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L’arme qu’il tenait au poing était un atomiseur. Ce n’était pas une arme destinée à paralyser ou à faire mal, mais à tuer !

— Depuis des années, continua Jonti, j’organise Lingane contre les Tyranni. Comprenez-vous ce que cela signifie ? C’est une tâche presque impossible. On ne peut attendre aucune aide des Royaumes de l’Intérieur. Les Royaumes Nébulaires ne doivent compter que sur eux-mêmes. Une longue expérience nous l’a appris, mais il n’est pas facile d’en convaincre les chefs planétaires. Votre père a essayé ; il l’a payé de sa vie. Ce n’est pas un jeu de tout repos, croyez-moi.

« La capture de votre père nous a porté un rude coup. De plus, cela prouvait que les Tyranni étaient sur nos traces. Il fallait les mettre sur une fausse piste. C’était tellement vital que nous ne pouvions nous embarrasser d’honneur et d’intégrité.

« Il m’était impossible de vous dire : Farrill, nous devons mettre les Tyranni sur une fausse piste. Etant le fils du Rancher, vous êtes a priori suspect. Prenez contact avec Hinrik, pour détourner les Tyranni de Lingane. Cela sera dangereux, vous y perdrez peut-être la vie, mais l’idéal pour lequel votre père est mort passe en premier.

« Peut-être auriez-vous accepté, d’ailleurs, mais je ne pouvais pas courir le risque d’un refus. J’ai donc manœuvré pour vous amener à le faire. Ce fut dur pour vous, c’est certain. Mais je n’avais pas le choix. Je vous avoue franchement que je ne pensais pas que vous vous en tireriez. Mais il se trouve que vous avez survécu, et j’en suis sincèrement heureux.

« D’autre part, il y avait un certain document…

— Quel document ? demanda Biron.

— Voyons, Farrill, je vous avais dit que votre père travaillait pour moi. Je savais donc tout ce qu’il savait. Il vous avait chargé de lui procurer ce document. Au départ, vous paraissiez tout indiqué pour cette tâche. Vous aviez une raison légitime pour séjourner sur Terre, vous étiez jeune et ne risquiez pas d’attirer les soupçons. J’ai bien dit : vous paraissiez…

« Mais, dès l’instant où votre père a été arrêté, vous deveniez dangereux et suspect en diable. Il ne fallait donc pas que ce document tombe entre vos mains, car il risquait alors de tomber entre les leurs. Pour cela aussi, il fallait vous éloigner de la Terre avant que vous ayez mené votre mission à bien. Comme vous voyez, tout se tient.

— C’est donc vous qui l’avez maintenant ?

— Non, dit l’Autarque. Un document qui est peut-être celui que nous cherchons a disparu de la Terre depuis des années. Nous ignorons qui le possède maintenant. Puis-je remettre cette arme dans ma poche ? Je commence à avoir le poignet fatigué.

— Vous pouvez, dit Biron.

Cela fait, l’Autarque reprit :

— Que vous a dit exactement votre père sur ce document ?

— Rien que vous ne sachiez, puisqu’il travaillait pour vous.

— Très juste ! dit l’Autarque, mais son sourire n’était pas sincère.

— Avez-vous terminé vos explications, maintenant ?

— Oui.

— Dans ce cas, quittez ce vaisseau.

— Un moment, Biron, intervint Gillbret. Votre susceptibilité personnelle n’est pas seule en jeu. Il y a aussi Artémisia et moi, et nous avons notre mot à dire. En ce qui me concerne, je trouve que ce qu’a dit l’Autarque est très sensé. Je vous rappellerai que, sur Rhodia, je vous ai sauvé la vie, et que mon opinion mérite d’être prise en considération.

— D’accord, vous m’avez sauvé la vie ! cria Biron, le bras tendu vers le sas. Eh bien, partez avec lui, alors ! Allez-y ! Vous vouliez voir l’Autarque, le voilà ! J’avais accepté de vous piloter, c’est fait, et je ne vous dois plus rien. Et ne vous avisez pas de me donner des conseils !

Il se tourna vers Artémisia, sa colère pas encore retombée :

— Et vous ? Vous aussi, vous m’avez sauvé la vie. Tout le monde passe son temps à me sauver la vie. Vous voulez l’accompagner aussi sur son vaisseau ?

