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« Le dispositif de sauvegarde est installé sur le portail, annonça une des vigies dès que les senseurs eurent retransmis leur analyse. Il semble grosso modo de la même conception que les nôtres. »

Geary laissa échapper une goulée d’air qu’il n’avait pas eu conscience de retenir. Maintenant que la plus grosse menace potentielle était écartée, il pouvait se pencher sur les défenses syndics.

« Un croiseur léger et une demi-douzaine d’avisos, laissa tomber Desjani. Dont aucun ne se trouve à moins de quatre heures-lumière.

— Plus l’habituel réseau de défenses fixes. » Geary s’aperçut qu’il manquait quelque chose. « Ils n’ont pas posté d’avisos en sentinelles près des points de saut.

— Il y en a un à proximité du portail, lui fit-elle remarquer. Ils savent déjà où nous comptons nous rendre ensuite ou, tout du moins, ils croient le savoir. Quand il nous apercevra, dans six heures environ, il empruntera le portail pour regagner le système mère. » Elle fit la grimace. « Je vous parie à deux contre un qu’ils ne chercheront pas à le détruire. »

Geary lui adressa un regard interrogateur. « C’était précisément l’une de mes inquiétudes. Pourquoi s’en priveraient-ils ? Ils étaient déjà prêts à le faire avant même de tenter de nous arrêter et, maintenant qu’il est équipé d’un dispositif de sauvegarde, ils n’ont plus à se soucier des conséquences sur leur système stellaire.

— Le gouvernement syndic n’existe que pour réaliser des profits. Détruire ce portail porterait un coup fatal à l’économie du système, même si son effondrement ne le grillait pas entièrement. C’est ce qui pousse les autochtones à s’en abstenir. Mais, comme vous l’avez dit vous-même, le Conseil exécutif syndic est certainement prêt à nous recevoir dans son système mère. Ça signifie qu’ils tiennent à nous voir arriver là-bas, plutôt que de semer la pagaille dans le reste de l’espace syndic. Et ils veulent que nous empruntions ce portail pour tomber dans l’embuscade qu’ils nous y auront préparée, parce qu’ils sont encore une fois trop sûrs d’eux.

— Bien raisonné. Ne les faisons donc pas attendre plus longtemps. »

Geary se retint de déclencher un bombardement des défenses fixes et attendit de voir comment réagiraient les Syndics. Alors que la flotte de l’Alliance traversait la courbure extérieure du système stellaire en direction du portail, l’aviso s’y engouffra comme l’avait prédit Desjani, mais les autorités syndics de Parnosa ne déclenchèrent aucune attaque, pas plus qu’elles n’offrirent de se rendre, et leurs vaisseaux restèrent à distance. « Nous devrions éliminer ces défenses », suggéra finalement Desjani.

Geary secoua la tête. « Les cailloux sont sans doute bon marché, mais nos réserves ne sont pas inépuisables. J’ai le pressentiment que leur système mère grouillera de cibles si nombreuses que nous nous féliciterons de chaque projectile cinétique que nous pourrons leur balancer. »

À une journée de trajet du portail, les autorités syndics appelèrent enfin Geary. Il ne vit qu’un seul responsable militaire, homme d’un certain âge qui s’exprimait sans ambages. « Je vous appelle au nom des civils innocents de ce système stellaire. »

Desjani émit un bruit grossier.

« Nous sommes conscients que vous êtes en mesure de détruire notre portail et de semer sur nos têtes un épouvantable fléau, poursuivit le commandant en chef. Au nom de l’humanité, nous vous prions de nous épargner cela. Si le capitaine Geary est aux commandes de cette flotte, c’est à lui que j’adresse directement mon appel et que je promets de ne pas engager d’hostilités contre ses vaisseaux s’il consent à ne pas anéantir ce portail.

— Intéressant, lâcha Rione à la fin de la transmission. Le faisceau était très étroit. Les vaisseaux syndics stationnant à Parnosa n’ont pas dû l’entendre.

— Doubler leurs propres défenseurs ! gronda Desjani. Typique des Syndics !

