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L’hélicoptère s’éloigne maintenant du sous-marin russe afin de regagner le Kitty Hawk.

Clete désigne à son ami l’inscription sur la coque du vaisseau – un trait horizontal autour duquel s’entortillent des motifs en spirale. Mot, idéogramme ou dessin purement abstrait ?

Un marin équipé d’un compteur Geiger surgit aux côtés du capitaine qui lui fait signe de procéder à l’inspection. Le gars a l’air tendu, néanmoins c’est d’un pas ferme qu’il s’avance vers le vaisseau.

— Capitaine, ce navire pourrait-il nous conduire à New York ? demande Frank.

— Tu veux les emmener voir Cats à Broadway ? rigole Clete.

— Pas à Broadway, mais au siège de l’ONU, lui rétorque Frank.

— Pas de problème, assure le capitaine. On ira où vous voudrez. L’hélicoptère vient de se poser. Trois Russes – deux hommes et une femme – en descendent en même temps que le pilote et se dirigent droit vers le capitaine américain.

— Sergei Korolov, se présente leur chef, un type râblé d’une trentaine d’années. Je suis en quelque sorte le second du Suvorov. Valentina Danilova, médecin du bord, et Piotr Pushkin, officier radio, ajoute-t-il en désignant ses compagnons. Ni l’un ni l’autre ne parle anglais.

— Génial, marmonne Frank. Frank Nobilio, conseiller scientifique du président des États-Unis. Cletus Calhoun est astronome et le capitaine Raintree commande ce bâtiment.

— Il est évident que le vaisseau ne s’est posé sur votre bâtiment que faute d’avoir pu le faire sur le nôtre, reprend Korolov. Selon les termes des lois internationales régissant le sauvetage en mer, il nous revient de droit puisque nous sommes les premiers à l’avoir rejoint.

— Nous n’avons pas l’intention de nous approprier ce vaisseau, Mr Korolov, soupire Frank. Au contraire, je voudrais le conduire à New York, au siège de l’ONU.

— Il faut que j’en réfère à notre capitaine qui, à son tour, devra en référer à Moscou. Il n’est pas…

— Tout est normal, capitaine, indique le marin avec le compteur Geiger.

— Parfait. Souhaitez-vous approcher, docteur Nobilio ?

— Et comment ! Allons… Grand Dieu !

Une partie de la coque du vaisseau est en train de coulisser. Fermée, l’écoutille était impossible à détecter. Ouverte, elle laisse apercevoir un réduit aux parois grises – un sas, selon toute vraisemblance – au milieu duquel se dresse une forme… Une forme qui n’a rien d’humain.

— Bon sang, fait le capitaine dans un souffle. Si cette… chose transporte des germes, je vais devoir faire stériliser ce navire.

— C’est à moi qu’il appartient d’en décider, capitaine, lui réplique Frank d’un ton catégorique.

— Mais…

— La ferme.

Frank fait quelques pas en direction du vaisseau, le cœur battant à tout rompre.

Un extraterrestre… Un vrai, un authentique alien.

Comme il fallait s’y attendre, il ne présente aucune des caractéristiques (hypertrophie crânienne, yeux globuleux, corps chétif) dépeintes par les soi-disant observateurs des « petits hommes verts ». Frank a toujours vu dans le caractère convenu de ces descriptions la preuve définitive que les OVNI n’étaient pas d’origine extraterrestre, sans parler des assertions grotesques d’un Packwood Smathers. Au contraire, il n’est qu’à la regarder pour voir que cette créature a évolué dans un tout autre système.

Sa taille est d’environ un mètre soixante-dix pour un poids que Frank estime à soixante-cinq kilos. Elle possède quatre membres, tous attachés à l’épaule. Les deux plus longs – le gauche et le droit – reposent sur le sol tandis que l’antérieur et le postérieur, plus courts, pendent le long du corps. De forme hémisphérique, la tête est surmontée d’une touffe de filaments blanchâtres qui se meuvent indépendamment du vent. Sur le devant de la tête, deux cercles réfléchissants qui pourraient être des yeux. Juste au-dessous, un orifice qui a tout l’air d’une bouche. La peau de la créature est gris bleuté et son vêtement – une sorte de gilet à poches multiples – brun foncé.

