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Andrew se dirigea vers le planisphère punaisé à la porte du bureau.

– C'est tout l'effet que ça vous fait ? râla Dolorès

– Si je vous disais que cette folie était préméditée depuis près de cinquante ans, vous me croiriez ?

– Si vous le dites. Vous allez publier ?

– Hélas, je n'ai plus les preuves pour écrire un papier sur ce qui fut l'une des plus belles saloperies imaginées par l'homme, de quoi pourtant décrocher le Pulitzer.

– Où sont ces preuves ?

– Là-bas, dit Andrew en pointant son index sur le nord de la carte du monde. Quelque part dans les poches de son beau manteau blanc.

– De qui parlez-vous ?

– De Snegourotchka, la Demoiselle des neiges.

– Et ces preuves sont définitivement perdues ?

– Qui sait ? Après tout, le Pulitzer peut bien attendre quelques années, ajouta-t-il en repartant vers son bureau.

Et une fois seul dans l'ascenseur, Andrew alluma son portable, regarda les photos qu'il contenait et sourit. Peut-être à l'idée d'aller prendre un peu plus tard un Fernet-Coca au bar du Marriott, peut-être pas.

*

Valérie avait quitté son bureau comme chaque soir aux environs de 18 heures. Elle se dirigea vers la station de métro. Une femme se tenait adossée à un réverbère, un grand sac à ses pieds. Valérie reconnut aussitôt celle qui la fixait du regard.

– Il vous attend au bar du Marriott, dit Suzie. S'il vous demande de lui offrir une seconde chance, réfléchissez. Andrew est un homme dont les défauts ne se comptent pas, mais c'est quelqu'un de formidable. Il vous a dans la peau. Trop tard n'existe pas quand on la chance que celui qui vous aime soit encore là pour vous le prouver.

– Il vous a vraiment dit cela ? demanda Valérie.

– D'une certaine façon, oui.

– Vous avez couché avec lui ?

– Je l'aurais fait volontiers s'il avait bien voulu. Il lui a fallu beaucoup de courage pour parcourir le chemin qui menait à vous.

– Il m'en a fallu beaucoup pour me reconstruire après son départ.

Suzie plongea son regard dans les yeux de Valérie et lui sourit.

– Je vous souhaite d'être heureux, lui dit-elle.

– C'était très courageux de votre part, de venir me voir ce soir, ajouta Valérie.

– Le courage n'est qu'un sentiment plus fort que la peur, répondit Suzie en soulevant son baluchon.

Elle salua Valérie et s'éloigna.

*

Un quart d'heure plus tard, un taxi s'arrêta au coin de Broadway et de la 48e Rue, Valérie régla la course et entra dans le bar du Marriott.

Épilogue

Le 24 janvier suivant, Suzie Walker, accompagnée de trois guides de montagne, entreprit l'ascension du mont Blanc. La dépouille de Shamir fut restituée à ses parents.

Suzie ne retourna jamais plus en France. Deux ans plus tard, au terme d'un entraînement acharné, elle escalada l'Himalaya. Arrivée au sommet, elle planta son piolet et y noua une écharpe.

Ceux qui réussissent à y grimper peuvent encore voir ce morceau d'étoffe rouge claquer dans le vent.

Note de l'auteur

Les informations communiquées par Dolorès Salazar dans son rapport à Andrew sont toutes véridiques.

Sources documentaires

Duncan Clarke, Empires of Oil : Corporate Oil in Barbarian Worlds, Londres, Profile Books, 2007.

Martha Cone, Silent Snow : The Slow Poisoning of the Arctic, New York, Grove Press, 2005.

Pier Horensma, The Soviet Arctic, Londres, Routledge, 1991.

Leonardo Maugeri, The Age of Oil, Westport, Praeger, 2006.

Charles Emmerson, The Future History of the Arctic, New York, PublicAffairs, 2010.

« Increase in the rate and uniformity of coastline erosion in Arctic Alaska », in Geophysical Research Letter, 2009.

... Et de nombreux autres articles.

Merci à

Pauline, Louis et Georges.

Raymond, Danièle et Lorraine.

Susanna Lea.

Emmanuelle Hardouin.

Nicole Lattès, Leonello Brandolini, Antoine Caro.

Élisabeth Villeneuve, Anne-Marie Lenfant, Caroline Babulle, Arié Sberro, Sylvie Bardeau, Lydie Leroy,

toutes les équipes des Éditions Robert Laffont.