Выбрать главу

— C’est peut-être notre ultrabande qui ne fonctionne pas.

Il leva la tête vers Flenser d’un air implorant. Il y avait également des larmes dans les yeux des chiots.

— Tyrathect, s’il vous plaît, vous ne pourriez pas demander encore à Acier de nous laisser rester dans le vaisseau ? Il y a peut-être eu des messages qui n’ont pas été enregistrés.

« Flenser avec Acier » descendit l’escalier nord et traversa la cour d’honneur. Il consacra un fragment d’attention aux récriminations de l’autre sur l’entretien insuffisant des stands d’entraînement. Il avait au moins l’intelligence de laisser les potences disciplinaires là-bas dans l’île Cachée.

« Flenser avec les éclaireurs de Rangolith » traversa un torrent de montagne avec de l’eau jusqu’aux mollets. Même au cœur de l’été, en plein vent sec, il y avait encore des plaques de neige, et les cours d’eau qui passaient en dessous étaient glacés.

« Flenser avec Amdijefri » se pencha en avant tandis que deux membres d’Amdi se pelotonnaient contre lui. Les deux enfants recherchaient le contact physique, et ils n’avaient que lui en dehors d’eux-mêmes. C’était de la perversion, naturellement. Mais le Dépeceur avait passé sa vie à tirer parti des faiblesses des autres et il les tolérait volontiers, à l’exception de la douleur. Flenser émit un grondement profond à hauteur de ses omoplates et caressa le chiot contre lui en disant :

— J’en toucherai un mot à messire Acier la prochaine fois que je le verrai.

— Oh, merci !

Le chiot frotta son museau contre le manteau noir, puis eut la bonne idée de s’écarter. Flenser était couvert d’ecchymoses sous son vêtement-radio. Peut-être Amdi s’était-il aperçu de son inconfort, ou peut-être… De plus en plus, il les voyait réticents à son égard. Ce qu’il avait dit à Acier était vrai. Les deux enfants ne lui faisaient pas confiance. Mais c’était la faute de Tyrathect, ce n’était pas la sienne. Tout seul, il aurait aisément gagné l’affection d’Amdijefri. Il n’avait pas le penchant pour tuer ni la dignité fragile d’Acier. Il pouvait bavarder pour le plaisir, en mêlant continuellement la vérité au mensonge. L’un de ses plus grands talents était l’empathie. Nul sadique ne peut aspirer à la perfection sans cette capacité de discernement. Mais juste au moment où tout marchait à la perfection et où ils semblaient sur le point de s’ouvrir à lui, Ty, Ra ou Thect surgissaient, déformant ses traits ou détournant le choix de ses mots. Peut-être aurait-il dû se contenter de saper discrètement le respect que les enfants éprouvaient pour Acier (sans jamais le critiquer ouvertement, bien sûr). Il soupira et donna quelques tapes rassurantes à Jefri sur le bras.

— Ravna reviendra, j’en suis certain.

Le jeune humain renifla légèrement, puis avança la main pour caresser la partie de la tête de Flenser qui n’était pas couverte par le manteau. Ils restèrent assis en silence, comme deux camarades, durant un bon moment, puis l’attention de Flenser se reporta sur…

la forêt et les troupes de Rangolith. Le détachement escaladait la colline depuis près de dix minutes. Les autres n’étaient pas très chargés et avaient l’habitude de ce genre d’exercice. Les deux membres de Flenser traînaient en arrière. Il siffla pour attirer l’attention du chef d’escouade. Celui-ci ralentit le pas afin de se laisser rattraper tandis que les autres s’empressaient de s’écarter. Il s’arrêta lorsque son membre le plus proche fut à cinq mètres de Flenser.

— Que désirez-vous…, Monseigneur ?

C’était un nouveau. Il avait été mis au courant, en ce qui concernait les manteaux, mais Flenser savait qu’il ne comprenait pas les nouvelles règles. L’or et l’argent qui brillaient sur le fond noir des manteaux étaient l’apanage des Seigneurs du Domaine. Cependant, il n’y avait ici que deux membres de Flenser. Normalement, de tels fragments étaient à peine capables de soutenir une conversation, et encore moins de donner des ordres raisonnables. Tout aussi déconcertante était l’absence de bruit mental. « Un zombie. » C’était ce que les éclaireurs se disaient quand ils se croyaient seuls.

