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— Seltar ! s’exclame Kelkad (le nom n’a pas tout à fait la même sonorité dans sa langue d’origine). Kestadt pastalk ge-tongk !

— Si ça veut dire : je te croyais morte, alors vous n’êtes pas au bout de vos surprises, jubile Perez.

— Ça devrait aller, fait Seltar, toujours à l’écran. Vous pouvez arrêter les autres à présent.

Michaelson s’avance et éteint le magnétoscope, rendant l’écran à La Roue de la fortune.

— Bon, reprend Perez. Qui d’entre vous est Dodnaskak ? Une main ventrale se lève docilement.

— Dodnaskak, vous avez le droit d’observer le silence…

— Où est Hask ? l’interrompt Kelkad.

— Ne vous occupez pas de ça.

— Il est ici, pas vrai ?

— C’est sans importance. Je vous conseille une fois de plus de ne rien dire avant d’avoir consulté un avocat.

— Il est ici, répète Kelkad dont les orifices respiratoires se dilatent. Je le sens.

— Restez où vous êtes, Kelkad.

Perez fait un signe à un des policiers qui porte la main à son étui de revolver.

— Garde tes menaces, homme.

— Nous ne vous laisserons pas partir.

— Cela fait trop longtemps que nous nous soumettons à votre stupidité de primitifs, reprend Kelkad en reculant, les yeux fixés sur Perez.

— Arrêtez ! lui crie celui-ci.

Michaelson dégaine son revolver, aussitôt imité par ses quatre collègues.

— Arrêtez ou nous tirons !

— Vous ne tueriez pas un ambassadeur, réplique Kelkad dont les longues jambes avalent la distance qui le sépare de l’ascenseur.

— Nous avons le droit d’user de la force pour vous soumettre, le prévient Perez.

Michaelson a son revolver braqué sur Kelkad alors que ses quatre collègues visent les Tosoks restants qui observent une immobilité parfaite, à part leurs toupets qui ondulent comme un champ de blé au vent.

— Je sais que Hask se trouve dans ce bâtiment, reprend Kelkad. Il va devoir s’expliquer devant moi.

— Plus un pas, gronde Perez.

Michaelson bouge son arme d’un poil, ajustant son tir sur le bouton d’appel de l’ascenseur, puis il fait feu. Le canon crache une courte flamme et le bouton explose dans une gerbe d’étincelles.

— La prochaine fois, ce sera vous, déclare-t-il en pointant de nouveau son revolver sur Kelkad.

— Très bien, dit celui-ci.

Il s’immobilise et lève son bras ventral vers le plafond. Lorsque son second bras, jusque-là caché derrière son dos, émerge au-dessus de sa tête bombée, Perez a à peine le temps de distinguer un objet brillant dans sa main qu’un éclair jaillit de celle-ci, accompagné d’un vacarme évoquant le bruit de la tôle froissée. Michaelson est projeté contre le mur le plus proche. Perez virevolte et aperçoit un trou bien net d’environ trois centimètres de diamètre au beau milieu de la poitrine du policier. Celui-ci s’affaisse lentement vers le sol en laissant une longue traînée sanglante sur le mur derrière lui.

Encore quatre éclairs, quatre nouveaux coups de tonnerre et les derniers flics en uniforme rejoignent leur compagnon dans la mort.

— Ne m’obligez pas à vous tuer aussi, inspecteur Perez, fait Kelkad, menaçant. Croyez-vous que j’allais continuer à me promener sans arme, après l’attentat perpétré contre Hask ?

Perez se penche immédiatement pour ramasser le revolver de Michaelson étendu sur le sol, mais le temps qu’il l’ait en main, Kelkad s’est engouffré dans l’aile droite du bâtiment. Perez se déplace de biais, son arme braquée vers ses cinq prisonniers qui, eux, n’ont pas l’air armés. Il ramasse un deuxième revolver au passage, mais un autre a atterri presque aux pieds d’un des Tosoks. Pas moyen de le récupérer sans risquer de se faire attaquer. D’un autre côté, il ne peut pas s’élancer derrière Kelkad en laissant les armes restantes aux mains des autres Tosoks. Alors, il glisse un des revolvers dans la ceinture de son pantalon et gardant l’autre pointé vers les Tosoks, il tire son portable de la poche de sa veste afin d’appeler des renforts.

