Выбрать главу

Elle détourna les yeux :

— Excusez-moi.

— Cela ne fait rien, fit-il automatiquement. Chacun a le droit d’exprimer ses opinions.

— Mais vous n’avez pas le droit de parler ainsi de mon père. Vous n’imaginez pas ce que c’est que d’être directeur, de nos jours. Quoi que vous en pensiez, il travaille pour son peuple.

— Je comprends parfaitement. Pour le bien de son peuple, il est obligé de me vendre aux Tyranni. Cela saute aux yeux.

— Dans un sens, en effet. Il doit leur prouver qu’il est loyal. Autrement, ils pourraient le chasser et gouverner Rhodia directement. En quoi serait-ce préférable ?

— Si un noble ne peut même plus obtenir le droit d’asile.

— Vous ne pensez qu’à vous. C’est un grave défaut.

— Je ne pense pas qu’il soit particulièrement égoïste de se refuser à mourir. Et pour rien, de surcroît. Je tiens à me battre avant de mourir. Mon père les combattait, lui.

Il sentait qu’il commençait à devenir mélodramatique, mais c’était elle qui l’y poussait, en quelque sorte.

— Et quel bien cela lui a-t-il fait ? demanda-t-elle.

— Aucun, je suppose. Ils l’ont tué.

Artémisia sentit les larmes lui monter aux, yeux.

— Je ne cesse de répéter que je suis désolée, mais cette fois, je suis sincère. Cela me touche profondément. (Aussitôt, elle ajouta, comme pour se trouver des excuses :) Moi aussi, j’ai des ennuis, vous savez.

Biron se souvint.

— Je sais. Si on essayait de repartir à zéro, alors ?

Il tenta de sourire. Son pied lui faisait nettement moins mal, d’ailleurs.

Pour essayer de l’amadouer, elle dit :

— Vous n’êtes pas tellement laid que cela, vous savez.

Biron se sentit stupide.

— Oh, ça…

Il ne termina pas sa phrase, et tous deux se tournèrent brusquement vers la porte. Un bruit de pas rythmé se faisait discrètement entendre dans le couloir pavé de mosaïque de plastique. La plupart passèrent leur chemin, mais il y eut un léger claquement de talons juste devant la porte et la sonnerie retentit.

* * *

Gillbret ne perdit pas de temps. D’abord, il remit le visisonor dans sa cachette, en regrettant pour la première fois qu’elle fût si mauvaise. Au diable Hinrik et sa hâte stupide ! Il aurait au moins pu attendre le matin ! Il fallait que leur projet réussisse ; c’était peut-être l’unique chance de sa vie.

Puis, il appela le capitaine de la garde. Il ne pouvait quand même pas cacher cette bagatelle, deux gardes assommés et un prisonnier qui avait pris le large.

Le capitaine ne prit pas du tout l’incident à la légère. Il fit transporter les deux gardes à l’infirmerie, puis fit face à Gillbret.

— Votre message n’était pas très clair, monseigneur. Que s’est-il passé exactement ?

— Rien de plus que ce que vous avez vu. Ils sont venus arrêter le jeune homme, qui a résisté. Et il a pris la fuite. Qui sait où il peut être en ce moment !

— C’est sans grande importance, dit le capitaine. Le Palais accueille cette nuit un grand personnage, et il est bien gardé en dépit de l’heure tardive. Il ne peut en sortir, et nous n’avons qu’à ratisser l’intérieur pour le trouver. Mais comment a-t-il pu s’échapper ? Mes hommes étaient armés, et il ne l’était pas.

— Il s’est battu comme un tigre. Caché derrière ce fauteuil, j’ai…

— Je suis étonné, monseigneur, que vous n’ayez pas jugé bon d’aider mes hommes contre ce traître.

Gillbret prit un air méprisant.

— Quelle idée amusante, capitaine Si vos hommes, qui étaient deux et de plus armés, avaient besoin de mon aide, il serait temps que vous en recrutiez d’autres, ne trouvez-vous pas ?

