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Il se gratte la tête.

— Tu as pris une décision ?

Je soupire.

— C’est du harcèlement ? Tu es aux abois ? Tu as tellement besoin de ce fric ?

Il n’apprécie pas.

— Je me fous du fric, Stan. J’aimerais que tu arrêtes de déconner et que nous programmions cette opération. Je te l’ai dit, ça urge.

— Je sais, tu me l’as dit.

— Alors ?

— Je t’ai répondu que j’allais te faire signe.

Il se met à gesticuler comme un pantin.

— J’en ai marre, Stan. J’en ai marre de tes simagrées et de ton numéro de persécuté. Tu as envie de crever, c’est ça ? Tu as envie de crever parce que la vie est injuste avec toi ? La vérité est ailleurs. Tu n’as pas les couilles pour téléphoner à ton fils et tu t’es mis en tête que tu as tué ta femme il y a quinze ans. Tu veux mourir en martyr, oublié de tous, dans ce monde impitoyable, sans amis. Si c’est vraiment ce que tu veux, fais-le ! Et si ça peut renforcer tes convictions, je veux bien m’abstenir de venir à ton enterrement. Là-haut, tu pourras expliquer au barbu que le seul ami qui t’est resté fidèle t’a aussi laissé tomber.

Je reste sans voix.

Je ne le croyais pas capable d’une telle virulence.

Il tourne les talons, descend les marches et s’éloigne.

Je l’interpelle avant qu’il n’arrive sur le trottoir.

— Va te faire foutre !

Il se retourne.

— C’est ça. Adieu, connard.

68

Merci

Nathan Katz et David Sarfatti arrivèrent à Caprino Veronese peu avant dix-sept heures.

Ils ralentirent à l’entrée du village, s’assurèrent qu’aucun véhicule n’était en vue et s’enfoncèrent dans le chemin de traverse que David avait repéré. Ils coupèrent le moteur et sortirent de la voiture.

Le soleil, encore haut dans le ciel, leur réchauffa le visage. L’air était doux, chargé de l’odeur lourde de la terre et des champs au printemps.

Élie apparut quelques minutes plus tard, au volant d’une Fiat 1100 qui cahotait dans le chemin. Il descendit et les rejoignit en compagnie d’un homme d’une quarantaine d’années, de stature imposante. Il avait le visage avenant et une profonde fossette au menton. Un chapeau à larges bords dissimulait sa chevelure.

Élie était mal à l’aise.

— Nathan, je te présente Robert Kervyn.

L’homme lui tendit la main.

— Je vous remercie d’avoir accepté de me rencontrer.

Il parlait anglais avec aisance.

Nathan lui serra la main sans lui rendre son sourire.

— Élie m’a raconté ce que vous avez fait pour lui, c’est la raison pour laquelle j’ai accepté de vous écouter. Vous avez été très courageux.

L’homme soutint le regard de Nathan.

— Ce que vous faites est courageux aussi.

Nathan se détendit quelque peu, l’homme lui inspirait confiance.

— Que voulez-vous ?

— Je recherche un ex-officier SS, l’Untersturmführer Rudolf Volker.

Nathan lui répondit du tac au tac.

— Je ne connais pas cet homme et je n’en ai jamais entendu parler. Pourquoi le recherchez-vous ?

— Je vous le dirai si vous acceptez de m’aider.

L’homme avait du cran.

Nathan pointa le trou qui traversait son chapeau de part en part, à n’en pas douter la trajectoire d’une balle.

— Règlement de comptes ? Vengeance personnelle ?

— Non, ça n’a rien à voir. Je ne lui veux aucun mal.

Nathan haussa le ton.

— Vous vous moquez de moi ? Vous cherchez un ex-officier SS, vous prenez contact avec nous comme si nous étions une agence de renseignements et vous essayez de me faire croire que vous voulez simplement prendre le thé avec lui ?

Élie tenta de s’interposer, mais Nathan l’arrêta d’un geste.

L’homme ne se départit pas de son calme.

— Je ne vous demande qu’une chose, me dire où il est. Le reste, c’est mon problème. Je vous donnerai plus d’explications si vous le souhaitez. Je vous repose la question, êtes-vous prêt à m’aider, oui ou non ?

Nathan le toisa des pieds à la tête.

— Vous inversez les rôles, monsieur Kervyn. Vous pensez que nous n’avons rien d’autre à faire que de rechercher cet individu ? Vous savez combien d’hommes il y avait dans la Waffen-SS ? Plus d’un million. Vous me demandez de trouver une aiguille dans une botte de foin et vous semblez vous offusquer parce que je veux en savoir plus et que je ne vous donne pas mon accord sur-le-champ.

L’homme soupira.

— Je vous prie de m’excuser. Cette affaire me fait perdre la tête.

Nathan adoucit le ton.

— Qu’est-ce que vous avez sur lui ?

— Quelques indices, quelques dates, des lieux, le nom de certaines personnes. Avec ce que j’ai, vous devriez pouvoir le localiser, s’il n’est pas mort.

Nathan installa un silence.

Élie n’en menait pas large. David s’était mis en retrait, prêt à intervenir.

Nathan l’interpella.

— David, va me chercher un papier et un stylo.

L’Italien retourna à la voiture et revint muni d’une carte postale et d’un stylo.

Nathan s’en empara, griffonna quelques chiffres et la tendit à l’homme.

— Appelez-moi à ce numéro dans une dizaine de jours. Je verrai ce que je peux faire, mais je ne vous promets rien.

L’homme lui serra la main et murmura, visiblement ému :

— Merci.

69

Dans vos doigts

Mercredi.

Un mail de Nathan Katz me parvient en fin d’après-midi, alors que je ne l’attendais plus.

Il ne contient que quelques mots.

Vous trouverez les réponses à vos questions au 23, Hauptstrasse, à Messdorf, un village situé près d’Osterburg, dans l’est de l’Allemagne.

Aucune indication complémentaire.

Le Web ne m’en apprend pas beaucoup plus. Messdorf est un bled perdu qui compte sept cent vingt habitants au dernier recensement. Pas de restaurant, pas d’hôtel. Une gare en rase campagne, à deux kilomètres.

La photo satellite de Google Maps affiche un minuscule patelin constitué de quelques fermes et de maisons entourées de bois et de vastes champs.

La ville la plus proche est Wolfsburg, à quatre-vingts kilomètres. Hambourg est à cent quatre-vingts kilomètres. Berlin, à deux cents, de l’autre côté.

J’appelle Laura Bellini.

Je tombe sur sa messagerie. Je lui demande de me rappeler dès qu’elle entend mon message.

Elle me rappelle quinze minutes plus tard.

— Bonjour, monsieur Kervyn, je ne vous oublie pas, rassurez-vous, mais l’efficacité allemande est une légende. Je me bats avec des fonctionnaires bilieux qui m’envoient d’un côté à l’autre. Sans compter les gens censés m’aider qui sont en congé.

— De quoi parlez-vous ?

Elle marque un blanc.

— Du numéro de téléphone, monsieur Kervyn. Du numéro de téléphone que vous m’avez donné l’autre jour et pour lequel vous m’avez demandé de contacter les télécoms en Allemagne.

Je ne m’en souvenais plus.

— Ce n’est plus nécessaire.

Elle monte dans les tours.

— C’est gentil de me prévenir. J’espère que vous n’allez pas contester mes heures de travail. À ce propos, je vous signale que je n’ai pas encore reçu le règlement du solde de ma facture.

— Trente jours, fin de mois, c’est écrit noir sur blanc dans nos conditions générales.