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— Justement, plaide le Gravos, c’est dans ma troisième séance que j’y ai fait le Cosaque en chaleur à bobonne. Dans l’obscurité je m’apercevais pas sur quoi t’est-ce que je marchais. Mais t’émulsionne pas le raisin, La Meringue, on va faire un peu de ménage, Berthe et moi !

— Du ménage, maintenant que vous avez bousillé la moitié de la cargaison ! s’étrangle l’obèse.

Lors, Béru-le-brutal, Béru-le-sauvage, Béru-l’Attila devient Béru-le-philosophe, Béru-le-sentencieux, Béru-le-raisonneur.

— Ménage ta bille, gars. Tes biscuits, tu les distribuais après tout. C’est bien simple, t’auras qu’à rationner les foules à dater de dorénavant. Tu refiles ta came aux vioquards et aux sous-alimentés only, avec légère priorité aux mêmes et aux gamins hydrocéphaus[5].

— Marre à la fin ! glapit le bonimenteur de la maison Vaporetto (dont la devise est « Ne vous embarquez jamais sans biscuits »). Fous-moi le camp avec ta morue pas fraîche ! On veut rendre service aux gens et on retire que des avanies !

Berthe qui se débat avec la fermeture éclair de son blouson (car rien n’est plus long à actionner qu’une fermeture éclair de blouson) se rebiffe. Béru voudrait lui protéger l’honneur, mais La Meringue est au paroxysme, à l’incandescence, au degré de fusion, au point de rupture !

Me prenant à témoin, il me déballe ses doléances.

— Vous parlez d’un début de Tour ! Je perds aux dames, mon copain de chambrée se fait flinguer et ces cannibales déguisent mes biscuits en chapelure ! Ah je vous le jure ! C’est ma fête aujourd’hui ! Bon, virez-moi ces deux guignols pendant que je vais chercher un balai ! J’ai déjà rencontré des turbulents du radada, mais des comme eux, jamais ! Deux bulldozers auraient fait l’amour avec plus de retenue…

Vociférant, il s’éloigne dans la nuit en direction de l’hôtel. Béru achève de se refringuer.

— Évidemment, reconnaît le Formidable, on a pris un peu trop ses aises comme si on aurait été dans un bavouillodrome spécialisé. Mais quoi, ça faisait plusieurs jours qu’on se mettait la tringle, hein ma poule ?

Gênée, Berthy se contente de battre pudiquement des paupières. Nous abandonnons le camion. La place est maintenant déserte et la nuit étoilée se déguise en Van Gogh.

— Venez voir notre camion à nous, roucoule la trop-aimée en nous drivant vers un angle de la place.

Le gars Alfred a bien fait les choses. Sur le flanc du véhicule on a peint un énorme berlingot et on peut lire en caractères géants cette honorable attestation :

J’ai essayé le berlingot Poursantif. C’est for-mi-dable ! Bernard Chauve.

J’admire la hardiesse de cette publicité, lorsqu’une espèce de petite toux sèche et glavioteuse retentit à l’autre bout de la place. On dirait qu’on vient de frotter une gigantesque allumette sur un non moins gigantesque grattoir. Ou bien non, on dirait qu’on débouche presque simultanément quatre ou cinq bouteilles de champ’. Ça me fait tressaillir, puis courir.

— Où vous allez z’ainsi ? s’écrie la Grosse comblée.

Je ne réponds pas. Moi, vous me connaissez, au moins de réputation ? Lorsque mon pifomètre a sorti son antenne, je capte les messages venus d’une autre galaxie. En ce moment je suis prêt à vous parier une infusion de queues de cerises contre la permission de compisser un homme-tronc que quelqu’un vient de se servir d’une arme munie d’un silencieux.

Je cours en direction du bruit. C’est venu de vers l’hôtel. J’avise une masse par terre. Je me penche : c’est La Meringue. Il est assis sur son monstrueux dargif, pressant contre soi une pelle en fer.

Il halète.

— Ah ben, ça alors !

— Que t’est-il arrivé ? m’enquiers-je.