Flenser désigna le sommet de la colline. La crête boisée n’était qu’à quelques dizaines de mètres de là.

— Le Grand-éclaireur Rangolith est juste de l’autre côté. Nous prendrons un raccourci, dit-il d’une voix faible.

Une partie de l’autre avait déjà levé la tête vers le sommet.

— Ce serait une erreur, murmura-t-il lentement. (Stupide duo débile, disait toute son attitude.) L’ennemi va nous voir.

Flenser lui jeta un regard noir, ce qui n’était pas facile à deux contre toute une meute.

— Soldat, vous voyez cet or à mes épaulettes ? Un seul de moi vaut la totalité d’entre vous. Si je dis qu’il faut prendre un raccourci, nous le prendrons, même si cela signifie que nous devrons ramper dans le soufre jusqu’aux épaules.

En réalité, il savait exactement où Vendacious avait posté ses guetteurs. Il n’y avait aucun risque à marcher en terrain découvert dans ce secteur. Et il était réellement fatigué.

Le chef d’escouade ne savait pas vraiment à qui il avait affaire, mais il voyait bien que les manteaux noirs étaient au moins aussi dangereux que n’importe quel seigneur au complet de sa meute. Il recula humblement, ventres à terre. Le groupe se tourna vers la crête. Quelques minutes plus tard, ils marchaient dans la bruyère à découvert.

Le poste de commandement de Rangolith était à moins d’un kilomètre sur le sentier.

« Flenser avec Acier » pénétra dans la forteresse intérieure. Les pierres étaient fraîchement taillées, et les murs avaient été montés avec la hâte coutumière à ce genre de construction militaire. À dix mètres au-dessus de leurs têtes, à la jonction de la voûte et des arcs-boutants, il y avait des trous pratiqués dans la pierre. Bientôt, ils allaient être remplis de poudre noire, de même que les fentes des murs qui entouraient le terrain d’atterrissage. Acier appelait cela : « Les mâchoires de l’Accueil ». Il se tourna vers Flenser pour demander :

— Alors, que dit Rangolith ?

— Désolé, mais il est en patrouille. Il devrait être ici – ou plutôt là-bas – d’un moment à l’autre.

Flenser faisait son possible pour éviter de parler de ses expéditions avec les éclaireurs. De telles reconnaissances n’étaient pas interdites, mais Acier lui aurait demandé des explications s’il avait été au courant.

« Flenser avec les éclaireurs de Rangolith » pataugeait dans la bruyère imbibée d’eau. L’air était agréablement frais au-dessus des plaques de neige fondue et la brise glissait ses langues de glace sous les lourds manteaux noirs.

Rangolith avait bien choisi l’emplacement de son poste de commandement. Les tentes étaient plantées dans un léger creux au bord d’un petit lac d’été. Cent mètres plus loin, une énorme calotte de neige couvrait le haut de la colline, alimentant le lac et maintenant l’air à une température agréablement basse. Les tentes n’étaient visibles que lorsqu’on arrivait sur les hauteurs. Pourtant, le site était assez élevé pour que la vue, au bord de la dépression, domine trois points cardinaux centrés au sud. Les réapprovisionnements pouvaient se faire par le nord, avec peu de risques de détection. Même si ces fichus incendies d’été ravageaient la forêt en contrebas, le poste ne serait pas touché.

Le Grand-éclaireur Rangolith tournait autour de ses miroirs de signalisation, huilant les mécanismes d’orientation tandis que l’un de ses subordonnés, couché à plat ventre avec juste ses museaux qui dépassaient de la crête, scrutait les alentours avec ses lunettes. Rangolith se mit au garde-à-vous à la vue de Flenser, mais son regard ne dénotait ni la servilité ni la peur. Comme la plupart des éclaireurs longue distance, il ne se laissait pas impressionner par la politique des seigneurs, sans compter que Flenser avait pris soin d’établir avec lui une relation privilégiée du type : « toi et moi contre tous ces tordus ».