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– À moins qu'il ait un jumeau, et ça se saurait, je n'en ai aucun doute. Maintenant, on range nos affaires, on essaie de dormir deux heures et on fiche le camp dès le lever du jour.

– C'est si grave que ça ?

– Je ne sais pas encore dans quel pétrin s'était fourrée votre grand-mère, mais nous avons mis les pieds en plein dedans et, croyez-moi, nous n'avons pas affaire à des enfants de chœur.

– Vous croyez qu'il aurait pu être complice de ma grand-mère ?

Andrew réfléchit un instant à la question de Suzie.

– Ça ne collerait pas avec le témoignage de Broody sur leur dispute.

– Il a pu se dégonfler au dernier moment, c'est peut-être même lui qui l'a dénoncée.

– De sa part, rien ne me surprendrait, mais je suis heureux de constater que vous envisagiez enfin que votre grand-mère ait pu trahir son pays.

– Par moments, je vous déteste, Stilman, dit Suzie.

– Vous m'avez demandé de vous aider à trouver la vérité, pas d'être aimable !

1. Environ 30 centimètres.

11.

Andrew réveilla Suzie aux premières lueurs de l'aube. Elle dormait au pied du canapé où il avait trouvé le sommeil quelques courtes heures.

Ils éteignirent les lumières et Suzie referma à clé la porte de la maison de sa grand-mère.

Ils s'engagèrent sur le chemin qui menait à l'embarcadère. La neige recommençait à tomber. Les flocons mourant sur le lac imprimaient à la scène une grâce apaisante.

Andrew aida Suzie à s'installer dans la barque.

– Merci de m'avoir accompagnée jusqu'ici, dit-elle en prenant place sur la banquette.

Le reste de la traversée se fit en silence, on n'entendait que le ronronnement du petit moteur et le chuintement de l'étrave. Suzie ne quitta pas un instant du regard l'île qui s'éloignait. Andrew prit la direction opposée de Schroon Lake. Il accosta au pied d'un chemin de terre qu'il avait repéré et échoua la barque sur la berge.

Ils traversèrent un bois. Suzie affrontait la neige, insensible aux morsures du froid, comme si une partie d'elle était restée sur l'île.

Ils rejoignirent la route après une heure de marche. Andrew leva le pouce et le premier camion qui passa s'arrêta pour les prendre à son bord.

Le chauffeur ne leur posa aucune question, dans cette région la discrétion était de mise et personne n'aurait laissé deux voyageurs perdus dans l'hiver.

Le semi-remorque remontait vers le nord, Andrew et Suzie allaient au sud. Le routier lança un appel de sa CB pour savoir si l'un de ses collègues se dirigeait vers New York.

Le transbordement se fit à une station essence, à quinze kilomètres de la frontière canadienne. Andrew se demanda s'il n'aurait pas été plus prudent de la franchir.

Leur nouveau chauffeur n'était pas plus bavard que le précédent. Andrew et Suzie dormirent pendant les huit heures que dura le voyage. Ils descendirent du camion devant les quais d'un entrepôt de Jersey City. De l'autre côté de l'Hudson River, New York brillait dans la nuit naissante.

– Ça fait du bien d'être de retour chez soi, dit Andrew.

Ils empruntèrent le ferry et décidèrent de prendre un peu l'air en s'installant sur le pont. Par le froid qui régnait, ils étaient les deux seuls passagers à avoir fait ce choix.

– Il y a quelque chose qui ne colle pas, dit Andrew. Morton habite à une soixantaine de kilomètres de cette île, je n'arrive pas à croire qu'il n'ait pas eu la curiosité de s'y rendre.

– Qui vous dit qu'il ne l'a pas fait ?

– Il n'y avait rien dans ses notes à ce sujet. Je l'appellerai pour en avoir le cœur net.

– Qu'est-ce que cela nous apportera ?

– Ce sont ses notes qui nous ont mis sur la piste de la maison de votre grand-mère, il en sait certainement plus qu'il n'a voulu me le dire.

