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Grave, Béni frappe une seconde fois des mains.

— En piste, m'sieur Alfred ! On a l' goumi paré ? Montrez-nous voir-t-il s'y l'est à l'équerre ? Parfait ! Tu peux arrêter d'y lécher les roustons, Louisiana : y tiendra, l' temps du voiliage. Surtout visez just', m'sieur Alfred ! V's' y êtes ? Go !

Alfred s'élance avec la souplesse féline d'un champion de saut en hauteur. Un pas, deux pas, trois pas et hop ! Fsutt ! Tchloc ! Gagné. Mistress Bérurier est empaffée de première. Sans la moindre anicroche ! Tu te croirais à notre base de lancement en Guyane. Pour bien montrer l'aboutissement impec de sa mission, M. Alfred lève les deux bras comme le font les mécanos de formule I lorsqu'ils viennent de changer les roues du coureur. II se permet quelques allers-retours bien venus, prouver qu'il a ses aises et peut musarder dans la babasse de sa partenaire. A l'aise, Biaise !

Béni donne le signal des applaudissements. Berthe, radieuse, tourne la tête vers nous, au-delà de son gros cul, pour saluer. Elle murmure :

— Merci, merci !

— Bien, enchaîne Alexandre-Benoît, maint'nant, j' voudrais que nous passassions à la deuxième version, celle avec culotte fendue, dont pour laquelle, personnellement, j'ai un faib'. J' la trouve plus sexy malgré qu'on perdisse une grosse partie d' la cressonnière à Maâme Bérurier. L'danger c'est qu' l'ouverture d' la culotte restasse pas écartée et qu' M'sieur Alfred s' fout' l' zob en torche à l'arrivée ; riez pas, on a vu des cas ! Louisiana, mon trognon, apporte sa p'tite culotte fendue à Berthy. Bien sûr, la noire, elle fait plus classe. Alfred, tu veux bien déculter, qu' Berthe pusse enfiler son slip ! Merci. Va t' remett' en position d'départ, mec. Tas b'soin qu' Louisiana t' reprenne en main pour r'charger les battreries ? Non ? Y t' reste suffisamment de tonomie ? Tout de même, j'aime mieux assurer ! Louisiana, passe-lui un p'tit coup de langue su' l' filet par acquisition d'conscience, t'es pas à ça près !

Et les deux « professeurs » de l'institut, réitèrent leur prestation avec un même succès.

Béni passe au vote. Il est éloquent. A l'unanimité, nous préférons la version avec culotte fendue. Sa Majesté rutile de bonheur.

— Merveilleux intermède, apprécié-je, mais à présent, je souhaiterais avoir une heure d'intimité avec Edmée.

Le Mammouth se fend le pébroque :

— L' numéro de levrette avec élan t'a donné des idées, grand, avoue ?

— C'est juste, conviens-je : il m'a donné des idées !

CHAPITRE XIII

NOJSULCNOC[9]

Ce qui fait une grande partie de sa force, au président, je ne le répéterai jamais assez, c'est sa pugnacité. Cette histoire Bonblanc que je lui ai narrée un soir, au débotté, tu crois qu'il l'a oubliée, malgré ses formidables obligations, préoccupations, tourments, malgré les lécheurs en essaims, les quémandeurs en troupeaux, les geigneurs en hordes ? Que non pas. Lui, malgré les Conseils de ministres, les visiteurs, les conférences, les subjonctifs plus-que-parfaits, sa pensée retombe toujours sur ses pattes. Aussi, quand les résultats de mon enquête ont fait les choux-raves des médias, m'a-t-il convoqué dans son vaste bureau. Pour éviter de foutre la merde, il l'a fait par le canal du Vieux.

Et nous sommes tous les trois réunis. Lui, dans un fauteuil, nous deux, Achille et moi, sur le canapé. Parfois, on entend un gémissement de chiot. Le président a le réflexe de se pencher, des fois qu'on se serait amené avec quelque yorkshire ou autre bestiole du genre. A un moment donné, comme il est appelé au bigophone, je chuchote à mon boss :

— Contrôlez-vous, monsieur le directeur. Je vous demande pardon, mais vous émettez des plaintes.

Il ne proteste pas.

— C'est l'émotion, San-Antonio. Il m'impressionne terriblement, cet homme ; si je vous disais que je me suis muni de Pampers, par précaution. Son regard me fait uriner !