— Défenseurs qui risqueraient de bombarder les autochtones s’ils les soupçonnaient de chercher à désobéir aux ordres de leur autorité centrale, lui rappela Geary avant de se tourner vers Rione. Pourquoi s’inquiètent-ils tant de nous voir détruire leur portail ? Alors qu’il est équipé d’un système de sauvegarde. » Il se retourna vers Desjani. « Pourrait-il s’agir d’un dispositif factice ? D’un leurre ? »

Rione répondit la première : « Les habitants de ce système ont sûrement vu les enregistrements pris par la flotte à Lakota, et ils ont probablement aussi entendu parler de Kalixa, de sorte qu’ils savent ce qui se passe quand un portail s’effondre. Leur gouvernement leur a sans doute assuré que le dispositif de sauvegarde empêcherait ce désastre si leur portail s’effondrait ou s’il était détruit, mais je doute qu’ils lui fassent confiance. »

Geary hocha la tête. « Ils présument donc que leur gouvernement leur ment.

— Est-ce là une notion si étrangère ? » s’enquit Rione sur un ton sarcastique.

Geary évita de croiser le regard de Desjani. Les officiers de la flotte se méfiaient de leurs dirigeants politiques. Il se demanda combien d’entre eux auraient cru en l’efficacité de leurs propres dispositifs de sauvegarde si l’un d’eux n’avait pas déjà répondu à son objectif initial. « Très bien, en ce cas. Croyez-vous que les sénateurs Costa et Sakaï seraient très mécontents ou regarderaient cette affaire comme une négociation si je la réglais moi-même ?

— Vous êtes en situation de combat, répondit Rione. C’est pleinement de votre ressort, amiral de la flotte Geary.

— Capitaine Desjani, demandez à votre officier des communications de me fournir un faisceau étroit afin que je puisse répondre à ce commandant en chef syndic. »

Le circuit établi, Geary afficha son masque officiel de commandant de la flotte et l’activa. « Ici l’amiral Geary, à l’intention des autorités et populations syndics du système stellaire de Parnosa. L’Alliance n’est responsable de l’effondrement d’aucun portail des Mondes syndiqués. En réalité, quelques vaisseaux de cette flotte se sont même placés dans une situation extrêmement périlleuse pour veiller à ce que celui de Sancerre cause le moins de dégâts possible après son effondrement. Nous n’avons aucunement l’intention de provoquer celui du vôtre. » Faisons d’abord table rase de cette éventualité. Il ne voulait en aucun cas qu’on lui prêtât ne fût-ce que l’intention d’employer une arme de cette nature. « Abstenez-vous ne nous agresser et nous nous abstiendrons de toute réaction défensive contre la population et les installations de ce système. » Il s’interrompit puis ajouta quelques mots qu’il avait toujours un certain mal à articuler, car ils évoquaient à ses yeux une menace que jamais l’Alliance n’aurait dû poser. « Notre flotte ne fait pas la guerre aux civils. » Elle ne la leur faisait plus, en tout cas, depuis qu’il était à sa tête, et il était convaincu que la plupart de ses officiers abondaient dans son sens. « Nous ne nous en prenons qu’aux cibles militaires. Je sais que vous êtes probablement informés de nos activités dans d’autres systèmes stellaires durant les derniers mois. Maintenez vos forces à l’écart de notre flotte, ne l’attaquez pas et nous n’exercerons pas de représailles. En l’honneur de nos ancêtres. »

Desjani secoua la tête. « Nous sommes dans un système syndic relativement opulent et la flotte ne tirera sans doute aucun coup de feu. » Elle lui lança un regard sardonique. « Au bon vieux temps, nous nous serions sans doute bien amusés à tout faire exploser dans le secteur.

— Il y a quelques mois, voulez-vous dire ?

— Ça fait bien plus que “quelques mois”, amiral. » Elle changea d’expression. « Mais si l’on m’avait prédit voilà un an que ça changerait à ce point, jamais je ne l’aurais cru. »