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— Ian, ai-je dit, supposons que je demeure ici jusqu’à ce que les choses se calment dans l’Imperium…

— Ce n’est pas une hypothèse. C’est un fait.

— Bien, monsieur. Alors, il est urgent que j’appelle mon employeur. Est-ce que je peux utiliser le terminal ? Avec ma carte de crédit, bien sûr…

— Pas question. C’est moi qui appelle et ce sera imputé ici.

Je me suis sentie quelque peu vexée.

— Ian, j’apprécie votre hospitalité à tous. Mais si tu entends payer des notes qui me reviennent, tu ferais tout aussi bien de me déclarer concubine officielle et d’engager ta responsabilité pour l’ensemble de mes dettes.

— C’est raisonnable comme proposition. Et quel salaire envisages-tu ?

— Une minute ! a lancé Georges. Je surenchéris. C’est un sale radin d’Écossais !

— Ne les écoute ni l’un ni l’autre, a dit Janet. Il se peut que Georges t’offre plus mais tu devras poser et donner un œuf par-dessus le marché pour le même salaire. Mais j’ai toujours eu envie d’avoir une esclave de harem. Ma chérie, tu ferais une merveilleuse odalisque. Tu n’aurais même pas besoin d’un diamant dans le nombril. Mais est-ce que tu sais bien frictionner ? Tu chantes ? Et nous en venons à la question finale : qu’éprouves-tu à l’égard des femmes ? Tu peux venir me chuchoter ça à l’oreille.

— Bon, je devrais peut-être essayer de m’expliquer une fois encore. Tout ce que je veux, c’est donner un coup de téléphone. Ian, puis-je me servir de ma carte de crédit pour appeler mon patron ? C’est la MasterCard, avec crédit Triple A.

— Émise où ?

— Par l’Impérial Bank de Saint Louis.

— Avec ce qui s’est passé cette nuit, je comprends que tu n’aies pas entendu une des dernières informations. A moins que tu ne veuilles vraiment que ta carte soit annulée ?

— Annulée ?

— Tu fais l’écho. British Canadian Bank Crédit Network a annoncé que les cartes de crédit émises dans le Québec et l’Imperium étaient invalidées pour la durée des troubles. Essaie de mettre la tienne dans n’importe quelle fente et tu apprendras à mieux connaître les joies de l’âge de l’informatique dans une bonne odeur de plastique brûlé.

— Ah !…

— Parle. J’ai cru que tu avais dit « ah ! ».

— Oui, je l’ai dit. Ian, est-ce que je peux faire amende honorable ? Et appeler mon patron sur ton crédit ?

— Mais bien entendu… à condition que tu te mettes d’accord avec Janet. C’est elle qui gère le budget de la maison.

— Janet ?

— Tu n’as toujours pas répondu à ma question, chérie, a dit Janet. Viens me chuchoter ta réponse au creux de l’oreille.

Je la lui ai chuchotée. Elle a ouvert de grands yeux.

— Donne d’abord ton appel.

Je lui ai indiqué le code et elle l’a formé pour moi sur le clavier du terminal de sa chambre.

Le balayage cosmique s’est effacé et une annonce s’est mise à clignoter : INTERDICTION SECURITE – AUCUN CIRCUIT AVEC IMPERIUM DE CHICAGO.

Cela a duré une dizaine de secondes. J’ai lâché un juron violent et Ian a fait derrière moi :

— Allons, allons ! Les jolies petites filles ne parlent pas comme ça…

— Je n’en suis pas une. Et j’en ai marre !

— Je savais que tu réagirais comme ça. J’avais entendu cette information. Mais je savais aussi que tu tiendrais à essayer toi-même avant d’être convaincue.

— Oui, je voulais essayer. Ian, je suis coincée. J’ai un crédit quasi illimité sur l’Impérial Bank de Saint Louis et je ne peux même pas y toucher. Il ne me reste que quelques dollars néo-zélandais et un peu de monnaie. Cinquante couronnes impériales. Et une carte de crédit suspendue. Qui est-ce qui parlait de contrat de concubinage ? Vous pouvez m’avoir pour pas cher. Nous pouvons lancer les enchères.

