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George R.R. Martin

Une danse avec les dragons

Ce volume est pour mes fans

pour Lodey, Trebla, Stego, Pod, Caress, Yags, X-Ray et Mr. X, Kate, Chataya, Mormont, Mich, Jamie, Vanessa, Ro,

pour Stubby, Louise, Agravaine, Wert, Malt, Jo, Mouse, Telisiane, Blackfyre, Bronn Stone, Coyote’s Daughter

et le reste des cinglés et des folles furieuses de la Confrérie sans Bannières

pour les sorciers de mon site web Elio et Linda, seigneurs de Westeros, Winter et Fabio de WIC,

et Gibbs de Dragonstone, à l’origine de tout

pour les hommes et les femmes d’Asshai en Espagne

qui nous ont chanté un ours et une gente damoiselle

et les fabuleux fans d’Italie

qui m’ont tant donné de vin

pour mes lecteurs en Finlande, Allemagne, Brésil, Portugal, France et Pays-Bas et tous les autres pays lointains

où vous attendiez cette danse

et pour tous les amis et les fans

qu’il me reste encore à rencontrer

Merci de votre patience

Daenerys

La salle retentissait de rires yunkaïis, de chants yunkaïis, de prières yunkaïies. Des danseurs évoluaient ; des musiciens exécutaient d’étranges mélodies à grand renfort de cloches, de couinements et d’outres ; les chanteurs interprétaient de vieilles ballades d’amour dans la langue impénétrable de l’antique Ghis. Le vin coulait à flots – non point la piètre piquette de la baie des Serfs, mais les riches crus liquoreux de La Treille et le vinsonge de Qarth, que parfumaient des épices inconnues. Sur l’invitation du roi Hizdahr, les Yunkaïis étaient venus signer la paix et assister à la renaissance des arènes de combat de Meereen, réputées au plus loin. Pour leur faire fête, le noble époux de Daenerys Targaryen avait ouvert les portes de la Grande Pyramide.

J’exècre tout cela, songeait-elle. Comment en suis-je arrivée à boire et à sourire avec des hommes que je voudrais écorcher vifs ?

On servait une douzaine de variétés de viandes et de poissons : du chameau, du crocodile, de la pieuvre chanteuse, du canard laqué et des larves épineuses, avec de la chèvre, du jambon et du cheval pour ceux dont les goûts inclinaient moins vers l’exotisme. Et du chien. Aucun banquet ghiscari n’aurait été complet sans son plat de chien. Les cuisiniers d’Hizdahr savaient préparer l’animal de quatre façons différentes. « Les Ghiscaris mangent tout ce qui nage, vole ou rampe, l’homme et le dragon exceptés, l’avait avertie Daario. Et le dragon, ils en mangeraient aussi, je parie, pour peu que la moindre occasion se présente. » Toutefois, la viande seule n’assurait pas un repas, aussi y avait-il de même des fruits, des graines, des légumes. L’air embaumait des fragrances du safran, de la cannelle, du clou de girofle, du poivre et d’autres aromates de grand prix.

À peine Daenerys avala-t-elle une bouchée. C’est la paix, se répétait-elle. Ce que je voulais, ce pour quoi j’ai œuvré, la raison de mon mariage avec Hizdahr. Alors, pourquoi tout cela a-t-il un tel goût de défaite ?

« Ça ne durera plus très longtemps, mon amour, lui avait certifié Hizdahr. Les Yunkaïis vont bientôt se retirer et, avec eux, leurs alliés et leurs séides. Nous aurons tout ce que nous désirions. La paix, des vivres, le commerce. Notre port est de nouveau ouvert, et les navires ont le loisir d’aller et de venir.

— Ils nous en donnent la permission, certes, avait-elle riposté, mais leurs navires de guerre ne bougent pas. Ils peuvent refermer les doigts sur notre gorge dès qu’ils le souhaiteront. Ils ont installé un marché aux esclaves en vue de mes remparts !

— À l’extérieur de nos remparts, douce reine. C’était une des conditions de la paix, que les Yunkaïis soient comme auparavant libres de trafiquer des esclaves, sans qu’on leur porte atteinte.

