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Le froid a dû tuer les araignées, désormais, songea Jon, et les rats fourniront une utile source de viande, quand l’hiver sera venu. « Tout cela est vrai, Votre Grâce… mais même des ruines offrent quelque abri. Et le Mur se dressera entre eux et les Autres.

— Je vois que vous avez considéré tout cela avec soin, lord Snow. Je suis convaincue que le roi Stannis sera satisfait lorsqu’il rentrera triomphant de sa bataille. »

En supposant qu’il rentre.

« Bien entendu, poursuivit la reine, les sauvageons doivent commencer par reconnaître Stannis comme leur roi et R’hllor comme leur dieu. »

Et nous y voilà, face à face dans le goulet d’étranglement. « Votre Grâce, pardonnez-moi. Tels ne sont pas les termes de notre accord. »

Le visage de la reine se durcit. « Une sérieuse négligence. » Les vagues traces de chaleur qu’avait contenues sa voix s’évanouirent sur-le-champ.

« Le peuple libre ne s’agenouille pas, lui exposa Val.

— Alors on l’agenouillera, déclara la reine.

— Faites cela, Votre Grâce, et nous nous soulèverons de nouveau à la première occasion, promit Val. Et nous prendrons les armes. »

Les lèvres de la reine se pincèrent, et son menton fut pris d’un léger frémissement. « Vous êtes insolente. Je suppose qu’on ne peut pas s’attendre à autre chose, de la part d’une sauvageonne. Nous devrons vous trouver un époux qui vous enseignera la courtoisie. » La reine tourna ses regards vers Jon. « Je n’approuve pas, lord Commandant. Et le seigneur mon époux ne le fera pas non plus. Je ne puis vous retenir d’ouvrir votre porte, nous le savons fort bien tous les deux. Mais je vous promets que vous en répondrez quand le roi reviendra de la bataille. Peut-être souhaiterez-vous y réfléchir à deux fois.

— Votre Grâce. » Jon mit de nouveau un genou en terre. Cette fois-ci, Val ne suivit pas son exemple. « Je regrette que mes actes vous aient déplu. J’ai agi selon ce que j’estimais être le mieux. Ai-je votre autorisation de me retirer ?

— Vous l’avez. Sans délai. »

Une fois au-dehors, et hors de portée des hommes de la reine, Val laissa éclater son courroux. « Vous m’avez menti sur sa barbe. Cette femme a plus de poil au menton que je n’en ai entre les cuisses. Et la fille… son visage…

— La léprose.

— Nous appelons ça la mort grise.

— Elle n’est pas toujours mortelle, chez les enfants.

— Au nord du Mur, si. La ciguë est un remède sûr, mais un oreiller ou une lame opère aussi bien. Si j’avais donné naissance à cette pauvre enfant, je lui aurais accordé le don de miséricorde depuis longtemps. »

C’était une Val que Jon n’avait encore jamais vue. « La princesse Shôren est la fille unique de la reine.

— Je les plains toutes deux. L’enfant n’est pas saine.

— Si Stannis remporte sa guerre, Shôren deviendra l’héritière du trône de Fer.

— Alors, je plains vos Sept Couronnes.

— Les mestres disent que la léprose n’est pas…

— Que les mestres croient ce qu’ils veulent. Demandez à une sorcière des bois, si vous voulez la vérité. La mort grise sommeille, mais ce n’est que pour se réveiller. Cette enfant n’est pas saine !

— C’est une jeune fille qui semble gentille. Vous ne pouvez pas savoir…

— Si. Vous n’y connaissez rien, Jon Snow. » Val le saisit par le bras. « Je veux qu’on sorte le monstre d’ici. Lui, et ses nourrices. On ne peut pas les laisser dans la même tour que la morte. »

Jon dégagea sa main d’une secousse. « Elle n’est pas morte.

— Si. Sa mère ne le voit pas. Vous non plus, apparemment. Cependant, la mort est là. » Elle s’éloigna de lui, s’arrêta, se retourna. « Je vous ai amené Tormund Fléau-d’Ogres. Amenez-moi mon monstre.

— Si je le peux, je le ferai.

