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« Marchons ensemble », leur proposa Jon. Ils suivirent le Mur vers l’ouest, empruntant des passages semés de gravier en direction du soleil couchant. Une fois qu’ils se furent éloignés de cinquante pas de la guérite de réchauffage, Jon déclara : « Vous savez pourquoi je vous ai convoqués. Dans trois jours, la porte s’ouvrira, pour permettre à Tormund et à son peuple de franchir le Mur. Nous avons beaucoup à faire, en préparation. »

Un silence accueillit son annonce. Puis Othell Yarwyck objecta : « Lord Commandant, il y a des milliers de

— … de sauvageons efflanqués, épuisés, affamés, loin de chez eux. » Jon indiqua du doigt les lueurs de leurs feux de camp. « Les voilà. Quatre mille, selon Tormund.

— J’en compte trois mille, d’après leurs feux. » Pour Bowen Marsh, compter et mesurer était une raison d’exister. « Plus de deux fois autant à Durlieu avec la sorcière des bois, nous dit-on. Et ser Denys évoque dans ses messages de grands camps dans les montagnes, au-delà de la tour Ombreuse… »

Jon ne le nia pas. « Tormund affirme que le Chassieux a l’intention de retraverser le pont des Crânes. »

La Vieille Pomme Granate effleura sa cicatrice. Il l’avait reçue en défendant le pont à la dernière tentative du Chassieux pour s’ouvrir un chemin à travers les Gorges. « Le lord Commandant n’a sûrement pas l’intention de permettre à ce… ce démon de passer, lui aussi ?

— Pas de grand cœur. » Jon n’avait pas oublié les têtes que lui avait laissées le Chassieux, avec des cavités sanglantes où s’étaient trouvés leurs yeux. Jack Bulwer le Noir, Hal le Velu, Garth Plumegrise. Je ne peux les venger, mais je n’oublierai pas leurs noms. « Mais pourtant si, messire, lui aussi. Nous ne pouvons faire un choix au sein du peuple libre, en décidant que celui-ci passera, et point celui-là. La paix doit signifier la paix pour tous. »

Le Norroit se racla la gorge et cracha par terre. « Autant faire la paix avec les loups et les corneilles qui s’nourrissent de carognes.

— La paix règne, dans mes cachots, bougonna le Vieux Flint. Donnez-moi le Chassieux.

— Combien de patrouilleurs le Chassieux a-t-il tués ? interrogea Othell Yarwyck. Combien de femmes a-t-il violées, tuées ou capturées ?

— Trois d’ ma lignée, déclara le Vieux Flint. Et celles qu’y prend pas, il leur crève les yeux.

— Quand un homme revêt le noir, ses crimes sont pardonnés, leur rappela Jon. Si nous voulons voir le peuple libre se battre à nos côtés, nous devons pardonner leurs crimes passés comme nous le ferions des nôtres.

— Jamais le Chassieux dira les vœux, insista Yarwyck. Il prendra pas le noir. Même les autres razzieurs ont pas confiance en lui.

— Il n’est pas utile d’avoir confiance en un homme pour se servir de lui. » Sinon, comment pourrais-je vous utiliser tous ? « Nous avons besoin du Chassieux, et d’autres comme lui. Qui mieux qu’un sauvageon connaît les étendues sauvages ? Qui mieux qu’un homme qui les a combattus connaît nos ennemis ?

— Tout ce que connaît le Chassieux, c’est le viol et le meurtre, contra Yarwyck.

— Une fois le Mur franchi, les sauvageons seront trois fois plus nombreux que nous, fit observer Bowen Marsh. Et cela, en ne comptant que la bande de Tormund. Ajoutez-y les hommes du Chassieux et ceux de Durlieu, et ils auront assez de forces pour en finir avec la Garde en une seule nuit.

— Le nombre ne suffit pas à remporter une guerre. Vous ne les avez pas vus. La moitié d’entre eux sont morts sur pied.

— Je les préférerais encore morts sous terre, déclara Yarwyck. Ne vous en déplaise, messire.

