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Iger répondit aux deux femmes par un hochement de tête respectueux. « Je l’ai formulée de différentes manières, madame la coprésidente et, chaque fois, j’ai vérifié quelle zone de son cerveau s’éclairait. Sa nervosité a beaucoup augmenté quand j’ai commencé à l’interroger à ce sujet, capitaine Desjani, mais elle ne trahissait pas que la seule crainte de nous savoir au courant. Regardez ces enregistrements. » Le lieutenant tapota sur quelques touches et afficha, en suspension devant leurs yeux, des images du cerveau du commandant en chef syndic. « Vous voyez cette zone ? C’est celle qui s’occupe de la sécurité personnelle. Elle réagit lorsqu’on prémédite une tromperie, autrement dit quand il forge un mensonge. Vous pouvez constater à quel point ses réactions ont différé selon ma formulation de la même question. » Diverses zones s’illuminaient ou s’obscurcissaient tour à tour sur les images.

« Lorsqu’on aborde ce sujet, il témoigne d’une peur profondément enracinée, qui active certaines des plus anciennes régions du cerveau humain.

— Peur de l’inconnu, de ce qui nous est étranger ? demanda Geary.

— Quelque chose comme ça, capitaine.

— Mais il prétend ouvertement ne rien savoir ?

— Oui, capitaine. »

Geary jeta un regard à Rione et Desjani. « Il me semble que je devrais entrer pour lui parler. Le lieutenant Iger pourra surveiller ses réactions. Voulez-vous m’accompagner, l’une ou l’autre ? Ou toutes les deux ? »

Desjani secoua la tête. « Je préfère observer d’ici. J’ai déjà le plus grand mal à m’interdire de passer au travers de cette paroi pour étrangler ce salaud de syndic. »

Rione se renfrogna, mais davantage mentalement qu’en présentant ce masque à Desjani. « Je crois que vous devriez d’abord essayer seul, capitaine Geary. Il se montrera peut-être un peu plus enclin à parler en tête à tête. Si tout semble bien se passer, je pourrai toujours entrer, faire pression sur lui ou l’encourager autant qu’une politicienne de l’Alliance en est capable.

— D’accord. » Iger se rapprocha de Geary et lui fixa soigneusement un minuscule dispositif derrière l’oreille, tout en marmonnant une excuse. « Qu’est-ce que c’est ?

— Un outil de communication à courte portée opérant sur une fréquence qui n’interférera pas avec le matériel d’interrogatoire, expliqua Iger. Nous vous fournirons ainsi des renseignements sur toutes les réactions du Syndic que décèlera notre équipement pendant votre conversation. Il est effectivement invisible, mais, si cet officier possède quelques rudiments sur les interrogatoires, il se doutera que vous êtes relié à ceux qui l’observent. »

Quelques secondes plus tard, Geary entrait dans la salle d’interrogatoire et refermait l’écoutille derrière lui. Le Syndic était assis sur un des deux fauteuils boulonnés au pont. Il se leva à l’entrée de Geary ; la brusquerie de ses gestes trahissait sa peur. « Je suis un officier des Mondes syndiqués et… »

Geary brandit une paume comminatoire et l’autre s’interrompit net mais resta debout. « J’ai déjà entendu un certain nombre de variations sur ce thème, lui expliqua Geary. Ça n’a pas l’air d’avoir beaucoup changé en un siècle. »

Cette dernière déclaration arracha au Syndic un rictus involontaire. « Je sais que vous vous présentez comme le capitaine John Geary, mais…

— Mais rien, le coupa Geary. Vos supérieurs m’ont déjà positivement identifié, j’en suis informé, et ils ont confirmé qui j’étais. » Il s’installa en s’efforçant de faire montre de l’assurance la plus absolue et fit signe à son interlocuteur de se rasseoir. L’homme s’exécuta au bout de quelques instants, l’échine roide. « Il serait temps de cesser de jouer, commandant Cafiro. Ces petits jeux ont coûté horriblement cher à l’Alliance et aux Mondes syndiqués, tant en vies humaines qu’en ressources, vainement gaspillées dans une guerre que vous ne pouvez espérer gagner.

— Les Mondes syndiqués ne céderont pas, affirma Cafiro.

