Выбрать главу

Geary avait tiré à l’aveuglette, mais Cafiro détourna les yeux, visiblement troublé. « Je croyais qu’Effroen en avait été informé.

— Effroen ?

— Le commandant en chef des forces laissées à Lakota pour défendre le système. Elle avait reçu l’ordre de vous interdire coûte que coûte d’emprunter le portail, mais, bien que ceux d’entre nous qui avaient connaissance des événements de Sancerre se soient inquiétés de ce qui risquait d’arriver aussi à Lakota si l’on détruisait son portail, ils ont été mis en minorité. »

Il a l’air sincère, commenta Iger. On distingue certains pics de fureur quand les zones mémorielles s’éclairent. Cohérents avec le rappel d’événements perturbants.

Geary fixa le Syndic en hochant la tête. « Vos supérieurs semblent disposés à prendre beaucoup de risques. Et de très gros risques, comme celui qui a conduit la flotte à se retrouver piégée au cœur du territoire syndic.

— Ce… Ce n’était pas une idée à moi.

— L’embuscade dans votre système mère ? Cet agent double qui a offert la clé de l’hypernet syndic à la flotte de l’Alliance pour qu’elle se jette dans ce traquenard ?

— Non ! Je n’aurais jamais pris un tel risque. »

Geary secoua la tête. « Ça semblait un coup sûr. Vous l’auriez pris. Mais ça vous a pété entre les doigts.

— Par votre faute ! glapit Cafiro, bouillant brusquement de rage, le visage cramoisi. Si vous n’étiez pas revenu… » Il s’interrompit et perdit ses couleurs, à présent livide de peur.

« Ouais, convint Geary. Je suis revenu. » Le Syndic ravala sa salive et le dévisagea. « Réfléchissons-y. Quelqu’un, du moins si ce terme convient pour désigner des entités appartenant à une espèce intelligente non humaine, a incité par la duplicité les Mondes syndiqués à déclencher cette guerre.

Votre Conseil exécutif a royalement merdé et refusé de l’admettre. L’Alliance aura bientôt les moyens d’anéantir l’hypernet syndic parce que votre Conseil exécutif a royalement merdé une seconde fois. Les Syndics sont sur le point de perdre une guerre qu’ils ont eux-mêmes déclarée. Et vous leur restez loyal alors que vous pourriez débattre avec nous des moyens de minimiser les dégâts. »

Cafiro réfléchissait visiblement, le regard fuyant. « Seriez-vous en train de… négocier ? finit-il par demander.

— Je vous demande seulement de réfléchir à une alternative.

— Dans l’intérêt des Mondes syndiqués ?

— Exactement. » Geary opina, le visage serein.

« Vous voudriez mettre fin à la guerre ? avança Cafiro.

— Nous savons tous les deux que l’humanité affronte un autre ennemi. Il serait peut-être temps de cesser de nous entretuer parce qu’il nous y a poussés par la ruse. »

Cafiro médita encore quelques secondes, tout en évitant de nouveau de regarder Geary dans les yeux. « Comment pouvons-nous être sûrs que vous tiendrez parole ?

— Vous en trouverez la preuve dans tous les systèmes stellaires que cette flotte a traversés depuis qu’elle a quitté votre système mère. Ne faites pas semblant de l’ignorer. »

Cafiro pressa les paumes l’une contre l’autre et posa sur ses lèvres l’extrémité de ses doigts pour réfléchir à nouveau. « Ce n’est pas suffisant. Pas pour l’instant. Croyez-moi, tant qu’il restera une chance de vous arrêter, nul ne s’opposera aux décisions de notre actuel Conseil exécutif. »

Il dit la vérité, déclara le lieutenant Iger d’une voix surprise.

« Et si notre flotte réussissait à rentrer chez elle ? »

Le commandant syndic lui jeta un regard oblique. « Alors l’échec serait monstrueux, son coût incalculable et ses conséquences trop graves pour qu’on les envisage. Mais, même dans ce cas, le Conseil exécutif refuserait de négocier. Il ne peut pas se le permettre, car ce serait reconnaître sa responsabilité dans cet échec. »

Geary hocha la tête. Rione avait dit la même chose, se souvenait-il.

« Mais après une telle débâcle, reprit Cafïro, le visage dur, les autres systèmes des Mondes syndiqués n’accepteraient plus de se sacrifier pour protéger le Conseil exécutif de ses erreurs. »

Demandez-lui ce que ça signifie, le pressa Rione. Rébellion ou remplacement des membres du Conseil exécutif ?

Geary hocha la tête comme s’il s’adressait à Cafiro, en même temps qu’il répondait à Rione par l’affirmative. « Sous-entendriez-vous qu’il y aurait une révolte ou bien que nous aurions affaire à de nouveaux conseillers ? »

Cafiro détourna les yeux. « Je n’en sais rien. »

Il ment, affirma Iger.

« Alors disons de nouveaux conseillers, insista Geary. Consentiront-ils à négocier pour mettre fin à la guerre ?

— Dans ces conditions ? Il me semble. Tout dépendra des termes de l’armistice. »

Il dit vrai, déclara Iger.

« S’allieraient-ils à nous pour affronter les extraterrestres et cesseraient-ils enfin de feindre d’ignorer leur existence ?

— Oui, je… » Cafiro piqua de nouveau un fard, s’en voulant manifestement d’avoir laissé échapper cet aveu par inadvertance : il connaissait bel et bien leur existence.

« Nous connaissions déjà la vérité tous les deux, déclara Geary. Nous voulons la même chose. Mettre fin à une guerre absurde et faire front commun contre un danger qui menace l’humanité. Il me semble que c’est là un terrain d’entente parfaitement suffisant pour travailler ensemble. »

Le commandant syndic acquiesça d’un signe de tête.

Appelez-en à son intérêt personnel ! l’exhorta Rione. Pas seulement à celui de l’humanité ou des Mondes syndiqués ! Le sien ! Il n’est pas devenu un commandant en chef syndic par goût de l’abnégation !

Elle marquait un point. Geary eut un petit sourire forcé. « Quand je parle de travailler ensemble, je parle de travailler avec quelqu’un que nous connaissons, bien entendu. Quelqu’un qui connaît et comprend les tenants et les aboutissants. »

Ses zones cérébrales de plaisir s’éclairent, fit observer Iger.

Cafiro opina de nouveau, bien plus fermement. « Comme vous l’avez dit, nous devons réfléchir en termes de satisfaction mutuelle.

— Naturellement », répondit Geary d’une voix égale, alors qu’il eût préféré cracher. Pourquoi diable Rione ne s’en était-elle pas chargée elle-même, sans sa médiation ? Mais, comme tout autre dirigeant actuel de l’Alliance, sans doute aurait-elle été obnubilée par la haine et la méfiance engendrées décennie après décennie par cette guerre. Alors que lui-même, qui restait un intrus, même maintenant, était dans une position différente. Cela dit, il ignorait quels mots choisir et, s’imaginant sans doute qu’il saurait les trouver, elle ne lui soufflait rien. Pourquoi pas ? Il rassembla ses souvenirs d’un supérieur sous les ordres duquel il avait souffert pendant quelques années, homme que ses magouilles politiciennes et sa tendance à manipuler son entourage avaient bien failli faire radier de la flotte. Il lui suffisait de se rappeler ce qu’il disait : « L’Alliance doit travailler avec des gens corrects », déclara-t-il en n’insistant que très légèrement sur ce dernier mot.