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— Très juste. La rapidité de votre décision et votre zèle au service du Khan sont hautement louables. Soyez assuré qu’il en entendra parler.

Hinrik s’épanouit, visiblement soulagé.

— Faites donc amener ce jeune coq ici, continua Aratap. Nous verrons bien ce qu’il a à nous dire.

Il étouffa un bâillement, n’étant nullement intéressé par ce que le « jeune coq » pourrait leur dire. Hinrik allait demander que l’on appelle le capitaine des gardes, lorsque ce dernier apparut à la porte.

— Excellence ! commença-t-il, en s’approchant sans y être invité.

Hinrik semblait se demander par quel miracle son intention de faire appeler avait pu si rapidement être suivie d’effet.

— Oui ? demanda-t-il d’une voix incertaine. Que désirez-vous, capitaine ?

— Excellence, le prisonnier s’est évadé.

Aratap sentit un léger regain d’intérêt.

— Les détails, capitaine, ordonna-t-il en se redressant dans son fauteuil.

Le capitaine leur fit un récit succinct de la situation.

— Excellence, dit-il pour conclure, je vous demande l’autorisation de proclamer l’alerte générale. Ils ne peuvent pas être allés loin.

— Absolument, balbutia Hinrik. Mais oui, très bien… Une alerte générale ! Parfait ! Dépêchez-vous ! Commissaire, je ne comprends pas ce qui a pu se passer, Capitaine, mobilisez tous les hommes disponibles. Commissaire, je ferai effectuer une enquête, je vous le garantis. Si nécessaire, tous les hommes de la garde seront brisés. Brisés ! Brisés ! répéta-t-il d’une voix presque hystérique.

Mais le capitaine ne faisait pas mine de partir. Il avait visiblement quelque chose à ajouter.

— Qu’attendez-vous ? lui demanda Aratap.

— Puis-je parler à Votre Excellence en privé ? demanda-t-il soudain.

Hinrik jeta un regard effrayé sur l’imperturbable commissaire.

— Voyons, capitaine, dit-il sur un ton qui se voulait indigné, nous n’avons rien à cacher aux soldats du Khan, nos amis, nos…

— Dites ce que vous avez à dire, intervint Aratap d’une voix douce.

Le capitaine claqua des talons.

— Puisque l’on m’ordonne de parler, Excellence, j’ai le regret de vous informer que Son Altesse Artémisia et monseigneur Gillbret ont accompagné le prisonnier dans sa fuite.

— Il a osé les enlever ? dit Hinrik en se levant. Et la garde a laissé faire !

— Ils n’ont pas été enlevés, Excellence. Ils l’ont accompagné volontairement.

— Comment le savez-vous ? demanda Aratap, ravi, et soudain pleinement éveillé.

Il y avait un fil directeur, après tout, et plus intéressant qu’il n’avait osé l’espérer.

— Nous avons les témoignages des gardes qu’il a réussi à maîtriser, et de ceux qui l’ont laissé sortir du Palais, pensant bien faire. (Il hésita avant d’ajouter sur un ton amer :) Lorsque j’ai parlé à Son Altesse Artémisia, à la porte de ses appartements privés, elle m’avait dit qu’elle était sur le point de s’endormir. Par la suite, je me suis rendu compte qu’elle n’était même pas démaquillée, et je suis retourné la voir, mais il était trop tard. J’endosse la pleine responsabilité de cette erreur de jugement. Dès demain, je demande à Votre Excellence d’accepter ma démission, mais auparavant, j’aimerais savoir si vous m’autorisez toujours à déclencher l’alerte générale. Comme il s’agit de membres de la famille royale, je ne puis rien entreprendre sans votre autorisation.

Hinrik ne répondit pas. Il était à peine capable de se tenir sur ses jambes, et il le fixait d’un regard vide.

— Capitaine ! dit Aratap. Vous feriez mieux de veiller à la santé de votre directeur. Je pense que vous devriez appeler son médecin.

— Et l’alerte générale… ? répéta le capitaine.

