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Et alors, ce coup de théâtre qui provoquerait l’accouchement prématuré d’une éléphante enceinte de quinze ans ! La demeurée qui ne l’est pas. La manière qu’elle trucide Lola et manque m’administrer à moi aussi son bouillon d’onze heures ! « Au fait, Mathias, je t’ai ramené ce gadget, tu vas pouvoir te régaler ! ».

Il me marque son bonheur en urinant (ou éjaculant ?) sur son siège.

Néanmoins, je vais poursuivre. Tu biches, n’est-ce pas ? Car, ce que je viens de leur résumer, toi tu le savais déjà. T’as attendu juste pour en apprendre davantage. Rassure-toi, Bébé rose : ça vient !

Comme je me tais un peu trop longtemps à leur gré afin de maîtriser ma mémoire, les voilà qui s’agitent pareils à des chiots.

— Et alors ? risque le Branleur branlant.

D’un geste de prélat, je l’endigue ;

— Mollo, César. Ton interminable carrière ne t’a-t-elle point enseigné cette vertu indispensable aux gens de notre profession : la patience ?

Confus, il multiplie ses rides en appuyant son menton sur sa cravate.

Encore une minute pour porter au rouge leur curiosité, puis j’enchaîne.

Soucieux de « matérialiser » davantage mon récit, je le poursuis au présent, temps plutôt ingrat en littérature et que seul un grand écrivain parvient totalement à maîtriser.

Qu’est-ce que tu dis, P’tit Louis ?… Rien ? Dommage ! T’avais là une belle occasion d’hommager mes mérites, espèce de pignouf !

Enfin, y a lurette que je ne me fais plus d’illuses sur ton compte. La vie, c’est tout seul, quoi. Avec, pour unique ressource, de passer la rhubarbe à qui peut te passer le séné. Or, le séné, c’est un truc purgatif, donc, comme que comme, t’es certain qu’on va te faire chier ! Quand je pense que ma Féloche aura utilisé des tonnes de Blédine pour maturiser un loustic auquel les autres enfoirés marquent si peu de considération ! Ce qui me console, c’est que la planète Terre se refroidira un jour et que le genre humain s’anéantira pour laisser sa place à la caillasse originelle. Ne restera que tchi de la bande de zozos copulateurs et meurtriers. Le cosmos imperturbable poursuivra sa ronde superbe et superflue. Putain, ce que je jubile d’y penser !

Bon, inévitable : je leur repars dans le récit pilpatant. Y a de l’action, du sang, de la volupté, de la mort ! Tous les condiments ! Que donc je me retrouve dans la chambre de la fausse demeurée qui, désarmée, gît sur le tapis de sa piaule, entre une merde et une poupée d’étoffe qui ressemble à la reine Queen, en moins carlin, du point du vue physionomie, et en plus élégant, question fringues.

Le Mastard revient, content de son brin de somme perpétré dans un trône d’ivoire. Il s’intrigue[18] de voir la soi-disant demeurée simultanément sanglante et inanimée. Je l’affranchis. Il est terloqué par la performance de la dame qui aura joué sa partition de « La Crétine » sans un couac. C’est du grand art fignolé à l’extrême, faussant les scrupules (sic) jusqu’à se faire la bouille de la fille déclavetée.

Il m’aide à l’installer dans le fauteuil à oreilles. Je vais chercher un linge mouillé dans la salle de bains et m’en sers pour bassiner sa frime tuméfiée. Je déteste meurtrir une femme, quand bien même il s’agit d’une fieffée criminelle. L’eau fraîche étant salutaire, elle retrouve ses esprits, donc le mocheté de sa situasse. Prise en flagrant délit d’assassinat, accusée en prime d’une flopée d’autres meurtres (voir au sous-sol), son avenir ne se présente pas sous les auspices de Beaune !

— Pardonnez-moi ma brusquerie, ma puce, lui fais-je, mais j’ai l’instinct de conservation très poussé ; c’est l’une des principales conditions à remplir pour atteindre l’âge de la retraite autrement qu’à titre posthume.

Le regard dont elle me crédite, comme l’écrit l’une des dames du Fémina Vie Heureuse qui a un beau brin de plume au bout de sa balayette de gogues, est celui d’un requin qui se retrouve avec la jambe de bois d’un corsaire dans la gueule. Un regard plus vide que la mort, et beaucoup plus froid.

