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— Que vous ne m’avez pas fait parvenir.

— Je m’occupe de votre facture demain, vous serez payée à la fin de la semaine. Vous avez ma parole. Mais ce n’est pas pour ça que je vous appelais.

— Vous m’appeliez à quel sujet ?

— J’ai besoin de vous.

— La traduction du mode d’emploi d’un appareil dont vous n’aurez plus besoin quand j’aurai terminé ?

— J’aimerais que vous m’accompagniez en Allemagne, c’est important. Nous partons demain matin, tôt, c’est à plus de six cents kilomètres d’ici.

— Et ?

— Et quoi ?

— Vous avez oublié de claquer dans vos doigts.

70

Je vous fais signe

L’intervention que Nathan réalisa à Caprino Veronese le 23 avril 1954 ne se déroula pas de la manière prévue. Wilhelm Göecke était ivre lorsqu’ils le capturèrent et ils durent attendre le milieu de la nuit pour l’interroger.

Il avoua sans détour sa culpabilité, exprima ses regrets et protesta qu’il n’avait fait qu’obéir aux ordres du Führer.

Lorsqu’il prit conscience que ses aveux ne changeraient en rien les résolutions de ses ravisseurs, il leur lança quelques insultes et déclara que s’il pouvait réécrire l’Histoire, il la réécrirait de la même façon. Leur échange se poursuivit durant une heure, sans succès.

Göecke se débattit lorsque Nathan lui passa la corde autour du cou. Il lança un énergique « Heil Hitler ! » avant de rendre son dernier souffle.

David Sarfatti retourna travailler au cimetière le lendemain. Le plan prévoyait qu’il poursuive sa fonction jusqu’en juin pour éviter que sa disparition n’attire l’attention des autorités et de la police.

Le corps de Wilhelm Göecke fut retrouvé le 27 avril. La police ne trouva aucun indice probant sur les lieux.

Le lundi 3 mai 1954, alors qu’il était de retour à Berlin, Nathan reçut l’appel de Robert Kervyn.

Il l’accueillit froidement.

— J’ai fait un premier examen, nous n’avons rien sur Rudolf Volker. Je suis désolé. À première vue, il ne s’est pas distingué pendant la guerre ni en mal, encore moins en bien.

Kervyn conserva son calme.

— Je comprends. Je vous remercie du temps que vous avez investi. Je peux vous donner quelques informations supplémentaires. Je n’ai pas grand-chose sur lui, mais certaines données sont précises et devraient vous aider.

Nathan soupira.

— Allez-y, je note.

— Rudolf Volker est né en 1914, à Bismark, un petit village qui se trouve en Allemagne de l’Est, à deux cents kilomètres de Berlin. Ses parents exploitaient une ferme. Il avait un frère, Werner, qui avait cinq ans de moins que lui. Rudolf a assisté à un discours d’Hitler en décembre 1930, à Berlin. Il a été subjugué par le personnage. Il a rejoint les Jeunesses hitlériennes en 1933. En 1937, il s’est engagé dans la Waffen-SS.

Nathan fit un rapide calcul.

— À vingt-trois ans, l’âge minimal.

— En 1939, il est entré à la Junkerschule à Bad Tölz.

Nathan embraya sur le sujet.

— L’école des officiers SS. Accessible après deux ans de service dans les rangs. D’après les critères de sélection, je peux vous dire que votre Volker mesurait au moins 1,78 mètre et qu’il ne portait pas de lunettes.

— Je l’ignorais. En 1941, il a été affecté au service de Johann von Leers. Il lui servait de secrétaire, entre autres. Il était principalement basé à Berlin et à Iéna, mais il l’accompagnait dans tous ses déplacements.

Nathan tressaillit.

Johann von Leers était l’une des cibles prioritaires du Chat. Aux dernières nouvelles, il se trouvait en Argentine où il travaillait en toute impunité comme rédacteur en chef pour un magazine nazi appelé Der Weg.

Il masqua son intérêt.

— Je vois qui est Johann von Leers. Cette information pourrait m’aider, en effet. C’est tout ce que vous avez ?

— Non. Werner, le frère de Rudolf, a été enrôlé en 1939. Il était simple soldat et a été envoyé en Pologne en juin 1940, à Lodz d’abord, jusqu’en janvier 1941, dans le centre de la Pologne, ensuite à Radziechow. Il connaissait le travail de la terre. Son rôle était de contrôler la production agricole de la région et de l’accroître si possible. Quand les Russes ont lancé leur offensive en juillet 1944, il a été envoyé au front. Il n’avait jamais combattu, il a été tué lors de son premier combat.

— Pourquoi me racontez-vous l’histoire de son frère ?

— Je vous expliquerai tout en détail, si nous sommes appelés à nous revoir.

— Qu’est-ce qui vous fait dire que Rudolf Volker est encore en vie ?

— J’ai entamé des recherches de mon côté. Les autorités est-allemandes ne m’ont pas beaucoup aidé, mais j’ai au moins appris qu’il n’avait pas été déclaré mort. J’ai besoin de vous, monsieur Katz.

— Je vais voir ce que je peux faire. Laissez-moi un peu de temps et donnez-moi un numéro de téléphone où je peux vous joindre. Dès que j’ai quelque chose, je vous fais signe.

QUATRIÈME PARTIE

« Tu seras bon avec le bon, mauvais avec le mauvais. »

PROVERBE JUIF, XIIIe SIÈCLE

71

À l’intérieur

— N’avions-nous pas convenu que vous respecteriez les limitations de vitesse ?

Je jette un coup d’œil au compteur. Je suis à plus de cent quatre-vingts.

Jusqu’à cet instant, elle savourait sa victoire.

En plus d’une hausse de ses honoraires, j’ai dû m’engager à ne pas dépasser la vitesse autorisée, à faire une halte dès la première injonction, à trouver un restaurant et un hôtel acceptables pour la nuit et à m’abstenir de lui demander si ça lui dirait de baiser avec moi. Comme si ça ne suffisait pas, elle a justifié son accord par l’ambition dévorante de sa fille qui souhaite poursuivre ses études à Lausanne.

— Il n’y a pas de limitation sur cette portion d’autoroute.

Elle accuse le coup.

— Dans ce cas, je vous demande de faire un petit arrêt.

— Nous avons fait un arrêt il y a moins d’une heure. Il reste une soixantaine de kilomètres, vous pouvez vous retenir ?

Le silence qu’elle m’oppose est éloquent. L’avantage vient de changer de main.

Nous passons Braunschweig et empruntons la bretelle de sortie. Cette partie de l’Allemagne semble moins convoitée par les touristes. Nous sommes partis à dix heures et n’avons rencontré aucun embouteillage.

Bellini m’attendait devant chez elle, à Auderghem. Cette fois, elle n’avait préparé qu’un sac de voyage.

Durant la première heure, je lui ai fait part des derniers rebondissements : ma visite à Karlsruhe et ma rencontre mouvementée avec Katz. Elle ne regrettait pas d’avoir accepté de m’accompagner, la perspective d’être aux premières loges pour assister à la fin du spectacle l’émoustillait.

Le paysage change dès la sortie de l’autoroute. L’espace se dégage, des champs s’étendent à perte de vue. Seuls quelques arbres viennent troubler la ligne d’horizon.

Après quelques kilomètres, la route se rétrécit et son état se dégrade.

Il reste quarante kilomètres à parcourir.

Nous croisons peu de véhicules. De longues lignes droites se succèdent. Certaines aboutissent à un virage à angle droit sans qu’il n’y ait de carrefour pour autant.