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— Biron ! Biron !

Biron se leva d’un bond, plié en deux, les poings serrés.

— Qui est-ce ? qu’y a-t-il ?

Gillbret se mit lestement hors d’atteinte.

— Allons, Biron, du calme. Cette fois, nous avons décroché une F-2 !

Biron comprit enfin ce dont il retournait.

— Ne me réveillez jamais de cette façon, Gil. Une F-2, dites-vous ? Vous parlez de la nouvelle étoile, je suppose ?

— Mais certainement. Je dois dire qu’elle me paraît fort amusante.

Environ 95 % des planètes habitables de la Galaxie dépendent d’une étoile de type spectral F ou G : diamètre de un à deux millions de kilomètres, température de surface de cinq à dix mille degrés centigrades. Le soleil de la Terre est un G-0, celui de Rhodia, un F-8, de Lingane un G-2, de même que celui de Néphélos. F-2, c’était un petit peu chaud, mais pas tellement.

Les trois premières étoiles qu’ils avaient explorées étaient du type K, plutôt petites et rougeâtres. Même s’il y avait eu des planètes, elles n’auraient sûrement pas été hospitalières.

Mais cette bonne étoile promettait d’être leur bonne étoile ! Dès le premier jour, les photos révélèrent cinq planètes, la plus proche se trouvant à deux cent cinquante millions de kilomètres de l’étoile.

Tedor Rizzett tint à leur annoncer la nouvelle en personne. Il venait sur le Sans Remords aussi souvent que l’Autarque, amenant avec lui sa franchise joviale et semant la bonne humeur. Cette fois, il arriva tout haletant après le long parcours sur le filin reliant les deux vaisseaux.

— Je me demande comment fait l’Autarque ! On dirait que pour lui c’est un jeu d’enfant. Sans doute parce qu’il est plus jeune. (Sans transition, il annonça :) Cinq planètes !

— Autour de cette étoile ? demanda Gillbret. C’est certain ?

— Absolument. Mais quatre sont du type J, malheureusement.

— Et la cinquième ?

— La cinquième est peut-être valable. Il y a de l’oxygène dans l’atmosphère, en tout cas.

Gillbret poussa un hourra triomphal, mais Biron se contenta de faire remarquer :

— Quatre du type J ? Bah, une nous suffit, en tout cas.

En fait, c’était une distribution tout à fait normale. La grande majorité des planètes de quelque importance a une atmosphère hydrogénée. Après tout, les étoiles sont en majeure partie composées d’hydrogène. Les planètes du type J ont des atmosphères de méthane et d’ammonium, avec une quantité non négligeable d’hélium et aussi de l’hydrogène à l’état moléculaire. Ces atmosphères sont en général extrêmement denses, et les planètes elles-mêmes ont presque toujours un diamètre minimum de cinquante mille kilomètres, et une température moyenne dépassant rarement cinquante degrés au-dessous de zéro. Bref, elles sont parfaitement inhabitables.

Sur Terre, on lui avait appris que l’on avait classé ces planètes dans la catégorie « J » à cause de Jupiter, une planète du système solaire qui était un exemple parfait du type. Certainement, les planètes du type « E » tenaient leur nom de « Earth », Terre. Généralement assez petites, leur faible gravité ne pouvait retenir l’hydrogène ou les autres gaz légers, d’autant plus qu’elles se trouvaient d’habitude assez près du soleil, et avaient donc une température plus élevée. Leurs atmosphères légères contenaient en général de l’oxygène et de l’azote, avec parfois une certaine quantité de chlore, ce qui les rendait alors inhabitables.

— Ils ont pu examiner l’atmosphère à fond ? demanda Biron. Il y a du chlore ?

Rizzett haussa les épaules.

— D’ici, nous ne pouvons analyser que les couches supérieures. S’il y a du chlore, il se trouvera concentré à faible altitude. Il faut attendre.