— Fort bien ! Nous allons fouiller le Palais, et quand nous aurons trouvé ce jeune homme, nous verrons s’il est capable de répéter cet exploit.

— Je vous accompagne, capitaine.

Ce fut au tour du capitaine de hausser les sourcils.

— Je ne vous le conseillerais pas, monseigneur. Cela risque d’être dangereux.

C’était le genre de remarque que l’on ne fait pas à un Hinriade. Mais Gillbret laissa passer, et sourit de tout son visage émacié.

— Je le sais, dit-il, mais parfois, je trouve même le danger amusant.

Pendant que le capitaine allait rassembler ses gardes, Gillbret, resté seul, appela Artémisia.

* * *

En entendant sonner, Biron et Artémisia s’étaient figés sur place. On sonna de nouveau, puis l’on frappa légèrement et la voix de Gillbret se fit entendre :

— Laissez-moi essayer, capitaine. (Puis, plus fort :) Artémisia ?

Poussant un soupir de soulagement, Biron s’avança vers la porte, mais la jeune fille lui mit la main sur la bouche.

Elle cria :

— Un instant, oncle Gil !

Puis elle fit signe à Biron d’aller vers le mur. Biron ne put que regarder le mur d’un air stupide. Avec une grimace d’exaspération, Artémisia passa devant lui. Dès qu’elle eut posé la main sur la cloison, une portion de cette dernière s’escamota, révélant un cabinet de toilette. Elle lui fit signe d’y entrer, tout en ôtant l’agrafe qui ornait son épaule droite. Cela libéra, rompit le minuscule champ de force qui maintenait sa robe fermée, et celle-ci tomba à ses pieds.

Biron entra dans le cabinet de toilette, et se retourna juste à temps pour voir, avant que le mur ne reprenne sa place, la robe cramoisie en boule sur le sol, et Artémisia jetant sur ses épaules une robe de chambre bordée de fourrure blanche.

Il regarda le lieu où il se trouvait. S’ils fouillaient l’appartement d’Artémisia, il serait à la merci des gardes. Il n’y avait aucune autre issue, et aucun endroit où se cacher.

Une rangée de robes était placée le long d’une paroi, devant laquelle l’air scintillait imperceptiblement. Sa main passa aisément à travers cet écran, qui était exclusivement destiné à repousser la poussière.

Il pouvait se cacher derrière les vêtements. C’était ce qu’il faisait, de toute façon. Pour arriver jusqu’ici, il avait assommé deux gardes, avec l’aide de Gillbret, mais maintenant qu’il y était, il se cachait derrière les jupes d’une femme. Oui, oui, derrière les jupes d’une femme !

Il se surprit à regretter de ne pas s’être retourné plus tôt avant que le mur ne se refermât. Elle était magnifiquement bâtie. Il avait été stupide de se montrer si déplaisant, tout à l’heure. Elle n’était pas responsable des défauts de son père.

Et maintenant, il ne pouvait qu’attendre, fixant le mur aveugle, épiant le moindre bruit, craignant que le mur ne se rouvre et que les gardes n’apparaissent, l’arme au poing. Et cette fois, il n’aurait pas de visisonor pour lui venir en aide.

Il attendit, un fouet neuronique dans chaque main.

9

— Que se passe-t-il ?

Artémisia n’avait pas besoin de feindre l’inquiétude. Derrière Gillbret, se tenait le capitaine de la garde, tandis qu’une demi-douzaine d’hommes se maintenaient discrètement à distance.

— Il est arrivé quelque chose à mon père ?

Gillbret la rassura.

— Non, non. Tout va bien. Vous dormiez ?

— Presque. Mes suivantes sont parties depuis longtemps, et je suis toute seule. Vous m’avez fait une peur bleue.

Redressant la tête, elle se tourna vers le capitaine.

— Que voulez-vous de moi, capitaine ? Dépêchez-vous, s’il vous plaît. Vous choisissez mal votre heure pour me demander audience.

Gillbret intervint avant que l’autre pût ouvrir la bouche.