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Je vais pour.

Mais zob et zobinche !

La chose éclate sans produire un trop gros bruit, dégageant une fumaga épaisse et grise, si âcre qu’on se met à étouffer.

L’instinct de préservation me fait rebrousser chemin. Las ! La porte de verre s’est refermée. Je tente de la défoncer, mais zob, elle est solide comme du bronze. Mes efforts cessent rapido car tout chavire en moi et me voilà aussi faiblard qu’un ver à soie. Plus moyen de respirer. Je…

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DOMMAGINTÉRÊTS

Je vais, à présent, lecteurs et trices, me livrer à un exercice littéraire incommun : passer de la première personne à la troisième sans changer d’encre ni de slip. La raison de ce revirement radical est très simple ; même un empêché du bulbe congénital de ton espèce peut la comprendre. Étant neutralisé de corps et d’esprit, je me trouve donc dans l’impossibilité d’assumer le récit entrepris (avec brio, dis-tu ? merci !) pour ne le reprendre qu’une fois mes facultés recouvrées. Réalisant que cette interruption, d’une durée indéterminée, serait fâcheuse, j’ai donc décidé héroïquement de me saborder provisoirement et de confier les guides du récit, non plus au héros, mais à son auteur qui, je l’espère, saura poursuivre avec conscience, et — qui sait — avec humour peut-être, une œuvre considérable, au style percutant et dont l’intérêt va croissant, comme disait un pâtissier turc.

J’ajoute que dans le cas où cette tentative serait couronnée d’insuccès, en accord avec mon éditeur dont le désintéressement est pour moi une grave cause d’inquiétude, nous réciterions un chapelet pour le salut des insatisfaits.

Et maintenant, que le meilleur gagne.

* * *

Ils gisaient, l’un près de l’autre, dans les volutes vénéneux d’un nuage qui, venu du plafond, semblait vouloir se tasser sur le sol.

Dans un local voisin, un regard attentif scrutait le dortoir par un œilleton ménagé dans la cloison de façon si astucieuse qu’il était indiscernable lorsqu’on occupait ce dortoir.

Les yeux aigus posés sur le double tas sombre formé par les corps des deux policiers ne lâchaient pas leur proie. Au bout de ce que n’importe quel scribouillard sans génie appellerait « un certain temps » mais que je qualifierais plus précisément de « un temps certain », l’être qui surveillait le dortoir actionna un volant guère plus circonféreux que celui d’un kart ; une soufflerie se déchaîna en force dans le local où gisaient San-Antonio et son adjoint. En moins d’une minute, cette bourrasque artificielle dissipa le nuage.

Celui qui gérait ainsi le vénéneux, opta dès lors pour le salubre. Une seconde soufflerie s’activa pour remplacer l’air corrompu, par un vent des cimes si sain, qu’à côté de lui celui qui circule entre les Grandes Jorasses aurait semblé chargé de miasmes asiatiques. Cette dernière opération régénéra le dortoir qui, en moins de jouge, devint apte à accueillir des bébés Scandinaves, comme on en voit sur les étiquettes des savons de toilette.

Puis le manœuvrier délaissa ses commandes pour gagner un local attenant, sorte de minuscule salle d’attente, où deux personnes en forme de couple fumaient des cigarettes américaines sans parler. L’homme portait une gabardine très claire, sanglée à la taille par une ceinture. Il avait la boule à zéro et compensait cette calvitie intégrale par une barbe d’un blond d’or, frisée comme la chevelure d’un ange du XIIIe. La femme, par contre, était intensément brune et basanée. Ce couple était jeune. Le julot, qui paraissait l’aîné, ne devait pas avoir trente ans.

— C’est O.K., fit le survenant, vous pouvez les embarquer.

Les intéressés écrasèrent leurs cigarettes dans un cendrier réclame et suivirent « l’officiant » jusqu’au dortoir. Avant d’y pénétrer, il se munirent d’une espèce de Caddie plus grand que ceux qu’utilisent les clients des grandes surfaces.

