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Je m’arrache à ma verraille. Ça me picote de partout. Je dois en avoir jusque dans la raie culière. Votre commissaire idolâtré se met en marche, du pas enlisé et mécanique de Frankenstein. Le verre en poudre me dégouline des fringues.

En avant !

Au-dehors, déjà, glapissent des sirènes. La police, les pompelards, les ambulances ! Il en rabat de toute part.

Mon petit doigt me chuchote que le parti national-socialiste anglais va en prendre un sérieux coup dans l’aile !

J’ai beau errer entre les rayons du rez-de-chaussée, je ne trouve toujours pas de Bérurier. Serait-il parvenu à s’enfuir, ou bien les gestapistes lancés après lui sont-ils parvenus à le kidnapper ?

— Hep, vous ! Les mains en l’air, je vous prie !

C’est un bobby qui m’interpelle. Les poulets anglais se montrent polis en toute circonstance.

Je lève les mains.

— Mais par le Dieu tout-puissant je rêve ! lance une voix !

Qui vient d’apparaître derrière le flic en uniforme ? Le chef-inspector Dorénavan en personne.

— Sans charre, my friend, pouffé-je, c’est vous qui êtes de garde cette nuit, au Yard ?

— Non, je passais dans le quartier…

Est-ce que je me trompe, mais il est tout sourire, Dorénavan. Plus du tout le zig ravagé qui m’a rendu visite l’autre jour dans ma cellote. Je comprends l’origine de cette transformation en découvrant une chouette brunette accrochée à son bras. Parvenu aux limites de la neurasthénie, il a essayé la seule thérapeutique qui s’imposait, et il semble que cela lui ait réussi parfaitement.

Je lui relate alors, de manière circonstanciée, les événements de la nuit, en passant sous silence le rôle joué par Molly Rex. Entre nous, cette greluse, je me la réserve pour la bonne bouche. Une question me turlupine en dehors de la disparition de Béru ! le fameux grand secret qui met en transes tous ces déplafonnés de la croix gammée.

À la fin de mes explications, je pilote Dorénavan au quatrième. Mais déjà la police a investi l’étage et cerné les dignitaires nazis.

— Voici mon ex-juge, très cher, fais-je au chief-inspector, ainsi que la veuve Frottfor F-E Relhuyr, l’un et l’autre en grand uniforme. Me considérez-vous toujours comme un ramolli du bulbe promis aux psychiatres ?

Dorénavant me flatte l’épaule d’une main réchauffée par l’amour.

— Dix mille excuses, cher San-Antonio. Vous savez, je pensais beaucoup à vous ces derniers jours, et je me promettais de…

Je lui désigne la timide, mais ravissante personne qui continue de le suivre docilement.

— Espèce de sale menteur, avec un petit sujet comme celui-ci, vous ne deviez plus penser à grand-chose !

Il se marre comme une apple-pie entamée.

Je n’ai pas le cœur de l’imiter. Je voudrais Béru, moi ! Mon Béru !

Qu’en ont-ils fait, ces sagouins !

On a beau les questionner, leurs réponses sont unanimes : Béru leur a glissé des mains.

De guerre lasse, je quitte les grands magasins Masturb’s, car c’est d’eux qu’il s’agissait, et l’enquête devait démonter postérieurement que leur P.D.G., un certain Henry Eight dirigeait la section londonienne des nazis britanoches.

Le jour se lève sur la capitale anglaise, gris et poisseux. Les loupiotes des lampadaires pâlissent. La rue a presque repris sa physionomie normale. Il ne reste que deux employés de la voierie occupés à balayer les débris de verre sur la chaussée. Je longe la vaste bâtisse, ravagé par l’absence du Gros. Faut que je me dégauchisse un bahut. À cette heure ça représente une royale performance.

Mais que se passe-t-il ? Là-bas, devant l’entrée principale des grands magasins, à nouveau la foule. Elle se coagule, se triture. Cinquante personnes, puis soixante-trois, puis quatre-vingt-quatre et demie (il y a un cul-de-jatte matinal dans le Lot-et-Garonne) sont sur le point de se chicorner pour voir quelque chose.

