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Je valdingue trois ou quatre valdas en provenance de la grande confiserie du Creusot et, immédiately le tir adverse cesse. En prime j'ai même droit à un cri. Suit alors une galopade. La porte de fer du garage claque.

— En avant ! verduns-je.

Je m'élance à la tête de mes troupes. Je parviens dehors hors d'haleine, alors que le fuyard, lui, est presque hors de vue !

C'est une silhouette sombre, plutôt massive, que la nuit de la venelle absorbe.

Béru radine à son tour, me soulageant d'une grande anxiété, car je me demandais comment s'était passé pour lui la pluie de Bastos (après tout il n'est pas coauteur et son invulnérabilité ne tient qu'à l'affection que je lui porte !).

— Coursons-le ! aboie-t-il.

Mahousse, enveloppé, mais véloce, il fonce à grandes galopées qui sonnent sur les pavetons disjoints. Je l'imite et le dépasse.

Nous voilà sur les rives du lac. Le fuyard s'est pris une sérieuse avance. Il louvoie (comme disait Colbert) sous le couvert des arbres en direction du casino illuminé.

Nous le voyons escalader le perron désert et disparaître à l'intérieur du bâtiment.

— Bon baiser à mardi ! soupiré-je en stoppant.

Sur sa lancée, Bérurier parcourt encore six mètres dix-huit et s'arrête également.

— Pourquoi tu moules? reproche-t-il.

— Comment veux-tu que nous le repêchions dans le casino qui doit être archicomblé ce soir ! Retournons plutôt au garage pour faire le bilan.

Match nul, mes amis : un défunt partout. Le pauvre vieux gardien est mort de tous les côtés. Il en a pris dans l'œil, dans le crâne, dans la poitrine, dans le bide et, si on lui faisait les poches, je suis certain qu'on y dénicherait quelques pralinettes en rabiot.

Justice immanente : son assassin aussi est clamsé. Deux de mes balles se sont logées dans sa gorge. S'il souffrait des amygdales, le voilà guéri.

— Mais je connais ce ouistiti ! s'exclame Béru, en le retournant du bout du pied.

— Vraiment ! tressaillé-je.

— Et comment ! Il s'agit de Jojo la Défouraille, un loustic pas fréquentable, condamné à mort par accoutumance je crois bien, et qu'on m'avait dit espadrille en Amérique latoche.

Le Gros me frappe l'épaule.

— Tu peux te vanter d'avoir réussi un fameux carton, biscotte le pedigree de cet affreux est presque aussi riche que celui d'Hitler. Il a obtenu le Prix Pruneau en 62 (1).

Effectivement, les traits de ce type ne me sont pas inconnus.

— Maintenant, dis-je, j'aimerais bien savoir ce qu'il est venu maquiller dans ce garage.

— A propos, fait Béru, il serait juste temps de palper les radiateurs. Çui du camion doit faire comme la soupe, il doit refroidir.

Il va de camion en camion, appuyant sa vigoureuse dextre sur les capots. A la troisième auscultation il s'arrête.

— Je crois que je brûle, fait-il.

Je bigle la plaque minéralogique du véhicule détecté (ce dernier est immatriculé dans la Seine) et je note son numéro. Après quoi nous nous intéressons à son contenu. Celui-ci se compose uniquement de vélos. Deux douzaines de bicyclettes de course marque Plombier absolument neuves.

Les bécanes n'ont vraiment rien de suspect. Je les examine en détail, allant jusqu'à sonder l'intérieur de leurs cadres, mais j'en suis pour mes frais car il s'agit là d'honnêtes vélos.

— Qu'est-ce que ces abominables pouvaient bien fabriquer avec les cycles Plombier, murmure le Gravos dont les cellules grises font du zèle. C'est pas le genre de cette honorable maison d'engager des truands !

— Faudrait se rencarder, dis-je. Palpe un peu les fouilles de Jojo La Défouraille pour voir sous quelle identité il circulait.

Béru obéit et extrait de la poche intérieure du mort un passeport helvétique comportant la photographie de ce dernier.