Hask achève de rassembler ses affaires dans la chambre qu’il occupait au deuxième étage de Valcour Hall. Maintenant que les autres vont être conduits en prison, il n’a plus aucune raison de demeurer dans cet immense bâtiment que l’Université destinait d’ailleurs à un tout autre usage.

La perspective d’être considéré comme un traître par les siens et de ne jamais revoir son monde d’origine n’a rien d’agréable, mais du moins ces quelques effets lui rappelleront-ils le passé. Hask ramasse avec soin le lostartd, le disque peint qui décorait son intérieur. Maintenant que les deux moitiés ont été recollées, la cassure n’est visible que lorsqu’on le dirige de biais vers la lumière. Il le dépose délicatement dans la valise prêtée par Frank, glissé entre deux tuniques pour plus de précaution.

Soudain, l’écho d’une détonation déchire le silence. Cela venait des étages supérieurs. Les quatre cœurs de Hask se mettent à battre de façon désordonnée. Ce bruit lui rappelle le coup de feu qui lui a transpercé la poitrine sur la pelouse, au pied de ce même immeuble. Quelques secondes plus tard, c’est un souffleur tosok qui aboie à cinq reprises. Par Dieu ! L’un d’eux a donc apporté un souffleur avec lui. À la connaissance de Hask, l’équipement du vaisseau ne comprenait pas d’armes individuelles – après tout, il n’était pas prévu qu’ils entrent en contact avec la population terrienne.

La raison de ce vacarme lui apparaît brusquement : les autres refusent de se laisser appréhender. Un autre bruit, faible et lointain, parvient à son ouïe ultrasensible : des pas sur un sol en ciment… Un de ses congénères est en train de descendre l’escalier.

Il a compté cinq détonations du souffleur, ce qui veut dire que cinq hommes y ont probablement laissé la vie. Et il se pourrait bien que leur meurtrier soit à sa recherche.

La résidence est vaste. À supposer que Kelkad – qui d’autre que leur capitaine se serait muni d’une arme individuelle ? – se soit trouvé au sixième, il lui faudra descendre quatre étages avant de l’atteindre. Le bruit de pas provient clairement de la cage d’escalier, à l’autre bout du bâtiment. Ainsi, il devra également parcourir la longueur des deux ailes pour parvenir à sa chambre.

Hask envisage un instant de fuir en brisant la fenêtre et en sautant sur la pelouse en contrebas. Ce ne serait pas une petite chute mais la gravité étant moindre sur Terre, il aurait de grandes chances de s’en tirer vivant. Il lui faudrait ensuite traverser le campus à toutes jambes. L’ennui, c’est qu’un souffleur a une portée de plusieurs centaines de mètres – il serait alors facile à Kelkad de l’abattre. Non, il livrera bataille ici même.

Hask a acquis une bonne connaissance des lois humaines. Quelqu’un s’apprête à le menacer d’une arme redoutable et il ne fait aucun doute que sa vie est en danger. Il est donc tout à fait en droit de faire usage de la force pour se défendre, fût-ce au prix de la vie de son assaillant.

Si seulement il possédait lui-même une arme…

Le capitaine Kelkad a déjà descendu deux étages, même s’il a failli perdre l’équilibre à plusieurs reprises – les marches humaines sont trop étroites pour lui et la rampe ne lui est d’aucune aide. Il poursuit néanmoins sa descente, de palier en palier, jusqu’au second. De son bras ventral, il pèse sur la barre horizontale commandant l’ouverture de la porte, puis il recule d’un pas et repousse le battant avec violence tout en s’abritant derrière lui. il risque un œil dans le couloir : nulle trace de Hask, ni de quiconque. Il s’accorde une pause. Son souffle est saccadé, ses orifices respiratoires frémissants captent les phéromones de Hask, flottant dans sa direction. Sans doute est-il dans sa chambre, à l’autre bout du corridor… L’endroit idéal pour exécuter un traître.