscine. Et pourtant l'Aqualand était fermé maintenant. Les négresses en string mettaient des colliers de fleurs autour du cou des messieurs, les messieurs leur mettaient des billets de banque dans le string. Tout de suite, des couples se sont formés entre les messieurs et les négresses, et entre les messieurs et les nègres aussi, on voit de ces choses. Il y en a même qui n'ont pas attendu plus longtemps pour faire leurs petites affaires et qui se sont jetés tout habillés dans l'eau avec leur nègre ou leur négresse, j'étais soufflée de voir ça. Pourtant je savais qu'à l'Aqualand ce n'était pas triste dans les soirées privées, mais quand même, dans l'eau et tout. Ensuite quelqu'un a parlé dans un micro, et une grande table chargée de nourriture et de boissons s'est avancée toute seule au bord de la piscine. Les messieurs se sont jetés dessus, d'autres ont ouvert des bouteilles de Champagne dans l'eau et ça a giclé partout, au prix où c'est. Une patineuse à roulettes est venu faire un strip-tease sur la passerelle au-dessus de l'eau. Moi, je tremblais d'être découverte, surtout que tous ces messieurs commençaient à être sérieusement ivres, et je le savais avec Honoré, l'alcool dénature complètement les gens. Un homme qui a bu, je le dis pour les jeunes filles à qui on permettrait de lire ce témoignage, un homme qui a bu oublie sa gentillesse naturelle. Sans doute que le mieux pour les jeunes filles de maintenant, je me permets d'énoncer cet avis après tout ce que j'ai vécu, c'est de trouver un bon mari, qui ne boit pas, parce que la vie est dure et une femme ça ne travaille pas comme un homme, et puis ce n'est pas les hommes qui vont s'occuper des enfants, et tous les gouvernements le disent, il n'y a pas assez d'enfants. La patineuse à roulettes a fini son numéro en grimpant toute nue à un palmier pour déployer une immense affiche, et là tout le monde a applaudi. C'était marqué: Edgar quelque chose, pour un monde plus sain. J'ai essayé d'écouter le discours qui a suivi, mais j'ai toujours eu du mal à me concentrer sur ces affaires-là, c'est parce que je n'ai pas fait tellement d'études. Ce que j'ai compris c'est que le monsieur disait que tout irait mieux; qu'on était dans une période de mutation très sale mais qu'avec lui on s'en sortirait. J'ai appris qu'il allait y avoir des élections. Edgar, il avait l'air gentil, je me suis dit que je ne risquais rien après tout, que si ça tournait au vinaigre je pourrais toujours lui promettre ma voix. Je suis sortie aussi discrètement que possible de mon palétuvier. Tout le monde était ivre. Il y avait une musique tonitruante maintenant, les lumières se sont éteintes, je me suis dit que ça allait protéger ma fuite. Des rayons laser ou je ne sais quoi ont commencé à tourner et à virer dans la salle, tout le monde se trémoussait et se poussait à l'eau, moi j'avais un peu de mal à me diriger. Je suis tombée en plein dans les pattes d'un type qui n'était pas ivre. Il m'a collé un gros revolver contre la tempe. J'ai cru mourir. Il m'a poussée dans une petite pièce à côté. Des messieurs en gilet pare-balles m'ont posé plein de questions. Je leur ai dit que j'étais venue dîner avec Honoré, qu'il m'avait offert un maillot, que mon maillot avait craqué, mais ça n'avait pas l'air de les satisfaire. Celui qui avait le plus gros revolver a parlé dans un téléphone portable et il a demandé ce qu'il fallait faire de moi. Il m'a regardée et il a dit: «Non, pas terrible.» Ça m'a fait mal. Ensuite il a raccroché et il s'est tourné vers ses hommes et il a dit cette autre phrase: «Les patrons ne nous laissent que les boudins», il a dit. Ça m'a fait encore plus mal. Mais les hommes m'ont regardée comme si ça