Il posa fraternellement sa large main sur l’épaule de Biron.

— Allons, ne vous découragez pas, mon vieux. Si vous m’invitiez plutôt à prendre un verre dans votre cabine ?

Gillbret les regarda s’éloigner avec une certaine inquiétude. Avec l’Autarque faisant la cour à Artémisia, et son bras droit devenant le joyeux compagnon de Biron, le Sans Remords devenait un peu trop Linganien à son goût. Il se demanda une fois de plus si Biron savait ce qu’il faisait, puis ses pensées se tournèrent vers la nouvelle planète.

* * *

Lors de l’entrée dans l’atmosphère, Artémisia était dans la cabine de pilotage. Elle arborait un petit sourire et semblait fort satisfaite. De temps en temps, Biron lançait un regard dans sa direction. Il lui avait dit « Bonjour, Artémisia » lorsqu’elle était entrée (cela ne lui arrivait presque jamais, et il avait été pris par surprise), mais elle ne lui avait pas répondu.

Elle avait simplement demandé, d’une voix joyeuse :

— Oh, oncle Gil ! Est-ce vrai que nous allons nous poser ?

Gil s’était frotté les mains de contentement :

— Il semble bien, ma chérie. Dans quelques heures, nous marcherons peut-être sur le sol de cette planète ! Amusant, non ?

— J’espère que c’est bien celle que nous cherchons. Autrement, ce sera nettement moins amusant.

— Il reste encore une étoile, dit Gil, mais son expression devint soucieuse.

Alors, Artémisia se tourna vers Biron et dit avec froideur :

— Vous m’avez parlé, monsieur Farrill ?

Biron, de nouveau pris par surprise, sursauta :

— Non, pas vraiment.

— Ah bon, excusez-moi. Je croyais.

Elle passa si près de lui que sa robe le frôla et que son parfum l’enveloppa. Il serra les mâchoires.

Rizzett était toujours là. Un des avantages de la remorque était qu’ils pouvaient loger un invité.

— Voilà, ils viennent de nous donner une analyse détaillée de l’atmosphère. Il y a beaucoup d’oxygène, presque 30 %, de l’azote et des gaz inertes. C’est parfaitement normal. Aucune trace de chlore. (Il s’interrompit un moment, puis fit :) Hum…

— Qu’y a-t-il ? demanda Gillbret.

— Pas d’anhydride carbonique. C’est mauvais signe.

— Pourquoi ? demanda Artémisia, penchée au-dessus de l’écran, où elle regardait la lointaine surface de la planète défiler à trois mille kilomètres à l’heure.

— Pas d’anhydride carbonique, pas de vie végétale, dit Biron laconiquement.

— Vraiment ?

Elle le regarda avec un chaud sourire. Involontairement, Biron lui retourna son sourire, mais sans que rien d’apparent ne change dans son expression, elle sourit à travers lui, sans le regarder, comme si elle niait son existence. Il se retrouva seul, avec son sourire stupide. Lentement, il le laissa s’évanouir.

Il valait mieux qu’il la voie le moins souvent possible. Dès qu’elle était là, sa volonté devenait impuissante à anesthésier sa souffrance.

* * *

Gillbret était lugubre. Dans les couches inférieures de l’atmosphère, le Sans Remords, avec sa remorque d’un aérodynamisme douteux, devenait difficilement maniable. Biron se battait farouchement avec les commandes récalcitrantes.

— Allons, Gil, courage !

Il était lui-même plutôt sombre, d’ailleurs. Leurs appels radio étaient restés sans réponse, et si ce n’était pas le monde rebelle, il n’y avait pas de raison de tarder davantage. Il s’était fixé une ligne d’action !

— Ça ne ressemble guère au monde rebelle de mon souvenir, dit Gillbret. C’est rocailleux, mort, il y a très peu d’eau… (Il se retourna sur son siège.) Ont-ils de nouveau cherché du gaz carbonique, Rizzett ?