— Pas de scaphandre, remarque Clete qui a rejoint Frank. Il respire le même air que nous et la gravité n’a pas l’air de le gêner.

À son tour, la créature se met en mouvement. Ses membres latéraux, pourvus de trois articulations, lui permettent des enjambées de près de deux mètres. Quoiqu’elle ne manifeste aucune hâte, il ne lui faut que quelques secondes pour franchir la moitié de la distance qui la sépare de Frank. Puis elle s’arrête net, alors qu’il lui reste encore une quinzaine de mètres à parcourir : une invitation on ne peut plus claire à approcher. Comme rien dans son attitude n’indique qu’elle a l’intention de l’enlever à bord de son vaisseau, Frank s’avance, immédiatement suivi de Clete. Les Russes faisant mine de les imiter, Frank se retourne vers eux :

— Pas plus d’une personne. Pas question de lui tomber dessus tous en même temps.

Korolov adresse quelques mots à Pushkin et Danilova qui retournent aussitôt auprès du capitaine Raintree, visiblement déçus.

Les trois hommes s’avancent vers l’alien mais arrivés à trois mètres de celui-ci, Clete leur fait signe de s’arrêter.

— Nous n’avons aucune notion de son espace vital, explique-t-il. À cette distance, la peau de la créature apparaît sillonnée de lignes entrecroisées qui dessinent des losanges. Détail cocasse, un rectangle qui a tout l’air d’un pansement adhère à un côté de sa tête, à croire qu’elle a reçu un coup. Curieusement, cette marque de vulnérabilité leur rend la créature à la fois plus proche et moins impressionnante.

Frank suppose qu’elle les observe, bien que l’absence de pupilles empêche de dire où se porte son regard.

Comment procéder ? Frank envisage un moment de reprendre le signe de Rencontres du troisième type, mais cette idée en fait naître une autre, meilleure. Levant la main devant son visage, il dresse d’abord un doigt, puis deux, puis trois, puis cinq auxquels il ajoute deux doigts de son autre main, soit un total de sept.

L’alien soulève alors son bras antérieur et fait voir une main de forme circulaire, plantée de quatre doigts de même longueur. Si aucun ne semble faire office de pouce, les premier et troisième doigts sont opposables entre eux, de même que les deuxième et quatrième.

La créature dresse un doigt, puis deux, puis trois. Ramenant alors sa seconde main devant elle, elle montre d’abord deux doigts (ce qui fait cinq), puis les deux autres (soit sept en tout).

Frank se demande tout à coup s’il n’a pas commis une bévue, si la créature ne va pas déduire de cet échange que la communication humaine est purement gestuelle.

— Frank, dit-il alors en se touchant la poitrine.

— Frank.

Un imitateur hors pair : on aurait vraiment dit la voix de Frank.

Mais non, il est probable qu’une de ses poches contient un appareil enregistreur.

Frank pointe l’index vers son interlocuteur, sans être sûr qu’il comprenne – pour percevoir le sens de ce geste, peut-être est-il nécessaire d’avoir manié la lance dans un passé lointain –, mais l’autre réagit presque immédiatement en ouvrant la bouche. Celle-ci combine une ouverture externe horizontale avec une couche de tissus internes qui s’écartent dans le sens de la hauteur, dessinant des rectangles de dimensions variables.

— Hask, laisse-t-il tomber.

La voix est chaude et grave. Une voix masculine, décide Frank, quoique rien dans l’aspect extérieur de la créature n’indique à quel sexe elle appartient. À peine audible au départ, elle a pris de l’ampleur en cours d’émission.