— Il n’y aura pas d’alerte générale, trancha Aratap. Vous m’avez compris ? Pas d’alerte générale ! Pas de recherche des fugitifs. L’incident est clos. Vos hommes doivent regagner leur caserne, et vous, vous devez vous occuper de votre directeur. Venez, commandant Andros.

* * *

Dès qu’ils furent un peu éloignés du Palais central, le commandant Tyrannien prit la parole :

— Je suppose, Aratap, que vous savez ce que vous faites. C’est uniquement pour cette raison que je me suis abstenu d’intervenir.

— Merci, commandant Andros.

Aratap aimait l’odeur de la nuit, sur une planète couverte de végétation. Tyrann était plus belle, sans doute, mais d’une beauté terrible, toute de rocs et de montagnes dénudées. Et tout était sec, sec !

— Vous ne savez pas comment manier Hinrik, poursuivit-il. Vous ne réussiriez qu’à le briser. Il nous est utile, et exige d’être traité avec ménagement si nous voulons qu’il le demeure.

— Je ne parlais pas de cela. Pourquoi interdire une alerte générale ? Vous ne voulez donc pas qu’on les retrouve ?

— Et vous, le voulez-vous ? Venez, allons nous asseoir sur ce banc, au bord de la pelouse. C’est si beau, et de plus, personne ne nous épiera. Pourquoi voulez-vous arrêter ce jeune homme, commandant ?

— Pourquoi arrête-t-on les traîtres et les conspirateurs ?

— Pourquoi, en effet, si l’on ne prend que quelques outils en laissant intacte la source du venin ? Qui avons-nous ici ? Un petit nobliau, une jeune fille et un idiot à moitié sénile.

Non loin, on entendait le bruissement d’une petite cascade artificielle. C’était un miracle auquel Aratap ne s’était jamais accoutumé. De l’eau ! Coulant librement, sur les rochers et la terre, sans cesse, et en pure perte. Malgré ses efforts, il ne pouvait s’empêchait de ressentir une certaine indignation devant ce spectacle.

— Pour le moment en tout cas, nous nageons complètement, dit Andros.

— Mais nous avons une piste, dit Aratap. Lors de l’arrivée du jeune homme, nous avions pensé à une complicité avec Hinrik, ce qui nous embêtait, parce que Hinrik… est ce qu’il est. Et maintenant, nous savons qu’Hinrik n’avait rien à voir là-dedans ; seuls sont impliqués sa fille et son cousin, ce qui est infiniment plus logique.

— Pourquoi Hinrik ne nous a-t-il pas appelés plus tôt ? Il a attendu le milieu de la nuit.

— Parce qu’il est le jouet du premier venu. Je suis certain que Gillbret, pour faire preuve de zèle, a lui-même suggéré cette réunion nocturne.

— Vous pensez donc qu’on nous a appelés intentionnellement afin que nous soyons témoins de leur évasion ?

— Non, pas pour cette raison. Réfléchissez un peu, où ont-ils l’intention d’aller ?

Le commandant haussa les épaules.

— Rhodia est grande.

— Sans doute, s’il n’y avait que le jeune Farrill. Mais deux membres de la famille ? On les reconnaîtrait instantanément.

— Il faudrait donc qu’ils quittent la planète ? Oui… évidemment.

— Mais comment ? En un quart d’heure, ils peuvent gagner le terrain du Palais. Comprenez-vous maintenant pourquoi ils tenaient à ce que nous venions ?

Le commandant resta un instant ahuri – puis s’exclama.

— Notre vaisseau ? !

— Evidemment. Un cuirassé Tyrannien, c’est pour eux l’idéal. Autrement, ils n’auraient trouvé que des cargos. Farrill a fait ses études sur Terre, et je suis persuadé qu’il sait piloter.

— Justement ! Pourquoi autorisons-nous ces nobles à envoyer leurs fils aux quatre coins de la Galaxie ? Nous les aidons à former des soldats contre nous.

— En tout état de cause, dit Aratap avec une indifférence polie, Farrill a été éduqué sur Terre ; considérons ce fait objectivement et sans nous fâcher. Il reste que je suis certain qu’ils ont pris notre cuirassé.