Quand ils furent près des deux gisants, ils décidèrent de « charger » le plus gros en premier. L’homme était si lourd qu’ils eurent beaucoup de mal, même en s’y prenant à trois, à le hisser dans le Caddie. Celui-ci ployait sous la charge et ses roues se mirent à tourner en composant des « 8 ». Ils longèrent un couloir en pente, s’arc-boutant pour freiner le chariot. Le souterrain mesurait une trentaine de mètres et s’achevait dans un étroit local comportant un monte-charge sur lequel ils poussèrent leur victime. Il ne restait que l’homme à la barbe et la femme brune, le troisième acolyte était demeuré dans le couloir.

Le couple déboucha dans un hangar de faible importance encombré de caisses. Deux voitures s’y trouvaient : une Range Rover et une Jaguar. Le coffre de la première béait. Ils placèrent le Caddie contre le couvercle baissé et, joignant leurs forces, firent passer le corps du gros type dans le coffre.

Ensuite de quoi, ils partirent chercher le second policier.

Leur deuxième charroi leur coûta moins d’efforts. Néanmoins, l’homme et la femme étaient en nage quand ils ajustèrent le plateau de plastique recouvert de feutrine grise par-dessus leurs passagers inanimés.

Ensuite ils prirent place dans le véhicule et démarrèrent. Une cellule photoélectrique commandait l’ouverture du portail. Cette porte donnait sur une voie provinciale où deux chiens de bonne compagnie s’entreflairaient l’orifice avec circonspection.

La Range Rover s’élança bientôt dans l’avenue du Bois de la Cambre. Son conducteur brancha la radio et obtint une musique rock dont il se satisfit. La femme augmenta l’intensité du chauffage. Elle se sentait incertaine et triste.

17

LA FÉE CARJOLAINE

Martin Gueulimans (que ses condisciples, jadis, avaient surnommé Martin Grande-Gueule), alluma un cigare et se versa un verre de Cointreau (la liqueur des gens d’esprit).

Il ne lui déplaisait pas de se retrouver seul à la maison. Il appréciait la qualité du presque silence dans lequel il macérait. Enfant de mineur, né dans une famille nombreuse, il avait toujours apprécié la tranquillité et, dès son plus jeune âge, rêvé d’habiter en célibataire un appartement confortable dans lequel une pendule constituerait l’unique source de nuisance sonore. Depuis que son épouse avait contracté le goût des voyages, il réalisait cette modeste ambition d’un confort solitaire. Il hésita à brancher la télé, mais l’heure l’en dissuada en amenant à son esprit la cohorte de jacteurs que lui infligeraient les programmes en cours.

S’installant dans un fauteuil que prolongeait un repose-jambes, il se prit à évoquer le cul expressif d’une certaine Marguerite qui lui avait turluté le nougat en fin d’après-midi. Il s’était allongé tout vêtu sur son couvre-lit de satin jaune, après avoir posé ses chaussures, et avait regardé s’activer la chère femme dans la glace de son armoire. La luronne possédait de rudes fesses (à peine malmenées par les vergetures de la quarantaine) sérieusement velues, qu’il avait entrebâillées discrètement pour donner quelque pâture à son imaginaire. La pipe avait été rondement menée et de manière irréprochable, la bonne Marguerite ne faisant point à son partenaire l’injure d’expectorer les produits de la ferme, réaction certes courante mais qui désoblige confusément le mâle qui considère sa semence comme un présent du ciel. Il ne suffit pas de s’assouvir, faut-il encore que l’opération s’accomplisse dans un climat de générosité, sinon de passion.

Le souvenir frais de cette pipe de belle facture émoustilla Martin. Un instant, il caressa la perspective d’aller confier sa bite à une fille experte, nommée Cunégonde, qui s’y entendait comme pas deux pour chevaucher un partenaire sur une chaise. Il arrivait à ce haut fonctionnaire de tirer jusqu’à trois coups par jour quand ses sens étaient sous pression, à condition toutefois de changer de monture à chaque coït.