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— C’est une des zones d’ombre qui restait.

— À présent, tu en sais autant que moi. Je te salue, Stanislas, ton père aurait été fier de toi. Dieu te garde.

Il raccroche sans me laisser l’occasion de répondre.

Je passe Coblence. L’orage éclate.

Des trombes d’eau s’abattent sur la route.

Je pense à mon père, à ce qu’il a fait. Par amour.

Malgré moi, je suis forcé de ralentir.

Il est vingt heures trente, le ciel est noir d’encre.

J’imagine la détresse de ma mère quand elle a appris dans quelles circonstances mon père était mort et ce qu’il faisait pour elle. Malgré cela, la honte l’a emporté.

De nombreuses voitures se rangent sur le côté pour échapper au déluge. Des éclairs traversent le ciel.

J’agrippe mon téléphone, fais le numéro que je connais par cœur sans jamais le composer.

Sa voix me fait sursauter.

— Oui ?

— Sébastien ?

— Qu’est-ce que tu veux ?

— Il faut que je te parle.

— De quoi ?

— J’aimerais te voir.

— Tu me verras à Noël, je n’ai pas beaucoup changé.

Il raccroche.

En temps normal, je me serais arrêté là.

Je refais le numéro.

— Quoi encore ?

— Cinq minutes, je te demande cinq minutes.

Il se tait.

Me connaissant, il se doute que c’est important.

— Bon, cinq minutes.

— Je peux passer chez toi ?

Un blanc.

— Quand ?

— Demain, à l’heure qui t’arrange.

— À l’heure qui m’arrange, c’est nouveau ça.

Cette fois, c’est moi qui me tais.

— Bon, OK, demain. Vers midi.

— D’accord, je serai là à midi.

Je perçois une hésitation. Il veut ajouter quelque chose.

J’attends.

Il reprend.

— Un truc…

Il semble embarrassé.

— Je t’écoute.

— Voilà, Julie est enceinte. Comme ça, tu le sais.

Les essuie-glaces ne parviennent pas à chasser les torrents d’eau. Je double un camion en perdition, les feux de détresse allumés.

— C’est pour quand ?

— Octobre.

— OK, à demain.

Après les fleurs, j’ai quitté Reinhard. Nous avons promis de nous revoir.

J’ai déposé Laura à la gare de Wolfsburg et j’ai pris la route pour Zusmarshausen.

Je passe Cologne, la pluie se calme, j’accélère de plus belle.

Il est vingt-deux heures lorsque je passe la frontière.

Le temps est sec, il n’a pas plu en Belgique. La route est dégagée. J’accélère.

Il me reste une centaine de kilomètres à parcourir lorsque je prends ma décision.

Je reprends le téléphone.

— Thierry ?

Il ne semble pas surpris de mon appel.

— Oui, Stan ?

— Tu peux planifier l’opération. Si j’en sors impuissant, je te casse la gueule.

Il rit.

— D’accord. Je suis content. Je m’occupe de ça. Je te rappelle demain au plus tard.

— Salut.

Il me retient.

— Attends…

— Quoi ?

— Je voulais te dire, je suis désolé pour dimanche. Je ne pensais pas ce que je disais. Je n’ai pas envie de te perdre, tu n’es pas un pauvre con.

— Laisse tomber. En plus, ce n’est pas tout à fait faux.

J’entre dans Bruxelles. Il est vingt-trois heures trente. Je ne parviens plus à garder les yeux ouverts. Je jette un coup d’œil dans le rétroviseur. J’ai l’air d’un zombie.

Il me faut quinze minutes pour arriver à destination.

Je gare la voiture.

Je repère un rai de lumière derrière l’une des fenêtres. Je décide de tenter le coup. Je grimpe les marches, sonne à la porte de l’immeuble.

L’interphone me répond.

— Oui ?

— Stanislas Kervyn.

Elle s’égosille.

— Vous êtes fou ?

— Oui.

— Je descends.

La porte s’ouvre quelques secondes plus tard. Elle est pareille à elle-même. Son maquillage s’est estompé. Elle est plus belle encore.

Elle me dévisage.

— Vous avez vu votre tête ? Qu’est-ce que vous voulez ?

— Deux choses.

— La première ?

— Merci, Laura.

Elle sourit.

— La maison prend en considération la grande satisfaction du client. La seconde ?

— Une question.

Elle lève les yeux au ciel.

— Allez-y. Je crains le pire.

— Ça vous dirait de déjeuner avec moi ?

Épilogue

— Je te salue, Stanislas, ton père aurait été fier de toi. Dieu te garde.

Nathan raccrocha.

Il se regarda dans le miroir. Cela faisait vingt-quatre ans qu’il n’avait plus assuré l’aboutissement d’une mission.

Petit à petit, il s’était retiré de l’opérationnel pour superviser les équipes. Les Rats se faisaient plus rares. La plupart étaient morts. Certains ne seraient jamais punis pour les crimes qu’ils avaient commis. Avec le temps, il s’en était fait une raison.

En revanche, les années n’avaient pas assouvi sa soif de vengeance pour le responsable de la mort de sa femme, de son fils et des membres du Chat.

Il s’empara du pistolet et en vérifia le fonctionnement.

Il reprit le combiné du téléphone.

Son ami lui répondit à la deuxième sonnerie.

— Bonsoir, Moshe.

— Bonsoir, Nathan.

— Tu viens faire une petite balade digestive avec moi ?

L’homme hésita.

— Je ne sais pas, il risque de pleuvoir.

— Sans doute, Moshe, mais ce n’est pas un peu de pluie qui va nous faire peur. Nous en avons vu d’autres.

— Tu as raison.

— Nous ferons le tour du Stutensee, ce sera calme à cette heure-ci.

— D’accord. Viens me chercher, je t’attends.

Il raccrocha, glissa l’arme dans sa ceinture et sortit de la maison.

Les premières gouttes de pluie firent leur apparition.

Note au lecteur

Ce roman est une fiction dans laquelle se côtoient personnages réels et imaginaires.

L’histoire de la famille polonaise évoquée dans ces lignes est basée sur des faits réels. Stanislas Jaskiewiecz, sa femme et ses trois filles ont existé. Les parcours de Marischa et de Barbara décrits dans le roman sont conformes à la réalité.

La plus jeune des filles s’appelait Ivona. Sa photo se trouve en couverture de ce roman. Elle est née le 28 mars 1926, à Lwów. L’épisode qu’elle a vécu lors de ses treize ans est, à regret, authentique.

En décembre 1941, à l’âge de quinze ans, elle a fait la connaissance d’un soldat allemand qui occupait leur résidence d’été à Radziechow, alors réquisitionnée par l’armée allemande. Ils sont tombés amoureux et se sont mariés à Lwów, le 16 juillet 1942.