Le président, au téléphone, il parle très feutré et très peu. Comme toujours il écoute. Au cours d'une communication, il prononce seulement des mots espacés. Pas de phrase, jamais, et cependant, il sait en confectionner de si belles, avec des verbes compassés, des compléments biseautés, des substantifs dorés à la feuille, des adverbes en cristal de roche, tout ça…

Il termine sa communication par le mot « oui », le plus délicat de la langue française, le plus beau et le plus dangereux aussi quand on exerce sa charge, et revient à nous.

— Poursuivez, cher commissaire, vous en étiez à ce sieur Torcheton, de Beauvais, franche fripouille, dirait-on.

— Pire que cela, monsieur le président ! Un être odieux, un combinard, un maître chanteur, qui, sans vergogne, s'est servi de sa petite-fille pour gagner de l'argent. D'ailleurs, la caractéristique de cette affaire, c'est que tous les protagonistes en sont des coquins. Habituellement, dans des affaires criminelles, comme dans la vie courante, on trouve des méchants et des gentils. Eh bien, là, il n'y a pas de gentils. Nous avons des spécimens d'humains gâtés, pourris : les bons gros, les grands maigres, les jeunes, les vieux, les femmes, les hommes, tous étaient bons pour l'enfer.

Il a un bout de rire à peine esquissé qui, hop ! est déjà parti.

— Comme je vous l'ai déjà expliqué, reprends-je, Bonblanc a conclu un marché avec un service nippon pour faire supprimer tous les gêneurs de son entourage. Sa sœur, elle, avait décidé parallèlement de lui extorquer sa fortune tout en brisant son moral.

— De quelle façon ?

— Il y a quelques années, au cours d'un voyage organisé qu'elle a fait au Maroc, le hasard a voulu qu'elle se casse le nez sur Aimée, son ancienne belle-sœur. Vous devinez sa stupeur en constatant qu'elle était vivante ! Aimée, devenue Lowitz, n'a pu que lui avouer la vérité et l'a emmenée chez elle. Je suppose que la vie de Mlle Bonblanc n'a dû tenir qu'à un fil. J'ignore ce qui s'est passé entre les deux femmes et Lowitz, toujours est-il que les choses se sont terminées par une sorte de pacte soufreux, genre : mon silence contre votre aide. Cette sœur servante, traitée avec mépris par son frère fortuné, tenait à se venger de lui. Réduire l'illustre Godissart et lui prendre sa fortune représentait un bel objectif.

Lowitz, aux manigances internationales douteuses, savait le bonhomme intimidable puisque son beau-père le faisait chanter sans grande difficulté depuis des années pour un crime que Jean Bonblanc n'avait même pas commis. Avant tout, il fallait compromettre Bonblanc. Pour cela, l'appâter avec une jolie fille puisqu'il était sensible au beau sexe. On tenta et l'on réussit un coup extraordinaire : le faire séduire par celle qui aurait été officiellement sa fille si l'incendie du 18 juin 63 ne s'était pas produit ! Tantine Bonblanc s'arrangea pour ménager une rencontre. Edmée séduisit sans peine l'ancien époux de sa mère. Peu à peu, elle révéla à son vieil amant que sa profession d'hôtesse de l'air était une façade destinée à masquer d'autres activités plus lucratives. Le vieux requin mordit à l'hameçon. C'est ainsi qu'il s'associa avec la bande de Bruxelles pour l'exploitation des microprocesseurs… Il s'occupait, depuis des lustres, d'affaires plus que douteuses avec ses complices, à savoir son associé et sa secrétaire, gardant apparemment les mains propres par un excès de précautions, exemple ce répondeur téléphonique clandestin, perdu en rase campagne.

« Le trafic avec les Japs prospéra. Il prospéra tellement que ses acolytes eurent les dents qui poussèrent. C'est au moment où ils posèrent leurs réclamations que le vieux décida de les « neutraliser ». Comme il aspirait à la tranquillité, il décida de faire une « charrette » des gens qui gâtaient son existence, en y adjoignant sa sœur et sa deuxième femme ; ainsi les pistes seraient-elles complètement brouillées par l'abondance et la disparité des victimes. »

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9

Ce titre de dernier chapitre est codé. Pour le déchiffrer, il n'est que de le tire dans une glace.

MATHIAS, Directeur du Laboratoire de Police Technique[10].