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— Z’avez vu la taille de l’engin ? le coupe Clete. Bon sang, Woody, pourquoi serait-il si gros s’il était vide ? En plus, on dirait qu’il a des hublots…

— Le docteur Calhoun est réputé pour ses conclusions hâtives, rétorque Smathers d’un ton caustique.

O’Brien sourit jusqu’aux oreilles, visiblement ravi de cette partie de ping-pong verbal.

— Mais comme je m’apprêtais à le dire, poursuit Smathers, à supposer qu’il transporte des passagers, je ne serais pas étonné que ceux-ci nous ressemblent au moins vaguement…

— Qu’est-ce que c’est que ces simagrées ? s’insurge Clete. Il y a quelques années de ça, je vous ai entendu affirmer mordicus qu’à peu près n’importe quelle forme de vie intelligente adopterait une organisation physique de type humanoïde et…

— J’ai dit cela, en effet, réagit Smathers, rouge comme un coq. Toutefois…

— Maintenant qu’on est sur le point de rencontrer de vrais aliens, vous faites moins le fanfaron, jubile Clete.

— Je maintiens qu’à bien des égards, notre organisation physique représente l’idéal de toute forme de vie intelligente. Voyez nos organes sensoriels : deux yeux valent mieux qu’un car ils permettent une vision stéréoscopique. En revanche, un troisième œil ne nous serait d’aucune utilité. De la même manière, deux oreilles impliquent une audition stéréophonique mais, pour cela, encore faut-il qu’elles soient placées de part et d’autre du corps. Je pourrais passer en revue chaque élément du corps humain, depuis la tête jusqu’aux orteils, et vous dire en quoi il est idéal. C’est pourquoi je soutiens sans hésiter que lorsque la porte de ce vaisseau s’ouvrira, nous nous trouverons en présence de créatures humanoïdes.

Le Clete de la télé prend un air atterré tandis que celui qui se trouve à bord du Kitty Hawk secoue la tête en soupirant :

— Quel peigne-zizi, ce type !

— Sornettes, renchérit son double télévisuel. Le concept d’optimisation suppose l’existence d’un schéma préétabli, ce qui n’est pas le cas de la forme humaine. En fait, l’évolution se bricole à coups d’opportunités. Il y a cinq cents millions d’années, l’explosion cambrienne a vu l’apparition simultanée de dizaines d’organisations physiques différentes. L’ancêtre des vertébrés modernes n’était en rien supérieur aux autres ; c’est juste qu’il a eu plus de veine. Si un autre l’avait supplanté, la face de cette planète en aurait été changée. C’est pourquoi je vous fiche mon billet que la bestiole qui nous attend dans ce caisson ne ressemble à rien de connu.

— Tout le monde aura compris que nous avons là des avis divergents, intervient O’Brien. Quand même…

— Ce que je tiens à souligner, reprend Clete, c’est que pendant des années, des types comme Woody ont été payés pour fantasmer sur d’hypothétiques aliens. Ça n’avait rien de scientifique, puisque aucune de leurs propositions n’était jamais soumise à l’expérimentation. Mais pour le coup, c’en est fini de la théorie. Place à l’empirisme ! Et s’il s’avère qu’ils n’ont raconté que des bourdes, ça risque d’être gênant pour eux.

— Une minute, Clete, proteste Smathers. Moi, au moins, je suis prêt à jouer cartes sur table et…

— Si vous voulez mon… Qu’est-ce qu’il y a, chou ? Tu vois bien que je passe à la télé, non ?

— Clete, c’est la Maison-Blanche, fait une voix de femme hors champ.

Frank reconnaît celle de Bonnie, la secrétaire de Clete.

— La Maison-Blanche ? répète Clete d’un air incrédule en regardant la caméra.

Le champ s’élargit, dévoilant la pagaille qui règne dans son bureau. Bonnie pénètre dans le cadre, tendant un téléphone sans fil à son patron.

— Cletus Calhoun à l’appareil. Qu’est-ce… Frankie ! Quel bon vent… Non, pas du tout. Pour sûr, que je suis partant ! OK, vieux. Je me prépare. Ciao.

