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Ces avisos mis à part, on n’apercevait qu’un seul croiseur léger orbitant autour d’une des planètes intérieures. Sans surprise. À court de vaisseaux, les Syndics avaient dû les rapatrier pratiquement tous pour défendre leur système mère. Les VAR n’étaient qu’une mesure désespérée.

Geary ordonna au système de combat d’échafauder un plan de bombardement des défenses fixes par des projectiles, des « cailloux » dans le jargon de la flotte, puis, lorsque la solution s’afficha quelques instants plus tard, il l’approuva et vit des dizaines de ses vaisseaux cracher des blocs de métal solide qui frapperaient leur cible après avoir accumulé de terrifiantes quantités d’énergie cinétique. Aucun objet gravitant en orbite fixe n’aurait la possibilité d’éviter le choc, mais, pour ses bâtiments, en revanche, esquiver en louvoyant les tirs de canons électromagnétiques éloignés de plusieurs heures-lumière serait un jeu d’enfant. Néanmoins, Geary ne tenait pas à se créer ce problème pendant que la flotte couperait à travers les marges extérieures du système, ni à voir ces canons cibler le Donjon alors que le croiseur lourd tenterait de procéder à des réparations.

Ce dernier n’avait toujours pas rappelé quand l’image du capitaine Smyth réapparut. « Un vrai foutoir ! annonça-t-il sur le même ton enjoué. Le Donjon aurait dû esquiver ! Ce croiseur est incapable de se réparer lui-même. Deux de ses principales unités de propulsion sont totalement détruites. Le Titan et le Tanuki peuvent s’en charger, mais, selon notre estimation, ça devrait prendre au moins quatre jours. D’ici là, le croiseur continuera de marcher sur trois pattes. »

Autrement dit, la flotte devrait lambiner de conserve. Conscient qu’il serait mal avisé de la ralentir à ce point en territoire ennemi, Geary ne consacra qu’une seconde à réfléchir aux choix qui s’offraient à lui. « Merci, capitaine.

— À votre service.

— Je me demande comment il réagit aux vraiment mauvaises nouvelles, s’étonna Desjani.

— Sans doute de la même façon, hasarda Geary. Plus on lui donne de trucs à réparer, plus il est content.

— On ne peut guère s’attendre à un meilleur comportement de la part d’un ingénieur. À propos d’ingénieurs et de comportement, le capitaine Gundel a-t-il jamais achevé cette étude que vous lui aviez confiée pour ne plus l’avoir dans les jambes ?

— Non. Je l’ai laissé à Varandal. Il bûchait encore dessus. »

Desjani secoua la tête. « Combien lui faudra-t-il de temps, à votre avis, pour comprendre que, depuis qu’elle a regagné ce système, la flotte n’a plus besoin d’une étude sur ses besoins logistiques pour rentrer à Varandal ?

— Je ne crois pas que de menus détails de cette nature – par exemple que son rapport ait ou non un intérêt stratégique – puissent décourager le capitaine Gundel. Quoi qu’il en soit, le propos de ce rapport était de le tenir occupé en lui fournissant une activité inoffensive, et il remplit donc entièrement son objectif. » Il eût été stupide de reporter sa tâche suivante à plus tard. Il appela donc le Donjon.

Le commandant du croiseur lourd fixait Geary dans la fenêtre virtuelle qui flottait devant lui. « Nous sommes encore en train d’évaluer les dommages, amiral.

— Mes propres relevés et une évaluation des ingénieurs des auxiliaires indiquent que les réparations exigeront au moins quatre jours et un solide renfort extérieur, répondit Geary. Cela coïncide-t-il avec vos propres calculs, du moins jusque-là ? »

Le commandant du Donjon hocha la tête avec une visible réticence. « Oui, amiral.

— La flotte ne peut pas se permettre de ralentir aussi longtemps pour vous accompagner, annonça Geary sans ambages. Le Donjon devra regagner Varandal pour y être réparé. Vous pourrez rendre compte à Atalia des résultats de notre action. »

Son interlocuteur afficha une mine tout bonnement horrifiée. « Je vous en supplie, amiral. Il ne s’agit pas de moi. L’équipage mérite d’accompagner la flotte dans cette mission historique. Le Donjon tiendra le rythme, amiral.

— Non. Il en est incapable. Ce que je fais là me déplaît, commandant, mais vous avez créé vous-même cette situation par vos agissements. Je me félicite que votre croiseur n’ait pas été détruit par ce champ de mines improvisé. Je vous accorde le mérite d’avoir réagi, avec quelque retard sans doute, à mon ordre de vous en écarter. Si vous n’aviez pas obtempéré, vous seriez déjà relevé de votre commandement. Mais vous avez obéi, encore que trop tardivement pour interdire à votre bâtiment d’être endommagé. Je ne mettrai pas en péril d’autres vaisseaux ni notre mission en passant quatre jours de plus à ramper dans ce système stellaire pendant qu’on répare le Donjon. Je regrette qu’il n’accompagne pas la flotte, et mon rapport stipulera que son retour à Varandal ne traduit aucune animosité de ma part à l’encontre de ses officiers et de ses matelots, mais je n’ai pas le choix. Décrochez et regagnez Varandal au plus vite pour ces réparations, capitaine.

— À vos ordres, amiral. » Le commandant du Donjon salua maladroitement, pâle comme la mort.

Là-dessus, Geary resta un moment vautré dans son fauteuil à regarder fixement son écran.

« Il a eu de la chance, déclara enfin Desjani.

— Je sais. Nous aussi. Faut-il que les Syndics soient désespérés pour bricoler ici une telle défense !

— Et comment ! » Cette idée semblait mettre Desjani encore plus en joie.

« Y a-t-il eu des survivants parmi les pilotes de ces vedettes ? » s’enquit alors Rione.

La question arracha une grimace à Desjani, qui questionna cependant une de ses vigies du regard.

« Probablement aucun, madame la coprésidente, répondit ce lieutenant. Les VAR sont si petites que le moindre coup fatal porté à leur coque anéantit vraisemblablement leur équipage. Elles ne sont pas équipées de capsules de survie. Rien que la vedette elle-même et des combinaisons pour une ou deux personnes. Une fois les systèmes d’une VAR détruits, l’espérance de survie du personnel est estimée à… euh… entre une demi-heure et une heure.

— Il ne servirait donc à rien de demander au Donjon de chercher des survivants pour les faire prisonniers ? »

Cette fois, Desjani répondit elle-même à la question de Rione, mais sans la regarder. « Ils étaient en mission suicide. Ils le savaient. Si l’un d’eux survit assez longtemps pour que le Donjon s’en approche, il risque de déclencher d’autres explosions à bord de son épave ou de se faire sauter lui-même à l’aide d’explosifs. »

Devant le visible mécontentement de Rione, Geary appela le lieutenant Iger pour lui répéter la dernière assertion de Desjani. « Êtes-vous du même avis ? »

Iger palabra avec quelques membres du service du Renseignement puis hocha la tête. « Oui, amiral. Ceux qui pilotaient ces VAR en de telles circonstances ne pouvaient qu’être des fanatiques disposés à mourir pour leur cause. J’éviterais de m’en approcher, sauf s’ils sont morts ou inconscients. » Il s’interrompit pour réfléchir. « Mais même les cadavres pourraient être équipés de mèches de proximité déclenchées par un système de l’homme mort. Je ne m’y risquerais pas, amiral. »