— Ça dépend. Les circonstances modifient le marché et il se pourrait que je ne veuille pas monter plus haut que vivre et couvert. Qu’est-ce que tu as chuchoté à l’oreille de Janet ? Cela pourrait changer les choses.

C’est Janet qui a répondu.

— Elle m’a murmuré : « Honni soit qui mal y pense. »

— Marjorie, tu n’es pas pire que tu ne l’étais il y a une heure. Tu ne peux pas rentrer chez toi avant que les choses se calment. La frontière sera rouverte, les circuits rétablis et ta carte de crédit honorée… Sinon ici, du moins à quelques dizaines de kilomètres de là. Alors, croise les bras et attends bien patiemment.

— Oui, c’est ça, le cœur tranquille et l’esprit en paix.

— Exactement. Et Georges pourra te faire poser. Toi et lui, vous avez les mêmes fantasmes, vous êtes de dangereux mutants et vous devriez être internés dès que vous mettrez le pied hors de cette maison.

— Est-ce que nous n’avons pas raté un autre bulletin d’infos ? demanda Janet.

— Oui. Mais je crois qu’il ne faisait que répéter ce que nous avons déjà entendu. Georges et Marjorie sont censés se présenter l’un et l’autre au plus proche poste de police. Je pense qu’ils devraient s’abstenir. Georges peut aussi bien ne pas en tenir compte, jouer les idiots et prétendre qu’il ignorait que ça s’appliquait aux résidents permanents. Bien sûr, ils pourraient vous mettre en liberté surveillée, à moins que vous ne passiez l’hiver dans des baraquements d’internement. Parce que rien n’indique que cette crise démente s’achève la semaine prochaine.

J’ai longuement réfléchi. C’était ma faute. J’avais été stupide. Quand je suis en mission, je voyage toujours avec plusieurs cartes de crédit et avec une somme en liquide suffisamment importante. Mais j’étais en congé et j’en avais bêtement conclu que je n’avais pas à emporter toute cette monnaie sonnante et trébuchante avec laquelle je réglais cyniquement tous les problèmes. Mais sans elle, que faire ? Je n’avais jamais essayé de vivre hors du pays depuis mon entraînement de base. Il se pouvait peut-être que j’aie à vérifier si cet entraînement avait été véritablement efficace. Dieu merci, il faisait suffisamment chaud !

— Montez le son ! cria Georges, Ou bien venez ici !

Nous nous sommes précipités.

«…du Seigneur. Ne prêtez pas l’oreille aux propos vaniteux des pécheurs ! Nous seuls sommes responsables des signes d’apocalypse que vous voyez autour de vous. Les valets de Satan ont tenté d’usurper le saint travail des instruments de Dieu et de le détourner à de viles fins. Pour cela, ils sont à présent châtiés. Pour l’heure, ceux qui gèrent les affaires de ce monde sont requis de se soumettre à ces saints devoirs :

« Qu’il soit mis un terme à tout passage dans le royaume des cieux. Si le Seigneur avait voulu que l’homme voyage dans l’espace, il lui aurait donné des ailes.

« Qu’on ne permette pas à une seule sorcière de survivre. Le prétendu génie génétique est un affront aux buts ultimes du Seigneur. Que l’on détruise les antres abominables où de telles choses sont accomplies. Que l’on tue les morts-vivants conçus dans ces puits de ténèbres. Que l’on pende les sorcières qui pratiquent ces arts vils. »

— Bon sang ! s’exclama Georges. Je crois bien qu’ils parlent des gens comme moi.

Moi, je n’ai rien dit car j’étais certaine que c’était de moi et de mes semblables qu’il s’agissait. Absolument certaine.

« Les hommes qui couchent avec des hommes, les femmes qui couchent avec des femmes, ceux qui couchent avec des bêtes… tous ceux-là périront par les pierres. Ainsi que toutes les femmes adultères.

« Les papistes, les Sarrasins, les infidèles et les juifs, tous ceux qui se prosternent devant des images idolâtres… à tous ceux-là, les Anges du Seigneur disent : Repentez-vous car l’heure est proche ! Repentez-vous ou bien craignez les épées vives des instruments élus du Seigneur !