Выбрать главу

— L'avenir nous l'apprendra sans doute, ma tendre amie. Nous aimerions bavarder avec vous à bâtons rompus à propos de votre client mort. Est-il pensable que vous puissiez nous accorder un peu de temps ?

— Bien sûr ! Vous savez ce que nous allons faire ? La dînette. J'ai plus d'une heure de battement avant la visite du sénateur Branlot, et il est midi et demi. Martine va ouvrir une boîte de foie gras des Landes et il y a un poulet froid en gelée au frigo. Du poulet pour mes poulets chéris ! Raffiné, non ?

Dix minutes plus tard, nous voilà à festoyer dans l'aimable cuisine de Gladys. Épicurienne, la môme ! Elle détenait une boutanche de sauternes en prévision du foie gras et possède un bon petit bordeaux rouge pour accompagner son poultok jusqu'à ses dernières demeures. Bombance !

— Qu'est-ce qu'on peut vous apprendre à propos du pauvre Jeannot ? fait-elle en étalant son foie gras sur un toast croustillant.

Je lui souris. Tu sais qu'elle est choucarde ? Sympa, intelligente et aimant l'amour malgré (ou à cause) de sa profession.

— Écoutez, chérie, ce genre de vieux crabes, quand ils viennent faire relâche chez vous, n'ont pas besoin que de caresses. Ils ont également besoin de se raconter, non ?

Elle soupire :

— A qui le dites-vous, mon cœur ! C'est même le plus exténuant de nos prestations, les écouter ! On a droit à leurs souvenirs de régiment, à la gueuserie de leurs épouses, à leurs maux, à leurs traites impayées, à leurs questions politiques, à leurs voyages ! Ça surtout : leurs voyages ! Voyez-vous, jamais je ne mettrai les pieds à Bali ou à la Guadeloupe, tellement ils m'en ont foutu une indigestion, ces veaux !

— Donc, le gros Jeannot, comme vous l'appelez, n'échappait pas à la règle et vous cassait les pieds avec ses souvenirs ou ses problèmes ?

— Il était maillot jaune de l'équipe de mes casse-burettes.

— Vous faisait-il des doléances à propos de certaines personnes de son entourage ?

— Il ne faisait même que ça, sitôt sa petite crampette tirée.

— De qui vous parlait-il ?

— Oh ! avant tout de sa frangine qu'il haïssait. A l'entendre, elle avait tous les défauts de la terre. Il s'était probablement produit quelque chose de violent dans leur vie passée.

— Ensuite ?

— Son ex-femme. Là aussi, c'était la méchante haine. A travers ce qu'il me racontait d'elle, elle lui en faisait baver et lui piquait un maximum de blé. Mon idée c'est qu'elle le tenait d'une façon ou d'une autre et qu'il ne pouvait pas moins faire que de cracher au bassinet.

— D'autres encore ?

Je suis interrompu par Martine qui demande d'une voix timide de jeune fille de la bonne société :

— Gladys, je peux caresser l'inspecteur Blanc pendant que nous sommes à table ? Je devine qu'il en a très envie et je n'ai jamais touché un sexe de couleur.

— Évidemment que tu peux, ma mignonne, d'autant que ce grand bougre te dévore de ses gros yeux.

— Merci, fait civilement l'exquise.

Elle balance la paluche sur le braque de mon ami qui balbutie des évasiveries tartuffiennes comme quoi « croyez-vous que ce soit bien l'endroit propice ? » et « que si vous me faites ça, je ne réponds pas de la suite des événements, étant particulièrement sensible de ce côté-là » ! Mais la délicate Martine qui se joue des braguettes écosse le jean de mon copain. La suite s'opérant sous la nappe à petits carreaux blancs et bleus, je reviens à mes préoccupations :

— En dehors de la sœur et de l'ex-épouse, mentionnait-il d'autres personnes ?

Gladys réfléchit :

— Il a dû me parler de certaines tracasseries avec son associé, mais elles n'ont été qu'effleurées, beau commissaire.

Tiens, sa jambe qui s'enroule autour de la mienne ! La chaleur communicative des banquets, tu crois ?

Y a une ambiance vachetement capiteuse dans cet apparte. Les ondes amoureuses ? Les émissions de foutre maintes fois répétées ?

— Sa secrétaire ? coassé-je.

— Eh bien…

— A-t-elle été sur la sellette ?

