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Tulev y réfléchit puis hocha la tête à son tour. « Ça me semble parfaitement juste, en effet. De nombreux spatiaux et officiers qui n’étaient pas avec nous éprouvent la même sensation. Mais, comme vous le dites vous-même, les états de service de Kattnig sont bons. Je lui reparlerai en tête-à-tête et je m’efforcerai de le rassurer. Comme tous les nouveaux officiers, il apprend à composer avec votre manière différente de combattre. Peut-être est-ce une raison. Ces nouvelles tactiques peuvent donner l’impression de laisser moins de place au courage personnel.

— Ces “nouvelles” tactiques sont vieilles d’un siècle et Kattnig a d’ores et déjà prouvé sa valeur. Je vous serais reconnaissant de lui parler et de lui faire comprendre que les officiers dont il admire l’expérience l’ont précisément accumulée en y recourant.

— Certainement, amiral. » Tulev décocha à Geary un regard inquisiteur. « Vous vous inquiétez de ses réactions éventuelles ?

— Je m’inquiète de celles de tous mes nouveaux officiers, reconnut Geary. J’espère qu’ils auront retenu quelque chose de la mésaventure du Donjon.

— Ses avaries ont contraint ce bâtiment à rentrer, et je vois mal quelle plus dure punition on aurait pu lui infliger pour sa désobéissance.

— Tous auraient pu mourir si son commandant n’avait pas bifurqué à temps.

— Sans doute auraient-ils préféré la mort à la honte de rater l’attaque du système mère syndic. C’eût sans doute été un moindre châtiment à leurs yeux. »

Geary soupira. « Ça me sort toujours de l’esprit. Pour moi, la mort reste redoutable.

— Nous la redoutons tous, amiral. Mais il y a certaines choses que nous craignons davantage. » Tulev ponctua ses paroles d’un hochement de tête. « Et vous aussi, d’ailleurs. Je le sais. Sinon, vous ne seriez pas un bon commandant. » Il se releva et salua, puis son image s’évanouit.

Le saut pour Kalixa fut pure routine, bien que la flotte eût de nouveau adopté une formation de combat et fût parée pour la bataille. Geary éprouva sans doute l’habituelle sensation de malaise qu’il ressentait dans l’espace du saut, étrange univers d’informe grisaille que nulle étoile n’éclairait ; mais il était en même temps la proie d’une fébrilité qui lui interdisait de tenir en place et le poussait à fréquemment déambuler par les coursives de l’Indomptable. Persuadé que Black Jack était capable de tout, l’équipage était confiant et de bonne humeur. Lorsqu’il regagnait sa cabine, Geary restait un bon moment assis à contempler les lueurs mystérieuses qui flamboient et s’éteignent dans l’espace du saut.

Ils arrivèrent enfin à Kalixa.

Cinq

La chute parut étrangement brutale, comme si le point de saut lui-même avait été perturbé. Dans la mesure où les points de saut sont créés par la masse de leur étoile, Geary savait le problème probablement lié à Kalixa. Puis le néant gris s’effaça et la flotte entra dans le système stellaire.

L’espace d’un instant, tous restèrent cois et se contentèrent de fixer ce qui avait été Kalixa. Au bout de quelques minutes, Geary arracha son regard à la contemplation de l’hologramme pour comparer ce qu’il venait de voir avec ce qu’en disaient les guides des systèmes syndics réquisitionnés à Sancerre.

Plus rien de commun, apparemment, entre ce vieux guide et la réalité présente. Le premier montrait un système passablement cossu, une planète parfaitement adaptée à l’habitat humain, plusieurs autres et des lunes dotées de colonies sous dôme grouillantes de monde, une population de plus de cent millions d’âmes répartie dans tout le système, et à proximité, en suspension dans le vide, le portail de l’hypernet qui avait collaboré à cette opulence.

Jusqu’à ce qu’il s’effondre en produisant une vague d’énergie peu ou prou équivalente à une importante fraction de celle d’une nova d’intensité moyenne. En dépit du compte rendu angoissé d’un témoin oculaire syndic à qui Geary avait parlé, elle n’avait pas vraiment tout détruit.

Sans doute aurait-on eu moins de mal à appréhender ses conséquences réelles si tel avait été le cas. Elle avait surtout laissé un grand nombre de vestiges dans son sillage.

« Toutes les planètes ont l’air mortes, annonça la vigie des opérations d’une voix sans timbre. Il reste des débris de ruines en marge des zones qui s’offraient à la vague d’énergie quand elle a frappé. Même les sites abrités par leur localisation sur l’autre face de la planète ont été broyés, sans doute par des tremblements de terre et autres effets de choc. Il ne subsiste plus qu’une mince couche d’atmosphère sur la principale planète habitée. C’est sûrement pour cette seule raison que tout a cessé de brûler en surface. »

Geary avait figé son hologramme sur l’image agrandie des ruines d’une cité. Soit quelques décombres noircis saillant d’un champ de débris, un paysage réduit à quelques rochers et moellons, le tout vu avec cette limpidité anormale née de l’absence presque totale d’atmosphère. « Peut-on dire combien il y avait de vaisseaux sur place ?

— Non, amiral. Les senseurs de la flotte ont repéré des fragments flottant en orbite, mais tous sont dévastés et dispersés. Cet officier d’un croiseur lourd syndic avait déclaré que son vaisseau était le seul gros bâtiment présent. Compte tenu des dommages qu’il a subis, aucun croiseur léger et aucun aviso n’auraient survécu. Des appareils dépourvus de blindage et de boucliers de type militaire n’auraient eu aucune chance. »

Desjani montra l’image de Kalixa. « Dans quel état est l’étoile elle-même ?

— Fortement instable, mais elle n’a pas explosé en nova. Trop de masse stellaire avait été soufflée. Ce système restera très longtemps inhabitable, commandant. »

Le visage dur, Desjani se tourna vers Geary. « Cent millions de morts. Ces salauds ont tué cent millions de personnes d’un coup. Peu m’importe qu’ils étaient des Syndics. Ça ne doit jamais se reproduire. »

Les extraterrestres avaient-ils su ce qu’hébergeait Kalixa ? S’en étaient-ils seulement inquiétés ? « Au moins ne pourront-ils pas recommencer là où ont été installés des dispositifs de sauvegarde.

— Jusqu’au jour où ils trouveront une autre méthode. » Consciente que tout le personnel de la passerelle de l’Indomptable la fixait avec curiosité, en s’efforçant de comprendre ce qu’elle voulait dire, Desjani se rapprocha du champ d’intimité qui entourait Geary. « Il est exclu de laisser croire à ces extraterrestres qu’ils peuvent s’en tirer en toute impunité. C’était déjà suffisamment moche à Lakota, mais au moins étaient-ce des humains qui avaient pressé la détente là-bas. Ici ce sont les extraterrestres.

— Je suis d’accord. Il faut arrêter ça. » Geary prit une profonde inspiration, conscient que les images de ce système stellaire le hanteraient jusqu’à sa mort. « Madame la coprésidente, veuillez, je vous prie, veiller à ce que les sénateurs Costa et Sakaï puissent longuement et convenablement visionner les images de ce système. Je tiens à ce qu’ils soient parfaitement informés de ce que peut signifier une guerre menée avec des portails de l’hypernet.