— Dans leur propre cité. Pas en un lieu où je dois en être témoin. » Les Judicieux avaient établi leurs enclos d’esclaves et l’estrade des ventes juste au sud de la Skahazadhan, à l’endroit où le vaste fleuve brun se jetait dans la baie des Serfs. « Ils me rient au nez, et exécutent toute une mise en scène pour exhiber mon impuissance à les arrêter.

— Des poses et des postures, assura son noble époux. Une mise en scène, tu le dis toi-même. Qu’ils se livrent donc à leurs simagrées. Une fois qu’ils seront partis, nous convertirons ce qu’ils ont laissé derrière eux en marché aux fruits.

— Une fois qu’ils seront partis, répéta Daenerys. Et quand partiront-ils ? On a signalé des cavaliers sur l’autre rive de la Skahazadhan. Des éclaireurs dothrakis, selon Rakharo, que suit un khalasar. Ils doivent avoir des captifs. Des hommes, des femmes et des enfants, des présents pour les marchands d’esclaves. » Les Dothrakis n’achetaient ni ne vendaient rien : ils offraient des cadeaux et en recevaient. « Voilà pourquoi les Yunkaïis ont dressé leur marché. Ils repartiront d’ici avec des milliers de nouveaux esclaves. »

Hizdahr zo Loraq haussa les épaules. « Mais ils repartiront. Voilà ce qui importe, mon amour. Yunkaï s’adonnera au trafic d’esclaves, pas Meereen, tel est l’accord conclu. Supporte un petit moment encore, et cela disparaîtra. »

Aussi Daenerys siégea-t-elle en silence durant le repas, enveloppée d’un tokar vermillon et de noires pensées, ne parlant que lorsqu’on s’adressait à elle, songeant aux hommes et aux femmes qu’on achetait ou vendait sous ses murailles, tandis qu’on festoyait ici, dans la cité. Que son noble époux prononce les discours et rie aux mauvaises plaisanteries yunkaïies. Tel était le privilège du roi, et tel son devoir.

Une grande part de la conversation autour de la table roulait sur les affrontements qui auraient lieu le lendemain. Barséna Cheveux-noirs allait se mesurer à un sanglier, défenses contre poignard. Khrazz disputerait un combat singulier, de même que le Félin moucheté. Et au cours du dernier affrontement de la journée, Goghor le Géant se mesurerait à Belaquo Briseur-d’os. Avant le coucher du soleil, l’un des deux serait mort. Aucune reine n’a les mains nettes, se répétait Daenerys. Elle songea à Doreah, à Quaro, à Eroeh… à une petite fille qu’elle n’avait jamais rencontrée et qui se nommait Hazzéa. Mieux vaut que quelques-uns périssent dans l’arène, plutôt que des milliers devant les portes. Tel est le prix de la paix. Je l’acquitte volontiers. Si je regarde en arrière, c’en est fait de moi.

Le commandant suprême yunkaïi, Yurkhaz zo Yunzak, aurait pu avoir connu la Conquête d’Aegon, à juger sur sa mine. Ridé, édenté, le dos cassé, il fut porté jusqu’à la table par deux vigoureux esclaves. Les autres seigneurs yunkaïis n’étaient guère plus impressionnants. L’un d’eux était menu et courtaud, bien que les esclaves qui le servaient fussent d’une taille et d’une maigreur grotesques. Le troisième était jeune, musclé et séduisant, mais tellement ivre que Daenerys avait du mal à comprendre un traître mot de ce qu’il disait. Comment ai-je pu être acculée dans une telle situation par pareilles créatures ?

Les épées-louées étaient une autre affaire. Chacune des quatre compagnies libres au service de Yunkaï avait délégué son commandant. Les Erre-au-Vent étaient représentés par le noble pentoshi qu’on appelait le Prince en Guenilles, les Longues Lances par Gylo Rhegan, qui ressemblait plus à un cordonnier qu’à un soldat, et parlait par murmures. Barbesang, de la Compagnie du Chat, produisait assez de vacarme pour lui et une douzaine d’autres. Colosse doté d’une grande barbe en broussaille et d’un prodigieux appétit pour le vin et les femmes, il beuglait, rotait, pétait avec la force d’un coup de tonnerre, et pinçait toutes les servantes qui passaient à portée de main. De temps en temps, il en attrapait une pour l’asseoir sur ses genoux, lui pétrir les seins et la palper entre les jambes.