leur avait fait mal à eux. J'ai eu très peur. Finalement ils ne m'ont pas tuée. Ils se sont juste un peu amusés avec leurs chiens. Et puis ils ont eu l'air comme qui dirait écœurés et ils nous ont arrêtés juste au meilleur moment. Un des hommes a tiré son revolver et il a dit: «Il faut abattre cette chienne», moi je n'avais vu que des mâles. C'est maintenant que je comprends le sens de cette phrase. A ce moment-là un monsieur en costume est entré. Il a demandé ce qui se passait ici, et il m'a relevée assez galamment. Les hommes en gilet pare-balles n'ont rien dit et l'autre excité a rangé son arme. Le monsieur a dit qu'il avait entendu des cris, comme un cochon qu'on égorge. Il m'a regardée avec une espèce de pitié. Il m'a emmenée et il m'a offert un verre de rhum. Ça se voyait qu'il réfléchissait en me regardant. Il m'a demandé comment je me sentais et tout. Et puis il m'a jeté une serviette pour me débarbouiller et il a demandé à une négresse d'aller me chercher une robe. Imaginez un peu, deux robes neuves le même jour. Et jolies encore. Le monsieur a appelé quelqu'un sur son téléphone portable et j'ai vu arriver, vous ne me croirez pas, une de mes anciennes copines vendeuses. Elle n'a rien dit en me voyant mais ça crevait les yeux qu'elle se demandait ce qu'on pouvait bien me trouver, et pourquoi c'était moi qui était là et pas elle à ma place. Elle m'a coiffée en me tirant les cheveux, elle a dit qu'on ne pouvait rien en faire, le monsieur a dit que ce n'était pas grave. «Plus elle aura l'air péquenaud mieux ce sera» il a dit. Je n'ai pas osé protester. La vendeuse m'a maquillée. Elle a comme qui dirait accentué le côté rouge fermière de mes joues, je voyais bien qu'elle le faisait exprès, je m'y connaissais maintenant en maquillage. Je n'avais qu'une peur, que le sérum de la dermatologue ne fasse pas effet assez longtemps. La vendeuse m'a aspergée de Loup-Y-Es-Tu en fronçant le nez. Le monsieur a renvoyé la vendeuse, et il m'a fait monter avec lui dans un bureau où il y avait Monsieur Edgar et deux autres messieurs très bien plus deux ou trois filles. «J'ai trouvé la perle» a dit le monsieur d'un air triomphant. Alors Edgar et les deux messieurs m'ont regardée d'un air extasié. Ça m'a fait du bien au moral, je ne vous dis que ça. Ils m'ont pincée de partout, ils m'ont regardé le blanc de l'oeil et des dents, ils m'ont fait tourner sur moi-même, sourire, et ils ont renvoyé les autres filles. Je me voyais déjà faire une grande carrière dans le cinéma, eh bien je n'étais pas très loin de la vérité. Figurez-vous que deux minutes plus tard il y avait un photographe avec un Polaroïd qui se déchaînait sur moi. Ensuite les messieurs ne se sont plus du tout occupés de moi, ils étaient tous les trois penchés sur les photos. Moi je poireautais, je me demandais ce qu'ils pouvaient bien me trouver. «Pour un monde plus sain!» s'est mis à brailler un des messieurs, et ils se sont tous mis à rire très fort. J'ai cru qu'ils se moquaient de moi. Le photographe m'a emmenée chez lui. Toute la nuit il a fallu que je pose pour ses photos, et vas-y que je te change la lumière, et vas-y que je te repoudre le museau. Le sérum de la dermatologue tenait bon, mais j'étais vannée. Toutes ces émotions, je trouvais que j'avais eu mon compte pour la journée. Je bâillais et le photographe m'injuriait, il fallait que je sourie, et que je me tienne de telle et telle façon, je vous demande un peu. Le photographe m'a mise dehors en me fourrant une liasse de billets dans la main. J'ai trouvé ça correct. Tout ce que je regrettais, c'est de n'avoir pas vu la fin de la fête à l'Aqualand, moi qui jamais de ma vie n'avais été invitée à des raouts de cette classe.