Clete pose l’appareil et regarde à nouveau la caméra.

— Désolé, Miles, mais je dois vous laisser. Une voiture va venir me chercher. J’ai rendez-vous avec le vaisseau extraterrestre.

Aussitôt dit, il dégrafe son micro de sa chemise et sort du cadre. La caméra revient sur O’Brien.

— Il semble que le docteur Calhoun nous ait quittés. Nous allons donc poursuivre cette conversation avec le docteur Smathers. Docteur, pourriez-vous nous…

Clete presse une touche de la télécommande et le noir envahit l’écran.

Chapitre 2

Quand le Kitty Hawk atteint enfin le point d’amerrissage du vaisseau, le sous-marin russe est déjà sur place et la silhouette du paquebot brésilien se dessine à l’horizon. Le porte-avions prend position à un kilomètre de l’appareil extraterrestre dont la coque passe toujours par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Le sous-marin russe stationne à peine un peu plus loin, à l’opposé du vaisseau.

Celui-ci est aux deux tiers immergé mais la houle découvre par intervalles la quasi-totalité de sa partie supérieure. Frank, Clete ainsi qu’un jeune pilote de la Navy prennent place à bord d’un hélicoptère SH-60F Seahawk et s’en vont le survoler.

— T’as vu cette ligne ? Quel aérodynamisme !

Clete a dû hurler pour couvrir le bruit du rotor. Frank opine :

— Sûrement un module d’approche, hurle-t-il en retour. Depuis que le vaisseau a été repéré dans l’atmosphère, le NORAD n’a cessé de scruter les deux à la recherche du vaisseau mère. De même, la NASA met la dernière main aux préparatifs de lancement d’Atlantis. Aucune navette américaine ou russe n’étant pour le moment en orbite, le prochain vol programmé se trouvait en effet être celui d’Atlantis, mais seulement dix-huit jours plus tard.

La coque du vaisseau semble faite d’une seule pièce. À tout le moins, elle n’est constituée ni de plaques métalliques comme celle du Kitty Hawk, ni de tuiles en céramique comme les navettes spatiales. La tête présente quatre rectangles réfléchissants – des hublots ? – et on distingue sur le flanc des marques verdâtres qui pourraient former une inscription, quoiqu’il soit difficile de s’en assurer avec ces perpétuels changements de couleur.

— Je te parie qu’ils voient les infrarouges, s’époumone Clete. Il est probable que ce bidule continue de changer de couleur quand nous on le voit noir.

— Possible, concède Frank. Mais…

— Regardez ! leur crie soudain le pilote.

Un tube cylindrique sortant du vaisseau se dresse lentement vers le ciel. À son extrémité, une lumière jaune clignotante : clic ! pause. Clic ! clic ! pause. Clic ! clic ! clic !

— Ils comptent, commente Clete.

Mais la séquence suivante comporte cinq clics au lieu de quatre et celle d’après, sept. Puis le même enchaînement se répète à plusieurs reprises, d’une manière cyclique : un-deux-trois-cinq-sept… Un-deux-trois-cinq-sept…

— Les nombres premiers ! s’exclame Frank. Est-ce que cet hélico possède un projecteur ? demande-t-il au pilote.

Celui-ci lui fait signe que non.

— Ramenez-nous immédiatement à bord. Vite !

Le pilote acquiesce de la tête avant d’effectuer un virage sur l’aile avec son appareil. Au passage, Frank jette un coup d’œil au sous-marin russe : le voilà qui renvoie le signal !

S’avisant que le pilote a un casque de radio, Frank lui crie :

— Dites au Kitty Hawk d’allumer ses projos et de leur renvoyer leur signal – les nombres premiers de un à sept – à plusieurs reprises.

Le pilote relaie le message et au bout d’un temps qui lui paraît une éternité, Frank aperçoit enfin les signaux d’un gros projecteur placé juste au-dessous de l’antenne radar. Quelques secondes plus tard, le fanal dépassant du vaisseau s’éteint subitement.