— Il m’en déplaît. » La voix de Jon était aussi froide que le vent qui faisait claquer leurs capes. « Il y a des enfants, dans ce camp, par centaines, par milliers. Des femmes, aussi.

— Des piqueuses.

— Quelques-unes. Ainsi que des mères, des grand-mères, des veuves et des pucelles… et vous les condamneriez toutes à périr, messire ?

— Des frères ne devraient point se disputer, intervint le septon Cellador. Agenouillons-nous et prions l’Aïeule d’éclairer notre voie vers la sagesse.

— Lord Snow, annonça le Norroit, où vous avez l’intention de loger vos sauvageons ? Pas sur mes terres, j’espère ?

— Certes, renchérit le Vieux Flint. Si vous les voulez installer sur le Don, c’t une folie qui regarde que vous, mais veillez à ce qu’ils s’égarent pas, sinon j’ vous renverrai leurs têtes. L’hiver est proche, j’ veux pas d’autres bouches à nourrir.

— Les sauvageons demeureront sur le Mur, assura Jon. La plupart seront logés dans un des châteaux abandonnés. » La garde avait désormais des garnisons installées à Glacière, Longtertre, Sablé, Griposte et Noirlac, toutes sérieusement en sous-effectif, mais dix châteaux restaient encore vides, à l’abandon. « Des hommes avec femmes et enfants, tous les orphelins, filles et garçons, en dessous de dix ans, les vieilles, les mères veuves, toutes les femmes qui ne souhaitent pas combattre. Nous enverrons les piqueuses rejoindre leurs sœurs à Longtertre, et les hommes non mariés dans les autres forts que nous avons rouverts. Ceux qui prendront le noir s’établiront ici ou seront postés à Fort-Levant, ou à Tour Ombreuse. Tormund s’établira à Chêne Égide, afin qu’on puisse le conserver à portée de main. »

Bowen Marsh poussa un soupir. « Si leurs épées ne nous tuent pas, leurs bouches le feront. De grâce, comment le lord Commandant se propose-t-il de nourrir Tormund et ses multitudes ? »

Jon avait anticipé la question. « Par Fort-Levant. Nous ferons venir la nourriture par navires, autant qu’il sera nécessaire. De Conflans, des terres de l’Orage et du Val d’Arryn, de Dorne et du Bief, de l’autre côté du détroit, des Cités libres.

— Et tous ces vivres seront payés… comment, si je puis poser la question ? »

Avec l’or de la Banque de Fer de Braavos, aurait pu rétorquer Jon. Mais il annonça : « J’ai accepté que le peuple libre conserve ses fourrures et ses peaux. Ils en auront besoin pour se tenir chaud quand viendra l’hiver. Ils devront céder toute autre richesse. L’or et l’argent, l’ambre, les pierres précieuses, les sculptures, tout ce qui a de la valeur. Nous l’expédierons de l’autre côté du détroit pour le vendre dans les Cités libres.

— Toute la fortune des sauvageons, commenta le Norroit. Voilà qui devrait vous payer un boisseau d’orge. Deux, peut-être.

— Lord Commandant, pourquoi ne pas leur demander de céder leurs armes, également ? » s’enquit Clydas.

En entendant sa question, Cuirs se mit à rire. « Vous voulez que le peuple libre se batte à vos côtés contre l’ennemi commun. Et comment, sans armes ? Voudriez-vous nous voir cribler les spectres de boules de neige ? Ou allez-vous nous donner des bâtons, pour les frapper avec ? »

Les armes que possèdent la plupart des sauvageons ne valent guère mieux que des bâtons, se dit Jon. Des gourdins de bois, des haches en pierre, des casse-tête, des piques à la pointe durcie au feu, des couteaux d’os, de silex et de verredragon, des boucliers d’osier, des armures d’os ou de cuir bouilli. Les Thenns forgeaient le bronze, et des razzieurs comme le Chassieux arboraient des épées d’acier ou de fer, volées sur des cadavres… Mais même celles-là étaient souvent d’une grande ancienneté, émoussées par des années d’emploi soutenu et piquetées de rouille.