Выбрать главу

— Votre Honneur, intervient Ziegler, je regrette de devoir renouveler mon objection. À quoi rime tout cela ?

— Je vous avoue ma perplexité, maître Rice, renchérit le juge.

— Je vous demande encore un instant, Votre Honneur.

— Je vous donne une minute pour conclure, pas plus.

— Merci. Docteur Smathers, reprend Dale en se tournant vers le témoin, vos réserves ne tiendraient-elles pas à votre ignorance des fins divines ? Car, après tout, l’homme n’est toujours pas arrivé à fabriquer un œil artificiel. Peut-être ces défauts de conception que vous avez mentionnés servent-ils un dessein qui nous échappe…

— Détrompez-vous. Si l’homme est en effet incapable de fabriquer un œil, la nature le fait continuellement. Et comme elle procède de façon empirique, il arrive qu’elle se trompe – c’est le cas avec notre œil. On entend souvent dire que les yeux des pieuvres et des calmars sont très semblables aux nôtres, et c’est vrai. Mais les leurs ont évolué indépendamment. L’œil de la pieuvre n’a pas de point aveugle, pas plus que de tunique vasculaire qui dilue la lumière tombant sur la rétine. Non, maître Rice… Loin de plaider pour l’existence de Dieu, l’œil humain constitue une preuve définitive de la réalité de l’évolution.

Chapitre 32

— L’État de Californie contre Hask. Le jury n’est pas présent. Maître Rice, vous avez la parole.

— Votre Honneur, je souhaite apporter mon soutien aux deux motions que maître Katayama a déposées hier.

— Je vous écoute.

— Tout d’abord, à propos de notre nouveau témoin…

— Je n’aime pas beaucoup les témoins de dernière minute, maître.

— Moi non plus, mais le cas est très particulier. Le docteur Hernandez a participé à l’opération subie par mon client. Comme elle n’avait jamais été en contact avec lui auparavant, il lui était impossible de déposer plus tôt.

— Votre Honneur, intervient Linda Ziegler, l’affaire que nous avons à juger concerne le meurtre de Cletus Calhoun. Les événements survenus après n’ont aucun rapport avec la procédure.

— Le témoignage du docteur Hernandez concerne des événements antérieurs au meurtre, objecte Dale.

— Dans ce cas, je l’autorise, fait le juge.

— Merci, Votre Honneur. En second lieu, nous souhaiterions que les Tosoks quittent la salle du tribunal durant la déposition du docteur Hernandez…

— Si les propos du docteur Hernandez sont de nature à les influencer, je veux bien exclure ceux des Tosoks qui figurent sur la liste des témoins. Toutefois, cette mesure s’appliquera seulement à Kelkad, Stant, Ged et Dodnaskak.

— Comme il est précisé dans le dossier que je vous ai remis, le témoignage du docteur Hernandez pourrait m’amener à réclamer une extension de la liste des témoins.

— C’est bon. Je leur demanderai à tous de quitter la salle et d’éviter les commentaires que les médias pourraient faire sur le témoignage du docteur Hernandez.

— Merci, Votre Honneur. Concernant mon autre requête – à savoir, la possibilité pour le jury et les avocats des deux parties de visiter le vaisseau mère des Tosoks…

Linda Ziegler écarte les bras, comme si elle tentait de raisonner son adversaire.

— Nous nous opposons vigoureusement à cette mise en scène, Votre Honneur. Le meurtre a été commis sur Terre. Si maître Rice souhaitait transporter le jury sur le lieu du crime, nous serions les premiers à le soutenir. Mais sa requête ne vise qu’à impressionner les jurés…

— Je partage votre avis, acquiesce le juge. Maître Rice, rien dans votre dossier ne m’incline à souscrire à votre demande. Vous aviez tout loisir de me soumettre les pièces que vous jugiez nécessaires avant le procès.

— Votre Honneur, nous comptons sur le témoignage du docteur Hernandez pour orienter l’enquête dans une direction qui rendra indispensable une visite du vaisseau. À ce propos, poursuit-il en se tournant vers Ziegler, la police aurait dû perquisitionner le domicile de l’accusé. Si elle ne l’a pas fait, c’est certainement par la faute du ministère public. Il convient de réparer cette négligence.

— Pour l’amour du ciel, Votre Honneur, se défend Ziegler, le vaisseau tosok ne se trouve pas dans la juridiction de la police de Los Angeles. En fait, il ne dépend d’aucune juridiction. De sorte que, nul ne saurait établir de mandat de perquisition à son endroit.

— Si le capitaine Kelkad consent à ce que le jury…

— Non, le coupe le juge Pringle. Même s’il acceptait, ce serait une trop lourde responsabilité. Si l’un des jurés venait à être blessé, je vous laisse imaginer les conséquences.

— On pourrait leur demander de signer une décharge, suggère Dale.

— Et si l’un d’eux refusait ? lui rétorque le juge. Nous irions droit à l’invalidation.

— Il y a des suppléants…

— Je ne tiens pas à créer une situation qui nous obligerait à piocher une fois de plus dans notre réserve de jurés. N’insistez pas, maître Rice. Si vous pensez trouver une preuve à bord du vaisseau, débrouillez-vous pour la présenter dans l’enceinte du tribunal. À présent, faisons entrer le jury et mettons-nous au travail.

Dale accorde un bref regard aux chaises vides des Tosoks, puis il se tourne vers le juge :

— La défense appelle le docteur Carla Hernandez à la barre. La jeune femme prête serment avant de s’asseoir.

— Docteur Hernandez, quelle profession exercez-vous ?

— Chirurgien-chef à l’USC Medical Center, comté de Los Angeles.

— À ce titre, avez-vous participé à une opération menée sur un patient tosok ?

— En effet.

— Veuillez nous décrire les circonstances de cette intervention.

— Le 18 mai dernier, le Tosok nommé Hask a été blessé par balle. Son état nécessitait une intervention dans les plus brefs délais, afin d’extraire le projectile logé dans sa poitrine. L’opération a été pratiquée par un de ses congénères, Stant, que j’ai eu l’honneur d’assister.

— Lors d’une opération sur un patient humain, celui-ci reste-t-il habillé ?

— Non, bien sûr, répond le docteur Hernandez avec un sourire en coin.

— La partie du corps concernée par l’intervention est généralement dénudée, exact ?

— Exact.

— A-t-on dépouillé Hask de ses vêtements avant de l’opérer ?

— Je lui ai retiré sa tunique, puis j’ai recouvert son torse d’un champ stérile de sorte à ne laisser paraître que la blessure.

— Stant était-il alors présent dans la salle d’opération ?

— Pas encore. À ce moment-là, il s’entraînait au maniement de nos instruments dans la salle voisine.

— Ainsi, vous seule avez vu le torse de Hask dans son entier ce jour-là ?

— Moi et trois infirmières.