— Ne vous emportez pas comme cela, Biron. Si je voulais les accompagner, je le dirais.

— Ne vous croyez obligée à rien. Vous pouvez partir si vous le désirez.

Elle se détourna, blessée. Comme d’habitude, la raison de Biron lui disait bien que son comportement était puéril. Seulement Jonti l’avait rendu ridicule devant les autres, et son ressentiment était trop fort. Et d’ailleurs, comment accepter calmement la thèse selon laquelle c’était parfaitement justifié de jeter Biron Farrill aux Tyranni, comme on jette un os à un chien, et cela dans l’unique but de les éloigner de Jonti. Pour qui le prenait-on, à la fin ! Plus il s’apitoyait sur son sort, plus sa colère montait.

— Alors, Farrill ? demanda l’Autarque.

— Alors, Biron ? surenchérit Gillbret.

Biron se tourna vers Artémisia :

— Qu’en pensez-vous ?

— Je pense, répondit-elle avec calme, qu’il a trois vaisseaux, prêts à intervenir et que, de plus, il est Autarque de Lingane. Je pense que vous n’avez pas réellement le choix.

L’Autarque la regarda sans dissimuler son admiration.

— Je vous félicite pour votre intelligence, madame. Il est rare qu’un extérieur aussi plaisant concèle un tel esprit.

Son regard s’attarda sur elle quelques instants de plus qu’il n’eût été nécessaire.

— Qu’avez-vous à nous proposer ? demanda Biron.

— Prêtez-moi vos noms et vos forces, et je vous mènerai jusqu’à la planète que son Excellence Gillbret oth Hinrid a coutume d’appeler le monde rebelle.

— Vous pensez vraiment qu’il existe ? demanda Biron avec aigreur, et simultanément, Gillbret s’exclama.

— C’est donc Lingane !

L’Autarque sourit.

— Oui, je pense qu’il existe, mais ce n’est pas Lingane.

— Ce n’est pas… commença Gillbret.

— Peu importe, puisque je peux le trouver.

— Comment ? demanda Biron.

— C’est moins difficile que vous ne l’imaginez. Si nous croyons le récit de Son Excellence Gillbret oth Hinrid, nous devons admettre qu’il existe un monde en rébellion contre les Tyranni. Nous devons admettre aussi qu’il est situé quelque part dans le secteur de la Nébuleuse et que, depuis vingt ans, les Tyranni ne l’ont pas découvert. Il existe un seul endroit dans le secteur où une telle situation serait possible.

— Lequel ?

— C’est pourtant évident, non ? Un tel monde ne peut exister que dans la Nébuleuse elle-même.

— Dans la Nébuleuse ?

— Par la Galaxie ! s’exclama Gillbret, c’est évident !

— Mais, demanda timidement Artémisia, peut-on vivre sur les mondes qui se trouvent à l’intérieur de la Nébuleuse ?

— Pourquoi pas ? dit l’Autarque. La Nébuleuse est composée d’une épaisse brume spatiale, mais elle ne contient pas de gaz toxiques. Elle est formée d’atomes de sodium, de potassium et de calcium qui absorbent et cachent la lumière des étoiles, mais à part cela, elle est parfaitement inoffensive et, dans le voisinage immédiat d’une étoile, absolument indétectable. Excusez-moi si j’ai l’air de vous faire un cours, mais j’ai passé le dernier mois de mon séjour sur Terre à rassembler des données astronomiques sur la Nébuleuse.

— Pourquoi étiez-vous sur Terre, d’ailleurs ? demanda Biron. Non pas que cela ait une grande importance, mais je suis curieux, voilà tout.

— Cela n’a rien de mystérieux. J’avais quitté Lingane pour des affaires personnelles, dont la nature importe peu. Il y a environ six mois, je me trouvais à Rhodia. Mon agent Widemos – votre père, Biron – avait échoué dans ses négociations avec le directeur qu’il espérait attirer dans notre camp. J’ai tenté d’arranger les choses, mais ce fut en vain, car Hinrik – sans vouloir vous blesser, madame – n’est-ce pas le type d’homme que nous cherchons.