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— Un autre meurtre ?

— Si tu le souhaites, oui.

— Probablement pas. Comme tu l’as dit, je suis améliorée. Quand il le faut, je sais me tirer d’affaire toute seule.

— C’est comme tu veux, Vendredi, ma chérie.

— Bon Dieu, Georges, je ne veux pas que tu aies le sentiment d’avoir une dette envers moi. A ma manière, moi aussi, j’aime Janet. Rien qu’en la menaçant, ce salopard a signé son arrêt de mort. Je n’ai pas fait ce que j’ai fait pour toi, mais pour moi. Donc, tu ne me dois rien.

— Vendredi, tu es aussi adorable que Janet. Je l’ai très vite compris.

— Alors, pourquoi ne pas régler tout ça au lit ? Je sais que je ne suis pas humaine et je n’espère pas que tu m’aimes comme une autre femme, pas vraiment. Mais tu sembles avoir de l’affection pour moi et, en tout cas, tu ne te comportes pas comme ma famille néo-zélandaise. Pas comme la plupart des gens avec les EA. Et tu ne le regretteras pas. J’ai reçu une formation spéciale et… je ferai tout mon possible…

— Oh ! mon Dieu ! Qui a pu te faire tant de mal ?

— Moi ? Mais tout va bien. Je voulais seulement t’expliquer que je sais ce que vaut le monde. Je ne suis plus une enfant qui essaie de se débrouiller sans s’appuyer sur la crèche comme sur une béquille. Un être artificiel ne peut espérer un sentiment amoureux d’un humain. Nous le savons, toi et moi. Et tu le comprends encore mieux que le commun des mortels puisque tu appartiens à la profession. Je te respecte et je t’aime sincèrement et profondément. Si tu le veux, je coucherai avec toi et je ferai de mon mieux pour te procurer du plaisir.

— Vendredi !

— Oui, monsieur ?

— Tu ne vas pas coucher avec moi pour me procurer du plaisir !

J’ai senti des larmes me monter aux yeux. Un événement rare.

— Monsieur, je suis navrée, ai-je dit d’un ton lamentable. Je ne voulais pas vous offenser.

— Bon Dieu, est-ce que tu vas t’arrêter ?

— Monsieur ?…

— Cesse de m’appeler « monsieur » ! Et cesse de te comporter comme une esclave ! Appelle-moi Georges. Et rien ne t’empêche de dire aussi « très cher » et même « chéri » comme tu l’as déjà dit. Ou bien traite-moi comme un copain. Un ami. Cette dichotomie entre « humain » et « non-humain » est une invention de la masse obscurantiste. Tous ceux qui exercent ma profession savent que c’est une absurdité. Tes gènes sont des gènes humains qui ont été soigneusement sélectionnés. Cela fait peut-être de toi une super-femme, mais certainement pas une non-humaine. Est-ce que tu es fertile ?

— Euh… stérilité réversible.

— Avec une simple anesthésie locale, en dix minutes, je te change ça. Ensuite, je pourrai te féconder. Et notre bébé sera-t-il humain ou non ? Semi-humain ?

— Humain ?

— Bien sûr ! Il faut une mère humaine pour porter un bébé humain ! N’oublie jamais ça.

— Je ne… je ne l’oublierai pas.

Tout au fond de moi, j’ai ressenti un curieux pincement. L’envie sexuelle, mais pas comme je l’avais jamais ressentie auparavant, moi qui suis comme une chatte en chaleur.

— Georges… c’est cela que tu veux ? Me féconder ?

Il a eu l’air très surpris. Puis il s’est approché de moi, il m’a prise par le menton, puis il m’a serrée entre ses bras et m’a embrassée. Cela valait un neuf sur dix. Impossible de faire mieux en position verticale et habillés. Puis il m’a soulevée de terre, s’est assis dans un fauteuil et il m’a prise sur ses genoux. Il a commencé à me déshabiller, doucement. Janet avait absolument voulu que j’emprunte ses vêtements et ce que je portais était plus intéressant qu’une combinaison de saut. Mon Superskin était dans mon sac.