— Jamais.

Martine intervient une seconde fois :

— Gladys, cela vous ennuierait si je pompais l'inspecteur Blanc sous la table ? Il vient de me dire qu'on ne l'a jamais sucé dans ces conditions…

— Mais naturellement, poulette. Est-il besoin de me le demander ? C'est la récré pour tout le monde. Dès que j'aurai terminé mon aile de poulet, j'irai te rejoindre et je m'occuperai du séduisant commissaire ! Est-il sexy, notre chevalier Bayard !

Décidément, on joue « Le Repos du Guerrier » chez ces gentilles. Foie gras, sauternes frappé au coin du bon sens, fellation contrôlée en dessous de table ; mazette (dirait le Vieux), on ne se refuse rien !

— Vous a-t-il entretenue d'un vieux, le cas échéant, Gladys ?

— Un vieux ?

— Oui, un vieux. Essayez de vous souvenir. A-t-il fait une quelconque allusion à un homme âgé, probablement plus que lui qui, après tout, n'était que sexagénaire ?

— Je n'en conserve pas le moindre souvenir.

— Ha houa houi ! dit Martine sous la table.

Je soulève la nappe et me penche. La frivole jeune fille est assise en tailleur (de pipes) entre les jambes musculeuses de M. Blanc et lui apothéose la membrane avec conviction.

— Tu veux bien répéter, ma puce ? lui fais-je.

Elle abandonne le périscope à crinière du Noirpiot, s'en caresse voluptueusement la joue et dit :

— A moi, oui, il en a parlé.

Du coup, je glisse de ma chaise pour aller la rejoindre.

— Explique, mon bijou.

Le paf de Jérémie trépigne d'impatience et bat la mesure de la Cinquième Symphonie. Martine le chope par les naseaux et lui flatte l'encolure pour le faire tenir tranquille.

— Un après-midi où Jeannot m'avait choisie, comme il ne parvenait pas à bander, il a dit : « Ça ne vient pas de mon âge, mais des antibiotiques que j'ai pris pour mon angine. Il y a dans mon usine un vieux salaud plus âgé que moi et qui trique encore comme un âne. »

Ayant fait sa déposition, elle se rengouffre le chibraque à Messire Colored et se remet à lui tétiner le joufflu avec un bel appétit. Moi, près d'elle, me voici brusquement en arrêt devant le décolleté sud de Gladys. En savante prêtresse de l'amour, elle a remonté les pans de sa tunique et ouvert les jambes, non sans s'être avancée à l'extrémité de sa chaise.

L'invite est si flagrante, mon désir si péremptoire, que je poursuis le repas au rez-de-chaussée. A une grande technicienne comme Miss Gladys, c'est pas du toutouche-pipi-tout-vent qu'il convient de lui prodiguer, mais de la séance pro dans une figure libre qui m'a valu la première place sur le podium aux championnats du monde de minette de Bouffémont (Val d'Oise). Je lui propose ma grande réalisation que j'ai intitulée « les trois unités ».

Comme une horde de zozos en délire va m'écrire pour me solliciter d'en quoi cela consiste, je préfère donner tout de suite la recette ici, pas qu'on vienne me faire chier avec le service après-vente. Tu dégages doucement la crinière avec tes doigts de devant. Légère lichouille urbi et orbi, manière d'humidifier le paysage. Ensuite, départ du médius pour l'exploration spéléologique. Il sera suivi successivement de l'annulaire puis, lorsque l'installation de ce dernier est acquise, de l'index. Là se situe une séance calme mais sûre de ces trois gentils émissaires. Avec soutien de la menteuse, toujours, afin d'éviter la surchauffe. Lorsque le relais lubrificateur est naturellement assuré par la bénéficiaire, il est l'heure pour l'auriculaire d'entrer en scène, à savoir de se placer affectueusement dans l'œil de bronze de la personne célébrée. La pleine réussite de la manœuvre exige de l'exécutant une main large dont l'ouverture maximale permet de placer le pouce à une bonne quinzaine de centimètres du petit doigt. Ledit pouce parachève l'action en exécutant un massage suave du dito. Je me résume : le pouce s'active sur l'ergot de Satan, les trois doigts du mitan font piston dans la moniche, et l'auriculaire farceur électrise la bagouze arrière. Celui qui possède une grande souplesse des doigts peut être assuré du succès.