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Badaya hocha la tête et son sourire se durcit : « Certains commandants voulaient rapprocher quelques cuirassés de la station spatiale d’Ambaru pour rappeler au Grand Conseil qui tient réellement les rênes, mais je leur ai expliqué que vous ne comptiez pas jouer la partie de cette manière.

— En effet, convint Geary en s’efforçant de ne pas avoir l’air trop soulagé. Nous devons préserver l’image d’un Grand Conseil toujours aux commandes. »

C’était, de toute manière, la fable que Geary servait à Badaya. Si le Grand Conseil lui ordonnait d’entreprendre une action qu’il n’approuverait pas, il se sentirait contraint de se plier aux ordres ou de démissionner et l’enfer, alors, se déchaînerait probablement.

« Rione vous aidera à traiter avec eux, lâcha Badaya en assortissant son affirmation d’un geste balayant toute contradiction. Elle est à votre botte et elle mettra les autres politiciens au pas. Puisque vous semblez pressé, je ne vous retiendrai pas plus longtemps, capitaine. »

Son image s’évanouit sur un dernier sourire de connivence et un salut.

Geary secoua la tête, non sans se demander comment réagirait madame la présidente de la République de Callas et sénatrice de l’Alliance si elle entendait Badaya affirmer qu’elle était à sa botte. Plutôt mal, à coup sûr.

Il parcourut les coursives de l’Indomptable jusqu’à la soute des navettes, en rendant leur salut enthousiaste aux spatiaux qu’il croisait. L’Indomptable était son vaisseau amiral depuis qu’il avait pris le commandement de la flotte dans le système mère syndic, alors que, piégée au cœur du territoire ennemi, la flotte de l’Alliance semblait vouée à l’anéantissement. Contre tout espoir, il avait sauvé la plupart de ses vaisseaux, et leurs équipages le croyaient désormais capable de tout. Jusqu’à gagner une guerre que livraient déjà leurs parents et grands-parents. En dépit des pensées moroses qui l’agitaient, il s’efforçait de son mieux d’afficher la plus grande sérénité et la plus grande assurance.

Mais il ne put s’interdire de légèrement se renfrogner en atteignant la soute. Desjani et Rione s’y trouvaient déjà, tout près l’une de l’autre et conversant entre elles à voix basse, le visage impassible. Dans la mesure où ces deux dames ne daignaient échanger quelques mots qu’en cas d’impérieuse nécessité, et qu’elles donnaient la plupart du temps l’impression d’être prêtes à s’entretuer à coups de couteau, de pistolet, de lance de l’enfer ou de toute autre arme disponible, Geary ne put s’empêcher de se demander ce qui pouvait bien, brusquement, les amener à copiner.

Desjani s’avança à sa rencontre en le voyant s’approcher, tandis que Rione franchissait l’écoutille pour entrer dans la soute. « La navette et votre escorte sont parées, affirma le capitaine de l’Indomptable en fronçant légèrement les sourcils pour inspecter sa tenue avant de procéder à de menus ajustements de ses décorations. La flotte se tiendra prête.

— Je compte sur vous, Tanya, ainsi que sur Duellos et Tulev pour éviter que ça ne vire à la nova. Badaya devrait œuvrer avec vous pour empêcher certains commandants de la flotte de provoquer une catastrophe en réagissant de manière disproportionnée, mais vous trois devrez aussi veiller à ce que Badaya lui-même ne franchisse pas les bornes. »

Desjani opina calmement : « Bien entendu, capitaine. Mais vous vous rendez bien compte qu’aucun de nous ne sera en mesure d’empêcher la situation de dégénérer si le Grand Conseil lui-même réagit de façon disproportionnée. » Desjani se rapprocha, baissa le ton et posa la main sur son avant-bras, geste rare de sa part, pour souligner ses paroles. « Écoutez-la. C’est son terrain et ce sont ses armes.

— Rione ? »

Jamais il ne se serait attendu à entendre Desjani le presser d’écouter les conseils de Rione.

« Oui. »

Elle recula d’un pas et salua ; seuls ses yeux trahissaient son inquiétude. « Bonne chance, capitaine. »

Il lui retourna son salut et entra dans la soute. L’énorme masse d’une navette se dressait non loin et un entier peloton de fusiliers spatiaux formait une garde d’honneur de part et d’autre de sa rampe d’accès.

Un entier peloton de fusiliers spatiaux en cuirasse de combat, avec toutes leurs armes chargées à bloc.

Avant qu’il eût pu prononcer le premier mot, un sergent-major sortit des rangs et salua : « J’ai été désigné pour commander à votre garde d’honneur, capitaine Geary. Nous vous escorterons jusqu’à la réunion avec le Grand Conseil.

— Avec vos gars en cuirasse de combat ? » s’étonna Geary.

Le sergent-major n’hésita pas une seconde : « Le système stellaire de Varandal reste sous le coup d’une alerte pour attaque imminente, capitaine. Le règlement stipule que mes hommes soient parés au combat lorsqu’ils participent à un événement officiel en état d’alerte. »

Bien commode ! Geary se tourna brièvement vers Rione, qui ne semblait pas le moins du monde surprise de la dégaine martiale des fusiliers. Desjani avait visiblement été informée, elle aussi, de ces préparatifs. C’était donc que le colonel Carabali, le commandant du corps des fusiliers de la flotte, avait aussi approuvé cette décision. En dépit des doutes qu’il éprouvait à l’idée de se pointer accompagné d’une troupe d’hommes parés au combat pour s’entretenir avec ses supérieurs hiérarchiques civils, Geary décida que tenter de s’opposer à une décision collective de Desjani, Rione et Carabali serait malavisé.

« Très bien. Merci, major. »

Les fusiliers brandirent leurs fusils pour présenter les armes à Geary lorsqu’il entreprit d’escalader la rampe, Rione à ses côtés, en levant le bras pour les remercier de l’honneur qu’on lui faisait. En de pareils moments, quand il avait l’impression de n’avoir pas cessé de saluer depuis une heure, il lui arrivait de se demander s’il avait été très sage de sa part de réintroduire ce geste de courtoisie dans la flotte.

Rione et lui allèrent s’installer dans la petite cabine VIP, juste derrière le cockpit de la navette, tandis que les fusiliers, à la file indienne, allaient s’entasser dans le compartiment principal. Geary se harnacha tout en fixant l’écran qui, devant lui, affichait l’image lointaine d’étoiles scintillant sur fond de ténèbres infinies. Ç’aurait pu être un hublot si d’aventure quelqu’un avait été assez fou pour poser un hublot dans la coque d’un vaisseau ou d’une navette.

« Nerveux ? s’enquit Rione.

— Ça ne se voit pas ?

— Pas vraiment. Vous donnez très bien le change.

— Merci. Que complotiez-vous, Desjani et vous, quand je suis arrivé à la soute ?

— On parlait juste entre filles, répondit nonchalamment Rione en agitant négligemment la main. De la guerre, du sort de l’humanité, de la nature de l’univers. Ce genre de choses.

— Êtes-vous parvenues à des conclusions dont je devrais être informé ? »

Rione lui jeta un regard froid, puis sourit avec une assurance manifestement authentique. « Nous nous disions que vous devriez réussir, à condition de rester vous-même. Nous surveillons toutes les deux vos arrières. Rassuré ?