– Je dois appeler Knopf, dit Suzie.

– Souvenez-vous des recommandations de votre grand-mère à sa fille dans la lettre. Ne faire confiance à personne. Vous devriez les reprendre à votre compte. Ce soir, nous dormirons à l'hôtel, j'ai du liquide sur moi. Ne rallumez pas votre portable.

– Vous êtes méfiant à ce point ?

– Hier après-midi, sur le ponton, je ne me méfiais pas et j'avais tort.

– Et demain, que ferons-nous ?

– J'ai passé la nuit dernière à réfléchir. La liaison qu'entretenait votre grand-mère a peut-être précipité son sort, mais j'ai du mal à croire qu'elle ait causé sa perte. Si nous avons des gens aussi déterminés à nos trousses, c'est pour d'autres raisons et je pense avoir deviné l'une d'elles.

Le ferry accosta à South Seaport. Andrew et Suzie se firent déposer en taxi devant le Marriott dont Andrew avait, plus que quiconque, fréquenté le bar.

À peine installé dans la chambre, il voulut y descendre au prétexte de passer un coup de téléphone.

– Vous êtes en manque ? questionna Suzie.

– J'ai soif, c'est tout.

– Mathilde disait la même chose avant d'aller se saouler, poursuivit Suzie en ouvrant le minibar. Elle avait soif, elle aussi ! J'étais gamine, alors j'allais dans la cuisine lui chercher de quoi se désaltérer.

Suzie saisit une canette de soda et la lança à Andrew qui la rattrapa au vol.

– Maman me prenait des mains le verre de Coca Cola que je lui avais apporté, poursuivit Suzie, et le posait sur le premier meuble à sa portée. Elle me caressait la joue avec un sourire condescendant et sortait de la maison. Vous avez soif, disiez-vous ?

Andrew fit rouler la canette dans sa main avant de la poser sans ménagement sur la desserte. Il quitta la chambre en claquant la porte.

*

Andrew s'était installé au comptoir. Le barman le salua et lui servit un Fernet-Coca qu'il but d'un trait. Il s'apprêtait à le resservir quand Andrew arrêta son geste.

– Je peux t'emprunter un téléphone ? Je n'ai plus de batterie. C'est un appel local.

Le barman lui confia son portable. Andrew recomposa trois fois de suite le numéro de Ben Morton, sans succès. Morton lui avait pourtant dit de le joindre le soir et, d'après ce qu'Andrew avait pu constater, il était peu probable que le vieux reporter soit sorti faire la bringue. Andrew finit par s'en inquiéter. Un homme qui vivait aussi isolé du monde n'était pas à l'abri d'un accident.

Il appela les renseignements pour obtenir le numéro de la station-service de Turnbridge dans le Vermont. L'opératrice lui proposa de le mettre en relation avec son correspondant.

Le garagiste se souvint d'Andrew et voulut savoir comment s'était passée sa rencontre avec ce vieux con de Morton, Andrew lui expliqua qu'il cherchait justement à le joindre et s'inquiétait à son sujet.

Andrew insista longuement, le garagiste accepta d'aller voir le lendemain si son ennemi juré se portait bien, se sentant obligé d'ajouter que s'il le trouvait terrassé par un arrêt cardiaque il n'irait pas à ses obsèques.

Andrew hésita un instant à trahir un secret et, n'y résistant plus, confia au garagiste que Morton lui avait avoué n'avoir jamais couché avec sa sœur. Le garagiste lui répondit que le contraire l'aurait bien étonné, puisqu'il était fils unique.

*

La sonnerie du téléphone ne cessait de retentir. Exaspérée, Suzie sortit de son bain et décrocha.

– Mais qu'est-ce que vous faites, bon sang, ça fait dix fois que j'appelle !

– Je m'habille !

– Je vous attends en bas, j'ai faim, râla Andrew en raccrochant.

Suzie le retrouva assis à une table accolée à la vitre. À peine l'avait-elle rejoint que le serveur déposa devant elle un plat de pâtes et une pièce de bœuf devant Andrew.