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Un vieux grison d’homme avec deux mains.

Cette nuit-là, il se battit avec ser Ilyn trois heures d’affilée. Ce fut l’une de ses meilleures séances. S’ils s’étaient affrontés pour de vrai, Payne l’aurait tué seulement deux fois. La règle générale avoisinait plutôt la demi-douzaine de morts, et il arrivait que le score fût encore pire. « Si je persévère dans ce sens encore un an, je devrais être aussi habile que Becq », déclara Jaime, et ser Ilyn fit entendre ce son cliquetant qui signifiait qu’il trouvait un truc rigolo. « Venez, allons nous offrir une pinte supplémentaire du bon vin rouge de lord Hoster. »

Le vin faisait désormais partie de leur rituel nocturne. Ser Ilyn représentait le compagnon de beuverie idéal. Il ne vous interrompait jamais, n’exprimait jamais de désaccord, ne se plaignait jamais, ne quémandait jamais de faveur, ne vous assommait jamais d’interminables histoires à la gomme. Il ne faisait jamais rien d’autre que boire et vous écouter.

« Je devrais faire ôter leur langue à tous mes amis, commenta Jaime tout en remplissant leurs coupes, ainsi qu’à ma parenté, par la même occasion. Une Cersei silencieuse serait un délice. Encore que sa langue me manquerait quand nous nous embrasserions. » Il avala une gorgée. Le vin était un de ces rouges sombres, forts et gouleyants. Il vous réchauffait la descente. « Je n’arrive pas à me rappeler quand nous avons commencé à nous embrasser. C’était innocent au début. Et puis ç’a cessé de l’être. » Il termina son vin et reposa sa coupe « Tyrion m’a dit une fois que la plupart des putains ne voulaient pas vous embrasser. Elles vous baiseront à mort, disait-il, mais vous ne sentirez jamais leurs lèvres sur les vôtres. Vous croyez que ma sœur embrasse Potaunoir ? »

Ser Ilyn ne répondit pas.

« Je pense qu’il ne serait pas correct à moi de tuer mon propre frère juré. Ce qu’il me faut faire, c’est le châtrer puis l’expédier sur le Mur. C’est le sort qui fut réservé à Lucamore le Dépravé. Ser Osmund risque de ne pas très bien prendre sa castration, assurément. Et il faut aussi tenir compte de ses frères. Ça peut être dangereux, des frères. Après qu’Aegon l’Indigne eut fait mettre à mort ser Terrence Tignac pour le châtier d’avoir couché avec sa maîtresse, les frères de Tignac firent de leur mieux pour zigouiller le roi. Leur mieux ne fut pas d’une efficacité tout à fait suffisante, par la faute du Chevalier-dragon, mais ce ne fut toujours pas faute, eux, de s’y être essayés. C’est inscrit dans le Blanc Livre. Dans tous les détails, excepté quoi faire de Cersei. »

Ser Ilyn se passa un doigt en travers de la gorge.

« Non, rétorqua Jaime. Tommen a déjà perdu un frère, ainsi que l’homme qu’il considérait comme son père. S’il advenait que je lui tue sa mère, il m’en détesterait de tout son cœur.. Et cette exquise petite épouse qu’il a ne manquerait pas d’inventer un moyen pour détourner cette haine au profit de Hautjardin. »

Ser Ilyn sourit d’une manière que Jaime ne trouva nullement à son gré. Un vilain sourire. Une vilaine âme. « Vous parlez trop », le prévint-il.

Le jour suivant, ser Dermot de Bois-la-Pluie revint au château les mains vides. Interrogé sur ce qu’il avait découvert, il répondit : « Des loups. Des centaines de ces putains de gueux faméliques. » Il avait perdu dans l’affaire deux sentinelles. Les loups étaient brusquement sortis des ténèbres pour les massacrer. « Des types armés, vêtus de mailles et de cuir bouilli, et pourtant les bêtes n’en avaient pas peur du tout. Avant de mourir, Jate a dit que la meute était conduite par une louve d’une taille monstrueuse. Un loup-garou, à en croire son récit Les loups se sont aussi attaqués à nos piquets de chevaux. Les maudits salopards m’ont égorgé mon alezan préféré.

— Un cercle de feux tout autour de votre camp aurait pu les tenir à distance », dit Jaime, tout perplexe qu’il était par-devers lui. Etait-il possible que le loup-garou de ser Dermot fût le même fauve qui avait agressé Joffrey non loin du carrefour ?

