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— Bien sûr. Un de nos membres travaille au département de l’Immigration. Il a accès aux archives. Certains nazis ont obtenu la nationalité américaine et vivent ici, ce sont des résidents légitimes. D’autres membres sont au département du procureur général, en Allemagne et en Pologne. Ils ont accès à des fichiers qui proviennent des archives du NKVD. Nous avons les documents et les preuves suffisantes.

Nathan laissa son enthousiasme s’exprimer.

— J’aimerais vous rejoindre.

John sourit.

— Si nous te proposons quelque chose, tu devras abandonner tes études et garder le secret.

Bouleversé par ce qu’il venait d’apprendre, Nathan repensa à sa mère, à ses sœurs, à ces hommes, ces femmes, ces enfants, massacrés pendant l’Holocauste. Ce serait un honneur pour lui de les venger. Son existence prendrait une signification nouvelle.

Il se sentit inspiré d’une mission divine.

— Je suis prêt à partir dès demain. Que dois-je faire ?

— Tu ne seras pas payé, tu n’auras pas de salaire, mais tu n’auras pas de frais non plus.

— Comment fonctionnez-vous ?

— Notre organisation est cloisonnée. Nos commanditaires sont nombreux, ce sont des hommes qui ont réussi. Notre principal actionnaire est 6M, c’est comme cela que nous l’appelons. Il a mis six millions de dollars à la disposition de l’organisation, en hommage aux six millions de victimes. Quand le budget sera épuisé, il nous fera un nouveau versement de six millions de dollars, et ainsi de suite.

— Qui avez-vous déjà capturé ?

— Je ne répondrai pas à cette question. Les responsables de l’organisation choisissent une cible. Une première équipe se met en chasse. Sa mission est de s’emparer de la cible en évitant de verser trop de sang. S’il faut tuer, on tue, si on peut éviter, on évite.

— Ensuite ?

— Une deuxième équipe l’amène devant un tribunal composé de survivants de l’Holocauste. Nous voulons que les Rats se retrouvent face à leurs victimes.

— Les Rats ?

— C’est ainsi que nous les appelons. Notre organisation a été baptisée le Chat, le chat est l’un des prédateurs du rat.

— Quand il est jugé, qu’en faites-vous ?

— Nous exécutons la sentence fixée par le tribunal.

Nathan comprit ce que cette phrase signifiait.

— Qu’est-ce que vous attendez de moi ?

— Nous avons quelques éléments en Europe, nous aimerions que tu les rejoignes pour poursuivre la traque là-bas.

— Si vous voulez, je pars maintenant.

20

Ce que tu cherches

Il est vingt heures.

Roland débarque dans la chambre, tout sourire.

Il brandit un sac en papier à l’effigie de McDonald.

— Arrête-toi quelques minutes, tu n’as encore rien mangé depuis ce matin. Tu dois être mort de faim et de soif. Je t’ai pris une hamburger et un Coke. Tu préfères une bière ?

— Un hamburger. Coca, ça ira.

Je me suis mis au travail sans tarder.

Roland m’a offert son aide, ce que j’ai aussitôt décliné.

Je n’ai pas de scrupule à lui faire bouger son cul, mais sa motivation n’est pas la même que la mienne, il aurait bâclé le boulot et serait passé à côté de ce que je cherche.

J’ai commencé par l’étage, cinq chambres, deux salles de bains, un bureau, un débarras, le tout bourré à craquer, du plancher au plafond.

Je ne savais pas que mon oncle était un amasseur compulsif. Tous les ustensiles, les objets et les papiers qui sont passés dans ses mains durant sa vie se trouvent dans cette maison.

Les garde-robes sont remplies de costumes bouffés aux mites, de chemises trouées, élimées, roussies aux aisselles, de cravates à gerber, de chaussures usées jusqu’à la corde. Dans d’autres armoires, il a entassé les affaires de Barbara : des manteaux qui sentent la naphtaline, des robes d’un autre siècle, des chemisiers délavés, des pulls, des jupes, des foulards, des godasses.

Les tiroirs sont pleins à ras bord d’un tas d’objets pourris, cassés, inutiles : des ressorts, des boules Quies, des mouchoirs en papier, des cartes de visite, des pinceaux, des crayons, des blocs de Post-it, des boutons de manchette.

Dans le débarras, j’ai trouvé une partie de sa collection personnelle : de grands bocaux remplis d’élastiques, de piles usagées, de trombones, de boutons, d’épingles, de pochettes d’allumettes, que sais-je encore.

Pour couronner le tout, il fumait. Les tentures, les tapis et les draps sont imprégnés d’une infâme odeur de nicotine. La maison entière pue le cendrier.

Roland s’assied sur le lit, déballe les victuailles.

— Alors, tu as trouvé quelque chose ?

— Pas ce que je cherche.

Je pensais approcher du but en explorant les rangements du bureau sur lequel traînaient trois ordinateurs des décennies écoulées, un IBM 386 préhistorique, un iMac avec écran translucide et un Sony portable.

Une grande boîte à biscuits métallique était coincée au bout d’une étagère chargée d’albums photos. J’ai rapidement parcouru les albums pour m’assurer de ne rien louper, mais ils ne contenaient que les clichés habituels : naissances, fêtes, vacances, mariages. En une quinzaine de minutes, j’ai parcouru un demi-siècle en Bavière.

Ma mère figurait sur certaines photos, du temps où Barbara était encore en vie. Je m’y trouvais également, en bonne place. Fred, mon oncle, a immortalisé le moment où j’ai flanqué une raclée au judo à Roland, dans leur jardin, en juillet 1962.

La boîte métallique contenait, elle aussi, des photos. Les clichés étaient plus anciens, de grand format, en noir et blanc ou en sépia sur un épais papier.

Je les voyais pour la première fois. Les photos avaient été prises en Pologne, avant la guerre. La plus grande représentait leur prestigieuse résidence d’été, à Radziechow.

Mes grands-parents et leurs trois filles posaient devant une calèche attelée de quatre chevaux, menée par un cocher en redingote, casquette et fouet. Toute l’aristocratie polonaise en une image.

Les filles se tenaient à l’avant-plan, par ordre de grandeur, comme les poupées russes. Mes grands-parents, en élégante tenue de promenade, se tenaient fièrement derrière elles. Les trois gamines avaient un indéniable air de famille. Ma mère devait avoir quatre ou cinq ans, elle était déjà la plus jolie.

Deux autres photos avaient été prises dans la pharmacie de mon grand-père, à Lwów. Le numéro et le nom de la rue où elle se trouvait étaient écrits sur le cliché, 81 Grodeckastrasse.

Mon grand-père officiait derrière le comptoir, l’air professionnel, en blouse blanche immaculée.

Une autre série immortalisait les trois filles en tenue de soirée dans une salle spacieuse entourée de colonnes. Les femmes étaient en long, les hommes en costume strict. Ma mère était resplendissante dans une robe blanche, elle devait avoir seize ans.

Quelques-unes avaient été prises lors d’une chasse. Mon grand-père était sur son cheval, sérieux, impérial, l’allure d’un seigneur, une meute de clebs à ses bottes.

La dernière photo était étrange.

On y voyait mon grand-père, assis sur une chaise à haut dossier, probablement dans une église.

Elle avait été prise à l’improviste, il affichait un sourire ironique que je ne lui connaissais pas.

— Tu as remis ton rendez-vous de ce soir ?

— Ce n’était pas très important.

— Tu veux dormir ici ?

— Non, je vais continuer, je partirai plus tard dans la soirée.

— Tu ne veux pas que je t’aide ? Je sais à quoi ressemblait cette boîte.