Выбрать главу

- Vous pensez un peu à ce que vous dites? gronda Pitou qui sentait la moutarde lui monter au nez.

- Bien sûr que j'y pense ! Il faut que Mlle Anne-Laure sache que si elle veut absolument entrer dans la maison et voir sa mère, elle a une grande chance de ne plus vivre bien longtemps.

- Mais enfin... pourquoi? fit Laura, saisie d'un soudain et terrible pressentiment. Qui ma mère a-t-elle épousé?

- Ben... votre veuf... M. le marquis, lâcha enfin Bina.

Oubliant la République, Pitou jura par tous les saints, mais Laura s'était levée. Les yeux agrandis de stupeur horrifiée, elle fixait la jeune fille qui se tortillait mal à l'aise :

- Tu veux répéter cela! Elle a épousé qui?... Pour toute réponse, Bina baissa la tête, n'osant plus affronter ce noir regard sulfureux. Alors, sans ajouter un mot, Laura s'enfuit de l'auberge en courant. Jetant vivement un billet sur la table, Pitou s'élança derrière elle...

Saint Mandé, septembre 1999.

NOTE DE L'AUTEUR

Comme pour Secret d'État le héros de ce roman est un personnage réel, appartenant à l'Histoire mais peu ou mal connu, sinon pas du tout en dépit du rôle important qu'il a joué. Je lui ai seulement prêté un léger supplément d'aventures - mais on ne prête qu'aux riches ! - en introduisant auprès de lui le personnage féminin né de mon imagination.

La Révolution, tout le monde sait à quoi s'en tenir. Mais ce que l'on connaît moins c'est, en marge de toutes les autres (guerre étrangère, guerre de Vendée, Chouannerie), la lutte secrète, larvée mais impitoyable, qui a opposé les agents secrets royalistes entre eux. J'entends par là les partisans du roi Louis XVI et du petit Louis XVII contre ceux des Princes leurs frères et oncles. Ce livre est un hommage au chef le plus important des premiers, le plus mystérieux et le plus attachant aussi : Jean, baron de Batz dont je suis la trace depuis longtemps. Gascon, il appartenait à la même souche familiale que d'Artagnan et, comme lui, il n'eut jamais qu'un seul maître : le Roi, auquel il vouait respect et affection. Comme lui il maniait en maître l'épée ou le pistolet, mais contre la Convention qu'il voulait abattre il sut employer une arme vieille comme le monde et cependant beaucoup plus moderne : la corruption.

C'est aussi un hommage à un souverain qu'il est de bon ton de dénigrer voire de tourner en ridicule comme le faisaient les courtisans de Trianon. Il fut l'un des plus humains de nos rois. Homme de science - il était peut-être le meilleur géographe de son royaume et pas seulement un serrurier amateur ! -, Louis XVI n'était sans doute pas fait pour porter la Couronne mais, plutôt que de verser le sang de son peuple, il choisit de changer la sienne pour celle du martyre. De mours pures, exempt de vices comme de favorites, profondément chrétien, il eut le tort de trop aimer sa femme. Il abolit la torture, voulut remplacer la Bastille par un jardin, aida une vieille colonie anglaise à devenir les États-Unis et paya les factures en souffrance de Louis XV et même de Louis XIV. La grandeur de sa mort - il faut avoir lu son testament - aurait dû lui valoir une petite place aux côtés de Saint Louis, un début d'auréole... Lui, au moins, n'alluma jamais de bûchers! Mais l'Église a de ces absences...