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« La moitié de Meereen sera là pour me voir, tendre cœur.

— Votre Grâce, ma personne sollicite la permission de dire que la moitié de Meereen sera là pour regarder des hommes saigner et mourir. »

Elle n’a pas tort, reconnut la reine, mais cela n’a pas d’importance.

Bientôt, Daenerys fut aussi propre qu’elle pouvait l’être. Elle se remit debout, dans de légères éclaboussures. L’eau lui ruissela le long des jambes ou perla sur ses seins. Le soleil s’élevait dans le ciel, et son peuple ne tarderait pas à s’assembler. Elle aurait préféré se laisser dériver toute la journée dans les eaux parfumées du bassin, à grignoter des fruits glacés sur des plateaux d’argent, en rêvant d’une maison à la porte rouge, mais une reine se devait à son peuple, et non à elle-même.

Jhiqui apporta une serviette moelleuse pour la sécher, en la tapotant. « Khaleesi, quel tokar voulez-vous, ce jour ? s’enquit Irri.

— Celui en soie jaune. » La reine des lapins ne pouvait paraître sans ses longues oreilles. La soie jaune était légère et fraîche, et il régnerait dans l’arène une chaleur de fournaise. Les sables rouges cuiront la plante des pieds de ceux qui vont mourir. « Et par-dessus, les longs voiles rouges. » Les voiles empêcheraient le vent de lui projeter du sable dans la bouche. Et le rouge masquera d’éventuelles éclaboussures de sang.

Tandis que Jhiqui se chargeait de brosser les cheveux de Daenerys et Irri de peindre ses ongles, elles bavardaient gaiement en discutant des combats de la journée. Missandei réapparut. « Votre Grâce. Le roi vous prie de le rejoindre quand vous serez habillée. Et le prince Quentyn est ici avec ses Dorniens. Ils sollicitent une entrevue, n’en déplaise à Votre Grâce. »

Peu de choses ne me déplairont pas, aujourd’hui. « Quelque autre jour. »

À la base de la Grande Pyramide, ser Barristan les attendait auprès d’un palanquin ouvert et ornementé, entouré de Bêtes d’Airain. Ser Grand-Père, se dit Daenerys. Malgré son âge, il paraissait grand et plein de prestance dans l’armure qu’elle lui avait donnée. « Je serais plus heureux si vous aviez aujourd’hui des gardes immaculés à vos côtés, Votre Grâce, déclara le vieux chevalier, tandis qu’Hizdahr allait saluer son cousin. La moitié de ces Bêtes d’Airain sont des affranchis novices. » Et l’autre moitié, des Meereeniens aux allégeances douteuses, ne voulut-il pas dire. Selmy se défiait de tous les Meereeniens, même des crânes-ras.

« Et novices ils resteront, jusqu’à ce que nous les mettions à l’épreuve.

— Un masque peut dissimuler bien des choses, Votre Grâce. Celui qui se cache derrière son masque de chouette est-il cette même chouette qui vous gardait hier, ou le jour d’avant ? Comment le savoir ?

— Comment Meereen aura-t-elle jamais confiance dans les Bêtes d’Airain, si nous n’en avons pas ? Ce sont de braves et vaillants guerriers, sous ces masques. Je remets ma vie entre leurs mains. » Daenerys sourit à ser Barristan. « Vous vous inquiétez trop, ser. Je vous aurai près de moi, de quelle autre protection ai-je besoin ?

— Je suis un vieil homme, Votre Grâce.

— Belwas le Fort sera également à mes côtés.

— À vos ordres. » Ser Barristan baissa la voix. « Votre Grâce. Nous avons libéré cette Meris, comme vous l’aviez demandé. Avant de partir, elle a souhaité vous parler. C’est moi qui suis allé la rencontrer, en fait. Elle prétend que leur Prince en Guenilles avait depuis le début l’intention de rallier les Erre-au-Vent à votre cause. Qu’il l’a envoyée ici traiter en secret avec vous, mais que les Dorniens les ont démasqués et trahis avant qu’elle ait pu initier ses propres approches. »

Trahison sur trahison, songea la reine avec lassitude. Tout cela n’aura-t-il jamais de fin ? « Quelle part de ses dires croyez-vous ?