— Il se faisait appeler Samuel Hougredekon, dit-il. Domicilié à Neuchâtel. Tu parles d'un culot ! Où est-ce qu'il est allé pêcher ce passeport, c'est pas le genre des Suisses de distribuer les pièces d'identité en blanc…

— Les cycles Plombier, réfléchis-je tout haut, ils sont maqués avec quelle firme pour ce Tour?

— Ben avec nous, riposte Bérurier.

— C'est-à-dire?

— Le Papier Hygiénique Fafatrin, quoi ! Qu'est-ce qu'on branle, maintenant? On fait une partouze ou on prend le train?

— Allons prendre le train, ricané-je, je le prends si rarement !

— Et les morts?

— Ils sont morts. C'est une situation de tout repos !

— On prévient pas la volaille d'ici? réprouve cet homme de devoir.

— Oh ! dis, hier on s'est fait une surpate avec les perdreaux de Dijon, on va pas remettre ça cette nuit avec ceux d'Evian ! Ça devient le Tour de France de la Poule, la Grande Boucle.

Béru n'insiste pas et va chercher le râtelier d'Alonzo dans sa tire qu'il finit par dégauchir au milieu d'un troupeau de véhicules.

En partant nous laissons les loupiotes du garage allumées et la porte grande ouverte afin de faciliter à nos contemporains la découverte du drame.

— On en est à notre combien t'est-ce de macchabée? demande le Gros en ouvrant toute grande sa main de masseur pour une hâtive comptabilité.

Je récapitule.

— Hans Brocation qui fait un, le chauffeur de Jeannot qui fait deux, le veilleur de nuit du garage qui fait trois, et ton copain de Défourailleur qui nous amène à quatre. Plus une tentative d'assassinat sur la personne de La Meringue, une deuxième sur celle de Jean Méhunraillon et deux autres sur nos aimables personnes. En vingt-quatre heures c'est du résultat positif, non?

— Et en plus on a le maillot jaune, conclut Bérurier en brandissant le dentier d'Alonzo.

CHAPITRE X

Nous marchons le long du lac. Il fait une véry belle nuit d'été, avec des étoiles, de la moiteur, des lumières et de la musique. Un vrai film d'Hollivode en supra-colore-arc-en-ciélisé. Je pense très fortement à cette histoire farfelue et sanglante. Béru aussi, qui marche à mon côté d'un pas pachydermique. Le masseur ivrogne de l'équipe Fafatrin se fait flinguer. Le directeur sportif de l'équipe Fafatrin se fait flinguer (son chauffeur est tué), et un tueur à gages chevronné, reconnu d'inutilité publique, vient opérer une descente dans le garage de l'équipe Fafatrin, en amenant un camion bourré de vélos pareils à ceux qu'utilisent les coureurs de l'équipe Fafatrin. Voilà qui est troublant, non? Tout tourne autour de la maison Fafatrin.

— Y a que La Meringue que je ne m'explique pas, murmuré-je.

J'ai parlé pour moi. Quand on pense trop intensément, votre gamberge finit par refaire surface. Le Béru qui a une cervelle mitoyenne mate par-dessus le muret séparant nos matières grises, hoche la tête, et murmure :

— Tu veux dire qu'il n'avait rien à voir avec les Fafatrin's boys?

— Exactement.

— Il avait tout de même à voir qu'il était l'intime de Brocation et qu'il zonait dans sa chambre.

— En effet, c'est le seul point de raccordement, Fils !

Tout naturellement, nos pas nous ont conduits devant le casino illuminé.

— On entre? je propose à Sa Majesté.

Béru s'éclaire comme la façade du bâtiment.

— Bonne idée. J'ai même envie de flamber un peu pour voir.

J'adresse à Berthe une pensée fugace.

— M'est avis que tu gagneras, prophétisé-je.

Il y a beaucoup de monde dans le grand hall. La fiesta se répercute jusqu'ici. Je ne sais pas pourquoi ça rend les habitants d'une ville heureux d'héberger le Tour de France? Ça les dope. On dirait qu'ils viennent de toucher des crédits fabuleux pour déguiser leur patelin en Éden.