Mon instinct me virgule un cigare allumé dans le prosibus. San-A. bondit, le cœur tortillé par un pressentiment.

Je me coule dans la mêlée, jouant des pieds et des coudes, malmenant tout un chacun pour pouvoir accéder au premier rang d’orchestre.

Et que découvré-je alors ?

Attendez : d’abord vous situer le décor. En ce moment, chez Masturb’s ils font une campagne publicitaire pour leur sanitaire. À l’intérieur de la grande porte tambour, la noye ils placent un petit complexe représentant une salle d’eau.

Assis, dos à nous, sur la cuvette des cagoinces, le futal tombé, la limouille haut-remontée, Béru souscrit à des exigences intestinales, sans se gaffer qu’il est en vitrine, le Gueux ! Isolé par les épaisses portes vitrées, il ne perçoit pas le grand murmure de la populace en délire. Nous le regardons, mourant de rire, se débloquer la boyasse, puis cueillir un paquet de faf-à-train plus épais que l’annuaire des téléphones pour se torchonner le baignouzoff, longuement, feuille après feuille.

L’opération accomplie, le Mastar veut actionner la chasse d’eau, mais, naturellement aucune trombe ne vient balayer ses détritus, vu que le sanitaire n’est là que pour la montre.

Irrité, il se retourne afin de filer des coups de poing déclencheurs de cataractes dans la chasse d’eau récalcitrante.

Ce n’est qu’à sa troisième tentative qu’il décèle un mouvement ondulatoire vers le fond de sa salle de bain illusoire. Lui qui avait pris, dans l’obscurité, la vitrine pour une glace, il demeure abruti de surprise, son gros bide poilu pointé dans notre direction.

Enfin il réalise l’incongru de sa position. Son premier réflexe n’est pas de pudeur, mais de rogne. Flamberge au ventre, il se rue dans notre direction, réussit un pas, culbute à cause de son bénard baissé et s’écroule dans une grande apothéose de faïence concassée.

Bravo, Béru !

C’est mieux que le cinéma muet. Décidément, tu te surpasses.

CHAPITRE XVI

QUATRE PAS DANS LE PASSÉ

Dans le taxi qui nous trimbale à Chelsea, le Gravos se met à jour d’explicances.

— J’ai z’eu un fion terrible, Mec, lors de ma sortie intrépide…

— Raconte…

— Pendant qu’ils défouraillaient à outrance sur mon mannequin à roulettes, mécolle j’ai renversé un comptoir plein de mignons pingouins marcheurs. Ces gentils petits loufiats se sont mis à vadrouiller dans les travées, si bien que les gestapistes ont effacé un gros moment d’indécision. Ça trottinait de partout dans mon coin de magasin. Pendant ce temps, l’Alexandre-Benoît gerbait en direction d’un grand présentoir où qu’y avait un avion de tourisme en devantrine. Un petit zinc jaune, tu l’as pas aperçu ?

— Tu sais, j’ai pas eu l’opportunité[31] de musarder à tous les rayons.

— Ce zoziau, continue le Mastar, était partiellement caché par un décor de contre-plaqué représentant un arrêt au drome. Ça m’a donné le temps de grimper dans le coucou sans être retapissé. Au passage j’ai chouravé le bonnet d’aviateur d’un mannequin placé dans le décor. Je m’en ai chaussé la tête et je suis resté immobile sur le siège du pilote, avec un grand sourire glandu, comme si je préconiserais à outrance les joies de la crobatie aryenne. Ces tordus draguaient avec tellement de fureur qu’ils sont passés devant l’avion sans me voir… Ensuite, poursuit-il, j’ai entendu ton chprouf, là-haut, et je m’ai dit qu’il restait plus qu’à attendre. Alors je m’ai glissé dans le fond de la carlingue et je m’ai endormi vu que j’étais drôlement vanné.

Il ajoute :

— C’est un peu d’embarras castriste qui m’a réveillé, vu que, soit dit entre nous, j’accommode mal la bouffe anglaise. Le reste, tu la connais ?

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31

Vachement marqué par la forme anglaise, maintenant, le San-A. !