— Tant et moins, Votre Grâce, mais telles ont été ses paroles.

— Se rallieront-ils à nous, au besoin ?

— Elle le prétend. Mais cela aura un prix.

— Versez-le. » Meereen avait besoin de fer, pas d’or.

« Le Prince en Guenilles ne se contentera pas de numéraire, Votre Grâce. Meris déclare qu’il veut Pentos.

— Pentos ? » Les yeux de la reine se rétrécirent. « Comment pourrais-je lui donner Pentos ? La cité se trouve à une moitié de monde d’ici.

— Il serait disposé à patienter, a laissé entendre cette Meris. Jusqu’à ce que nous marchions sur Westeros. »

Et si je ne marche jamais sur Westeros ? « Pentos appartient aux Pentoshis. Et maître Illyrio habite à Pentos. C’est lui qui a arrangé mon mariage avec le khal Drogo et qui m’a donné mes œufs de dragon. Qui vous a envoyé à moi, ainsi que Belwas, et Groleo. Je lui dois énormément. Je refuse de rembourser cette dette en livrant sa cité à une épée-louée. C’est non. »

Ser Barristan inclina la tête. « Votre Grâce est sage.

— As-tu jamais vu journée se présenter sous de meilleurs auspices, mon amour ? » commenta Hizdahr zo Loraq lorsqu’elle le rejoignit. Il aida Daenerys à monter dans le palanquin, où deux hauts trônes étaient installés côte à côte.

« De meilleurs auspices pour toi, peut-être. Moins pour ceux qui vont devoir mourir avant le coucher du soleil.

— Tous les hommes doivent mourir, répondit Hizdahr, mais tous n’auront pas droit à une mort glorieuse, avec les ovations de la cité qui résonnent à leurs oreilles. » Il leva une main à l’adresse des soldats aux portes. « Ouvrez. »

La plaza qui s’étendait devant la pyramide de Daenerys était pavée de briques multicolores, et la chaleur en montait par ondoiements. Partout, les gens se pressaient. Certains se déplaçaient dans des litières ou en chaises à porteurs, d’autres chevauchaient des ânes, beaucoup allaient à pied. Neuf sur dix se dirigeaient vers l’ouest, en suivant la large artère de brique qui menait à l’arène de Daznak. Quand les plus proches badauds aperçurent le palanquin qui émergeait de la pyramide, des vivats s’élevèrent, pour se propager sur toute la plaza. Comme c’est étrange, songea la reine. Ils m’applaudissent, sur cette même plaza où j’ai fait empaler cent soixante-trois Grands Maîtres.

Un énorme tambour ouvrait la voie à la procession royale pour dégager le passage à travers les rues. Entre chaque coup, un héraut crâne-ras en cotte de disques en bronze poli criait à la foule de s’écarter. Boumm. « Ils approchent ! » Boumm. « Faites place ! » Boumm. « La reine ! » Boumm. « Le roi ! » Boumm. Derrière le tambour marchaient des Bêtes d’Airain, à quatre de front. Certaines portaient des casse-tête, d’autres des bâtons ; toutes étaient revêtues de jupes plissées, de sandales de cuir et de capes bigarrées cousues de carrés multicolores, en écho aux briques polychromes de Meereen. Leurs masques flamboyaient au soleil : des sangliers et des taureaux, des faucons et hérons, des lions et des tigres et des ours, des serpents à la langue bifide et de hideux basilics.

Belwas le Fort, qui n’aimait guère les chevaux, marchait devant eux dans son gilet clouté, sa bedaine brune couturée de cicatrices ballottant à chaque pas. Irri et Jhiqui suivaient montées, avec Aggo et Rakharo, puis Reznak dans une chaise à porteurs dotée d’un auvent pour protéger sa tête du soleil. Ser Barristan Selmy chevauchait au côté de Daenerys, son armure fulgurant au soleil. Une longue cape lui tombait des épaules, décolorée jusqu’à la blancheur de l’os. À son bras gauche s’accrochait un grand bouclier blanc. Un peu en arrière venait Quentyn Martell, le prince dornien, avec ses deux compagnons.