— Ni l’Alliance. Au bout de près d’un siècle de guerre, tout le monde a dû s’en rendre compte, j’imagine. En ce cas, à quoi bon ? Pourquoi vous battez-vous, commandant Cafiro ? »

L’autre lui jeta un regard inquiet. « Pour les Mondes syndiqués.

— Vraiment ? » Geary se pencha légèrement. « Alors pourquoi faites-vous ce que l’intelligence extraterrestre attend de vous, de l’autre côté de l’espace syndic ? »

L’officier le fixa. « Il n’existe rien de tel. »

Mensonge. La voix du lieutenant Iger était comme un murmure dans son oreille.

Geary n’avait nullement besoin qu’on le lui confirmât. « Je ne me donnerai même pas la peine de vous citer toutes les preuves que nous avons recueillies. Les Mondes syndiqués n’ont probablement pas connaissance de certaines. » Laissons cet homme ruminer l’information. « Mais nous savons qu’ils existent, que le Conseil exécutif des Mondes syndiqués a passé avec eux un marché en acceptant d’attaquer l’Alliance, et qu’ils l’ont dupé en vous laissant combattre seuls. » Tout cela se résumait sans doute à un fatras de savantes hypothèses, mais Geary se refusait désormais à admettre leur ambiguïté.

Le Syndic lui rendit son regard, et Geary, sans avoir besoin de l’assistance des appareils d’Iger, lut sur son visage les signes flagrants de son désarroi. « Je ne sais pas de quoi vous parlez. »

Partiellement faux, mais, quand vous avez parlé de duperie, il a accusé le coup. Peut-être n’était-il pas au courant.

Geary lança à son interlocuteur un regard dubitatif. « J’ai cru comprendre que vous vous nommiez Niko Cafiro, officier supérieur exécutif de second niveau. C’est un grade assez élevé. » Cafiro scruta Geary d’un œil passablement méfiant, mais il garda le silence. « Assez élevé pour faire de vous le commandant en second de la flottille que nous avons détruite dans ce système stellaire. » Cette fois, le visage du Syndic trahit à la fois colère et crainte. « Nous avons rétabli l’équilibre des forces, commandant Cafiro, poursuivit Geary. Les Mondes syndiqués ne sont plus en mesure de nous opposer une supériorité numérique. Nous avons détruit trop de vos vaisseaux au cours des derniers mois. »

Il cache quelque chose, chuchota Iger. Votre allusion au nombre de leurs vaisseaux a déclenché des réactions en cascade.

Qu’est-ce que ça signifiait ? Que les vaisseaux syndics étaient plus nombreux qu’on ne s’y attendait, ou bien que ce commandant songeait à ces combats qui leur avaient coûté tant de bâtiments et s’efforçait de dissimuler des réactions confirmant les dires de Geary ?

« Nous sommes proches de la frontière de l’Alliance, reprit-il. Plus que quelques sauts et nous émergerons dans un système stellaire syndic frontalier. D’où nous rentrerons chez nous. »

Cette dernière affirmation eut au moins le mérite de déclencher une réaction ouverte : « Votre flotte sera détruite.

— Je vais la ramener chez nous, affirma Geary d’une voix égale.

— Toutes les forces qui restent aux Mondes syndiqués vous attendront dans un de ces systèmes frontaliers et vous arrêteront, insista Cafiro d’une voix manquant de conviction. Votre flotte ne regagnera jamais l’espace de l’Alliance.

— Peut-être m’y attendront-elles, mais, jusque-là, les Mondes syndiqués n’ont guère joué de bonheur dans leurs tentatives pour nous arrêter. En outre, et vous le savez aussi bien que moi, je n’ai nullement besoin de ramener cette flotte entière chez elle pour faire pencher la balance du côté de l’Alliance. Il suffira d’un seul de ses vaisseaux. Celui qui transporte la clé de l’hypernet syndic. » Cafiro ne put s’empêcher de tiquer. « Et vous ignorez lequel. Comment les Mondes syndiqués pourraient-ils empêcher ce bâtiment de sauter vers l’espace de l’Alliance ? Et, une fois qu’il l’aura regagné, insista Geary en se penchant davantage, l’Alliance pourra dupliquer cette clé et les Mondes syndiqués devront détruire un par un leurs portails pour lui interdire de les emprunter. Elle nous confère donc un énorme avantage. Et vous savez ce qu’il advient quand on détruit un portail de l’hypernet, n’est-ce pas ? »