Tout en s’occupant consciencieusement des boutons et des zips, Georges me dit :

— Pour ces dix minutes, il faudrait que nous soyons dans mon labo et il faudrait encore attendre un mois avant ta période féconde. Ces circonstances t’épargnent un gros ventre… parce que toutes ces considérations, pour un mâle, ont l’effet de la cantharide sur un taureau. Ce qui t’évite de commettre une folie. Non, je vais coucher avec toi et c’est moi qui vais essayer de te procurer du plaisir. Quoique je n’aie aucun certificat à faire valoir. Mais nous verrons ce que nous pouvons faire, Vendredi, ma chérie. (Il m’a soulevée entre ses bras et a laissé tomber le dernier de mes dessous.) Tu es belle. Tu sens bon. Ta peau est douce. Est-ce que tu veux que nous allions à la salle de bains ? J’ai besoin de prendre une douche.

— J’irai après toi. Et je crois que j’y resterai un moment.

C’était vrai. Cet énorme « breakfast » de minuit était un poids dont je devais me débarrasser.

Quand je revins de la salle de bains, j’étais fraîche et légère. Je n’avais pas mis de parfum, seulement fragrans feminae, celui que les hommes préfèrent entre tous.

Georges était au lit, avec une couverture légère sur lui. Il semblait endormi et je ne distinguais aucune éminence révélatrice. Avec précaution, je me suis glissée auprès de lui. Sincèrement, je n’étais pas déçue. J’avais confiance. Au matin, il serait reposé et cela serait sans doute encore meilleur pour nous deux. La journée avait été épuisante.

15

Je ne m’étais pas trompée.

Je n’ai pas l’intention de ravir Georges à Janet, mais j’espère que nous recommencerons souvent, et s’il se décide à inverser ma stérilité, c’est avec plaisir que j’accepterai un bébé de lui ; je ne vois d’ailleurs pas pourquoi Janet ne l’a pas déjà fait.

Une odeur délicieuse me réveilla.

— Tu as vingt-deux secondes et pas une de plus pour prendre ton bain, dit Georges. Le plateau est arrivé. Tu as eu droit à une espèce de breakfast de minuit, alors maintenant, c’est l’heure d’un déjeuner bizarre.

Oui, je suppose que c’est bizarre de manger du crabe au saut du lit, mais je suis pour. En entrée, nous avons eu des corn-flakes avec de la crème et des bananes, le tout accompagné de biscottes et de salade verte. Le café était arrosé de cognac. Georges est un grand amoureux et un immense gourmand en même temps qu’un guérisseur magique capable de faire croire à un être artificiel qu’il est vraiment humain ou, en tout cas, que sa condition n’a rien d’effrayant.

Question : Pourquoi les trois membres de cette heureuse famille sont-ils si minces ? Je suis persuadée qu’ils ne se donnent pas la peine de suivre le moindre régime et ne se livrent à aucun exercice sadomasochiste. Un docteur m’a dit jadis que le seul exercice dont on puisse avoir besoin se déroule au lit. Était-ce là l’explication ?

Voilà pour les bonnes nouvelles. Pour les mauvaises…

Le corridor international avait été fermé. Il était possible d’atteindre Deseret en changeant à Portland mais sans garantie que le tube Omaha-Gary fut ouvert. La seule route internationale pour les capsules semblait être celle de San Diego – Dallas – Vicksburg – Atlanta. San Diego ne posait aucun problème puisque le métro de San José fonctionnait entre Bellingham et La Jolla. Mais Vicksburg, ce n’est pas l’Imperium de Chicago, tout au plus un simple port fluvial à partir duquel, avec de la patience et pas mal d’argent, on pouvait espérer rallier l’Imperium.

J’ai tenté d’appeler le Patron. Au bout de quarante minutes, j’ai éprouvé à l’égard des voix synthétiques ce que les humains éprouvent sans doute à l’égard des gens comme moi. Mais qui a pu avoir l’idée de programmer les ordinateurs afin qu’ils se montrent « polis » ?… La première fois que l’on entend une machine vous dire : « Merci pour votre patience », ça ne porte pas à conséquence et c’est plutôt rassurant, mais quand cela se répète trois fois de suite, on éprouve un sentiment étrange. Et quarante minutes d’attente sans entendre une voix humaine, c’est probablement au-delà de la limite de la patience d’un guru.