— Faites-le. Vous avez une dette envers moi, Jon Snow. »

Jon la regarda s’éloigner à grands pas. Elle se trompe. Il faut qu’elle se trompe. La léprose n’est pas aussi mortelle qu’elle le prétend, pas chez les enfants.

Fantôme avait à nouveau disparu. Le soleil était bas à l’ouest. Un gobelet de vin épicé me ferait du bien, en ce moment précis. Et deux, encore davantage. Mais cela devrait attendre. Il avait des adversaires à affronter. Des adversaires de la pire sorte : des frères.

Il trouva Cuirs qui patientait près de la cage à poulie. Tous deux montèrent ensemble. Plus ils s’élevaient et plus le vent forcissait. À cinquante pieds de hauteur, la lourde cage se mit à tanguer à chaque rafale. De temps en temps elle raclait contre le Mur, déclenchant de petites averses cristallines de glace qui scintillaient au soleil dans leur chute. Ils dépassèrent les plus hautes tours du château. À quatre cents pieds de hauteur, le vent avait des crocs, et il tirait sur sa cape noire, si bien qu’elle claquait bruyamment contre les barreaux de fer. À sept cents, il transperçait Jon tout net. Le Mur m’appartient, se remémora Jon, tandis que les hommes se balançaient dans la cage, pour deux jours encore, au moins.

Jon sauta sur la glace, remercia les hommes qui actionnaient la poulie et adressa un signe de tête aux piquiers en faction. Tous deux portaient des cagoules en laine enfoncée sur leur tête, si bien qu’on ne pouvait rien voir de leur visage, sinon leurs yeux, mais Jon reconnut Ty à la tresse brouillonne de noirs cheveux graisseux qui lui tombait dans le dos, et Owen à la saucisse qu’il avait enfoncée dans le fourreau à sa hanche. Il les aurait reconnus, de toutes façons, rien qu’à leur posture. Un bon seigneur doit connaître ses hommes. Son père avait un jour déclaré cela devant Robb et lui, à Winterfell.

Jon s’avança jusqu’au bord du Mur et baissa le regard vers la zone de bataille où avait péri l’ost de Mance Rayder. Il se demanda où était Mance, à cette heure. T’a-t-il jamais retrouvée, petite sœur ? Ou n’étais-tu qu’une ruse dont il a usé pour que je le relâche ?

Voilà si longtemps qu’il n’avait plus vu Arya. À quoi ressemblait-elle, à présent ? La reconnaîtrait-il, seulement ? Arya sous-mes-pieds. Elle avait tout le temps le visage sale. Aurait-elle encore cette petite épée qu’il avait demandé à Mikken de forger à son intention ? Frappe avec le bout pointu, lui avait-il dit. Sages paroles pour sa nuit de noces, si la moitié de ce qu’il avait entendu dire sur Ramsay Snow était véridique. Ramène-la à la maison, Mance. J’ai sauvé ton fils de Mélisandre et je vais maintenant sauver quatre mille personnes de ton peuple libre. Cette unique petite fille, tu me la dois.

Dans la forêt hantée au nord, les ombres de l’après-midi se faufilaient entre les arbres. Le ciel à l’occident était un embrasement rouge, mais à l’est pointaient les premières étoiles. Jon Snow plia les doigts de sa main d’épée, se remémorant tout ce qu’il avait perdu. Sam, bon gros couillon, tu m’as joué un tour bien cruel en me faisant lord Commandant. Un lord Commandant n’a pas d’amis.

« Lord Snow ? intervint Cuirs. La cage monte.

— Je l’entends. » Jon s’écarta du bord.

Les premiers à accomplir l’ascension furent les chefs de clan Flint et Norroit, vêtus de fourrures et de fer. Le Norroit ressemblait à un vieux goupil – ridé et menu de carrure, mais vif et l’œil rusé. Torghen Flint avait une demi-tête de moins mais devait peser le double – un homme rogue et trapu aux mains aussi massives que des jambons, noueuses, avec des articulations rougies, qui s’appuyait lourdement sur une canne en prunellier, tandis qu’il avançait sur la glace en clopinant. Puis vint Bowen Marsh, emmitouflé dans une peau d’ours. Ensuite, Othell Yarwyck. Enfin le septon Cellador, dans une semi-ébriété.