— Que je vous prévienne, poupée chérie, je suis ici en qualité d’auditeur libre. Les confidences que les circonstances vont vous amener à me faire resteront donc entre nous.

Une certaine ironie malfaisante s’inscrit sur ce visage que je trouverais peut-être agréable, si j’étais en maillot de bain et verre de punch en main au bar du Hamac (Guadeloupe, France). Ce qui n’est hélas pas le cas.

Je vais reprendre l’arme terrible, étrange et sournoise qu’elle a utilisée à l’encontre de Lola, dont la grande bouche aux lèvres pulpeuses convenait si bellement à des turlutes ambitieux, gratuits les jours fériés.

Je l’examine avec une attention qui n’a d’égal que l’intérêt qu’elle m’inspire.

— Dans mon job, lui dis-je, c’est fou le nombre d’armes non répertoriées que je rencontre. L’ingéniosité de l’homme est sans limites.

Puis, braquant l’orifice de l’engin sur la poitrine de la gonzesse en survête, pile entre ses nichebabes, je commente :

— Je crois comprendre, chère mademoiselle, que c’est en appuyant sur cette touche ronde qu’on actionne le gagdget, n’est-il pas ?

Bon, d’accord, cette femelle n’a pas froid aux yeux et ce n’est pas le courage qui doit lui manquer ; n’empêche qu’elle ne peut se retenir de balbutier : « Attention ! », preuve que je tiens le bambou, comme disait un producteur de films dont le nom comportait deux voyelles et vingt-quatre consonnes et qui s’écriait «  Da  » chaque fois qu’il voulait dire « Oui ».

— Donc, c’est bien cette bistougnette qui envoie le bonheur ?

— Tu permets ? dit le Mammouth, folâtre, en s’emparant du bidule.

Je ne voudrais pas le lui laisser, seulement je me dis qu’avec un intempestif style Césarin, un faux mouvement pourrait avoir des résultats gravissimes. D’une mimique faite à l’insu de la gonzesse, je lui recommande de se gaffer d’un machinchose pareillement diabolique.

L’Obéseur reste imperméable à cette muette exhortance. Du pied, il traîne une chaise en face du fauteuil qu’elle occupe, s’y pose à califourchon, appuie le canon tronqué de l’appareil sur le dossier en prenant soin que l’orifice se trouve face à la gueule de la houri et soupire :

— Cause avec cette pécore, Tonio, du temps qu’on l’a à l’œil, moive et sa sulfateuse.

Du sang continue de sourdre de son nez tuméfié et se répand en zigzag sur son traininge ; elle le renifle misérablement.

— Après une bonne confession, je suis certain que vous vous sentirez mieux dans vos baskets, déclaré-je. Comment vous appelez-vous ?

Elle darde son regard à la fois furieux et angoissé sur l’engin détenu par Alexandred-Benoît et fait, en causant du nez :

— Mon identité ne vous dirait rien. Je suis une illustre inconnue, fichée nulle part.

— Je sais l’identité d’une foule de gens inconnus des services de police, ricané-je. Alors ?

Elle a un haut-le-corps en voyant le Mastard chercher à tâtons le déclencheur de son arme.

— Mon nom est Malvina Stern, se décide-t-elle.

Je biche mon calepin aux pages jaunies par les années (papa en a laissé plusieurs grosses[19] en mourant), y note l’identité avancée par la donzelle.

— Vous n’êtes donc pas la fille d’Irène Ballamerdsche.

— Vous croyez ? elle rétorque avec un sourire de lumière.

C’est plus fort que moi : une tarte ! J’ai la main leste avec les impertinents. Y a des fois, je me dis : « Un métier que j’aurais jamais pu pratiquer, c’est éducateur d’enfants, ou moniteur d’ados. » Car ce qui flotte, chez ma pomme, c’est la patience. Je cartonne de la mandale. Un impulsif ! J’arrive pas à supporter les avantageux, ceux qui la ramènent parce qu’ils se croient supérieurs. Dans ces affrontements, j’ai la baffe immédiate. Un écart, même léger, et flaoff ! La beigne, tout de suite ! Ça endigue.

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18

Je hais les verbes transitifs qui nous auront fait tant de mal !

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19

Je te rappelle, ou t’apprends, qu’une grosse représente douze douzaines.