Il brandit sa pelle. On dirait un bébé obèse qui s’apprête à faire des pâtés. La pelle est constellée de petits cratères.

— Ça m’a renversé, qu’il bredouille, le Very Big.

— Quoi donc ?

— Un zig m’a sauté sur le cou avec un pétard. Il a tiré à travers un gros tube. J’ai eu un geste pour me protéger le baquet et c’est la pelle qui a pris. Si que j’avais pas ce geste, j’étais déguisé en macchabée aussi sec.

A la clarté lunaire il est verdâtre, le chantre du Biscuit Vaporetto.

— Ça s’est passé comment ? j’insiste.

— Je revenais de l’hôtel avec la pelle et la balayette, pour nettoyer mon camion. J’entends un pas derrière moi. Je me retourne. C’était un zig sur mes talons. Affreux, il s’était collé un bas sur le bilboquet. J’ai cru tout de suite à une blague. Et puis il m’a avancé son engin vers la brioche…

J’aide le poussah à se relever.

— Où est-il passé, l’homme à la seringue ?

— Il a disparu derrière les bagnoles !

— T’as des ennemis, La Meringue ?

Il secoue ses bajoues flasques.

— Sûrement pas !

— C’est pourtant pas un vieux camarade d’enfance qui a tenté de te cigogner !

— Je dis pas, mais franchement je suis pote avec le monde entier.

Le couple Bérurier s’avance. On lui raconte l’agression.

Sans hésiter, le Don Juan biscuité donne son verdict :

— C’est lié à la mort d’Hans Brocation !

— Tu crois ? soupire La Meringue.

— Bédame, c’est comme si on le lisait écrit au journal lumineux de Saint-Lazare, mon pote !

— Mais je pigne rien de rien, lamente le Mastodonte. Pourquoi que des gens nous en veulent, à ce pauvre Hans et à moi, alors qu’on est les plus doux des hommes !

— C’est ce que nous allons essayer de trouver, dis-je. Rentrons à l’hôtel.

— Tout ce qu’il y a de volontiers, s’empresse La Meringue, un petit coup de remontant me fera pas de mal.

CHAPITRE IV

A l’instant même où notre quatuor pénètre dans l’hôtel, l’un des deux poulets dijonnais est en train de demander au patron de la boîte si le dénommé Justin Latour est parti depuis longtemps et s’il a dit quelque chose avant de sortir. Ce qu’entendant, La Meringue s’écrie :

— Justin Latour, c’est moi, de quoi s’agit-il ?

Les deux poulagas le défriment hargneusement.

Le plus grand (celui qui a une montre et de l’eczéma) s’avance et déclare :

— Il s’agit de cela, mon gaillard.

Et clic-clic il referme les boucles d’un cabriolet grand sport sur les forts poignets de l’attenté.

— Qu’est-ce que ça signifie ? s’interloque le pape de la biscuiterie Vaporetto.

— Qu’on t’arrête sous l’inculpation de meurtre, mon lascar !

J’interviens :

— Sur quoi vous basez-vous ?

— Sur ça ! dit le second poulet en exhibant un solide pétard coiffé d’un silencieux à bord roulé.

— Comprends pas ! lâché-je sèchement.

— On vient de le trouver dans la poche de son imperméable et il est encore tout chaud ! ironise le flic en me toisant de toute sa supériorité.

— J’ai jamais eu d’appareil pareil ! rime La Meringue, éploré.

Il s’enfonce dans son cauchemar, le pauvre loup ! Et, comme il est mahousse, ça fait des vagues.

— Écoutez, collègues, attaqué-je. Si ce flingue est chaud c’est qu’il vient de servir.

— C.Q.F.D. ! gouaille le plus petit (celui qui est abonné au Chasseur Français et qui mange les asperges avec les doigts). C.Q.F.D., répète-t-il vu qu’il a des lettres majuscules plein le slip.

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5

Il est surprenant de constater que rémotion provoque chez Béru les mêmes défaillances grammaticales que chez La Meringue.