Loups ou pas, ser Dermot emmena des montures fraîches et davantage d’hommes lorsqu’il ressortit le matin suivant pour se remettre à la recherche de Brynden Tully. Au cours de l’après-midi, les seigneurs du Trident vinrent trouver Jaime pour lui demander l’autorisation de retourner dans leurs domaines personnels. Il la leur accorda. Lord Piper désirait aussi savoir à quoi s’en tenir à propos de son fils Marq. « On versera une rançon pour tous les prisonniers », promit Jaime Tandis que ses pairs riverains se retiraient, lord Karyl Vance s’attarda pour dire : « Lord Jaime, il faut que vous alliez à Cormeilles. Aussi longtemps qu’il a Jonos à ses portes, Tytos ne se rendra jamais, mais je sais qu’il ploiera le genou devant vous. » Jaime le remercia pour son conseil.

Le Sanglier fut le suivant à s’en aller. Il voulait retourner à Darry conformément à sa promesse et y combattre les hors-la-loi. « Nous avons traversé la moitié de ce putain de royaume, et pour quoi ? Pour te permettre de contraindre Edmure Tully à compisser ses chausses ? Il n’y a pas là-dedans de quoi faire une chanson. J’ai besoin de me battre. Je veux le Limier, Jaime. Lui, ou le seigneur des Marches.

— La tête du Limier, je te l’abandonne, si tu es capable de l’attraper, dit Jaime, mais Béric Dondarrion doit être capturé vivant, de manière à ce qu’on puisse le ramener à Port-Réal. Il est absolument nécessaire que mille personnes le voient périr, sans quoi il ne restera pas mort. » La remarque fit grogner le Sanglier, mais il en tomba finalement d’accord. Le lendemain, il partit avec son écuyer et ses hommes d’armes, plus Jon Bettley l’Imberbe, qui avait finalement jugé plus à son gré de pourchasser des hors-la-loi que d’aller retrouver sa fameuse mocheté d’épouse. Elle passait en effet pour être pourvue de la barbe dont il était personnellement démuni.

Jaime avait encore à régler le cas de la garnison. Comme un seul homme, tous jurèrent ne rien savoir des projets de ser Brynden ni de l’endroit où il pouvait être allé. « Ils mentent », affirma mordicus Emmon Frey, mais Jaime pensait le contraire. « Si vous ne faites part de vos plans à personne, personne ne peut vous trahir », souligna-t-il. Lady Genna suggéra qu’on pourrait toujours en soumettre quelques-uns à la question. Il s’y opposa. « J’ai donné ma parole à Edmure que, s’il se rendait, la garnison serait libre de partir sans dommage.

— C’était chevaleresque à toi, objecta sa tante, mais c’est de rigueur qu’on a besoin ici, pas de chevalerie. »

Questionnez Edmure sur l’ampleur de mon esprit chevaleresque, songea Jaime. Questionnez-le sur certain trébuchet. Il n’était pas spécialement persuadé que les mestres risquaient beaucoup de le confondre avec le prince Aemon Chevalier-dragon quand ils se mettraient à rédiger leurs chroniques. Et cependant, il se sentait curieusement content. La guerre était autant dire gagnée. Peyredragon était tombé, Accalmie tomberait bientôt, cela ne faisait aucun doute à ses yeux, et grand bien fasse à Stannis la bienvenue du Mur : les Nordiens ne l’aimeraient pas plus que ne l’avaient aimé les seigneurs de l’Orage ; et si Roose Bolton ne l’anéantissait pas, l’hiver se chargerait de le faire, lui.

Au surplus, il avait joué son propre rôle, ici, à Vivesaigues, sans reprendre en fait un seul instant les armes contre les Stark ou les Tully. Une fois qu’il aurait retrouvé le Silure, il serait libre de retourner à Port-Réal occuper ce qui était sa place. Elle est avec mon roi. Avec mon fils. Tommen aurait-il envie de savoir cela ? La vérité pourrait lui coûter son trône. Que préférerais-tu avoir, mon gars, un père ou un fauteuil ? Jaime aurait bien désiré connaître la réponse. Il se plaît à tamponner des paperasses avec son sceau. Le petit risquerait de ne même pas le croire, à coup sûr. Cersei affirmerait que c’était un mensonge. Ma chère sœur, cette trompeuse. Il faudrait qu’il trouve un moyen de le lui arracher des griffes avant qu’elle n’en fasse un second Joffrey. Et tant qu’il y serait, il faudrait aussi qu’il le dote d’un nouveau Conseil restreint. S’il est possible d’écarter Cersei, ser Kevan acceptera peut-être de servir de Main à Tommen. Et, dans le cas contraire, les Sept Couronnes ne manquaient pas d’hommes capables. Ce serait un bon choix, tiens, que Forley Prestre, ou bien que Roland Crakehall. Et s’il fallait absolument quelqu’un d’autre qu’un homme de l’Ouest pour apaiser les Tyrell, il y avait toujours Mathis Rowan… ou même Petyr Baelish. Littlefinger était aussi spirituel qu’intelligent, mais il était de trop basse naissance pour incarner une menace au regard de n’importe lequel des grands seigneurs, faute d’épées qui lui appartiennent en propre. L’idéal de la Main.